Les constructeurs automobiles premium germaniques sont en pleine révolution technologique. Alors que Tesla est une marque informatique qui produit des voitures, les autres constructeurs sont des producteurs de voitures qui se mettent au numérique. Une révolution qui concerne tous les secteurs de leur industrie et qui remet en question à marche forcée tous leurs savoir-faire, à commencer par les motorisations, contraintes par les nouvelles normes environnementales draconiennes dictées entre autres par l’Union Européenne et l’urgence climatique.
Généralement, la transition vers l’électrique s’accompagne d’une refonte en profondeur des processus de conception et de fabrication, qui vont bien au-delà des seuls moteurs. En fait, c’est toute la chaine de valeur qu’il faut repenser, car d’une part, un géant de l’industrie automobile ne peut pas se contenter de prendre un modèle existant et de remplacer le moteur thermique ou hybride par un moteur électrique. D’autre part parce-qu’on ne saurait imaginer aujourd’hui une voiture électrique moderne sans son lot de prestations intelligentes et connectées, ne serait-ce que pour gérer la charge de la batterie.
Audi a déjà largement opéré sa mue technologique, en faisant évoluer ses modèles de façon assez spectaculaire au cours des dernières années vers une transition digitale menée au pas de charge. Il suffit de voir et d’expérimenter le cockpit des modèles de génération pour s’en convaincre : multiples écrans tactiles, services connectés grâce à une liaison à internet permanente via 4G native, modes d’assistance à la conduite de dernière génération n’ayant pas grand chose à envier à un Autopilot Tesla, commandes vocales et autres raffinements numériques se sont progressivement étendus à toute la gamme.
30 modèles Audi électrifiés d’ici 2025
Mais cela ne suffit pas. La sauvegarde de l’environnement étant l’enjeu majeur de la décennie et de celles à venir, le changement s’avère plus profond. Il faut repenser ses gammes et son métier de fond en comble. Le bricolage de façade et le greenwashing ne sont plus de mise. Comme le pétrole et ses rejets dans l’atmosphère n’ont plus la côte, la propulsion sera électrifiée ou ne sera pas, sachant que dans « électrifiée » il y a hybride et 100% électrique.
Lors d’une conférence de presse et d’une présentation détaillée il y a quelques jours à Munich, Audi nous a présenté sa vision et sa stratégie à l’horizon 2025, et le moins que l’on puisse dire est qu’elle ne manque pas d’ambition. Alors que la gamme ne compte pour le moment qu’un modèle 100% électrique, l’imposant SUV e-tron sorti au printemps dernier, Audi prévoit de proposer une gamme de 30 véhicules électrifiés d’ici 2025 (c’est à dire demain), composée de 10 voitures hybrides rechargeables et pas moins de 20 modèles exclusivement électriques. Outre le fait que les deux tiers des voitures produites n’émettront plus de CO2, Audi a également pour ambition d’atteindre également la neutralité carbone à la même date sur tous ses sites de production.
Une histoire de plateformes
Sans entrer dans les détails industriels, il est toutefois intéressant de comprendre comment évoluent les process des constructeurs automobiles. Comme indiqué précédemment c’est une histoire de plateformes. Afin de rationaliser la fabrication et ses coûts, les différents modèles d’une gamme – ou même de différentes marques d’un même groupe, comme Audi, VW Porsche – sont produites sur la base de plateformes identiques mais plus ou moins modulables sur lesquelles sont greffées des carrosseries et des motorisations différentes, ce qui va définir la largeur et la profondeur d’une gamme.
Ces plateformes sont souvent liées à un lieu de production et à un segment de marché. Afin de conduire sa transition vers les motorisations « propres », Audi développe en partenariat avec les autres marques du groupe quatre nouvelles plateformes qui vont permettre de produire ses nouvelles gammes full électriques. En résumé, la plateforme MLV evo sera dédiée exclusivement aux modèles Audi, comme l’actuel SUV e-tron et sa prochaine déclinaison e-tron Sportback, la plateforme MEB aux Audi, VW, Seat et Skoda, et les plateformes J1 et PPE sera consacrée au haut de gamme et réservée exclusivement à la production d’Audi et Porsche électriques. C’est par exemple sur la plateforme J1 qu’a été conçu et développé la Porsche Taycan.
Déjà 6 Audi électriques en… 2021 !
En fait, le constructeur d’Ingolstadt est déjà complètement engagé dans l’électro-mobilité. Nous avons pu voir et tester en statique les nouveaux modèles qui ne seront commercialisés que dans quelques années. A commencer par l’impressionnante e-tron GT 70 Quattro, déjà entraperçue en guest star dans le film Avengers: Endgame, et qui arrivera sur le marché fin 2020 en deux versions, une haut de gamme avec motorisation de 590 chevaux et batterie 90 kWh, accompagnée d’un modèle un peu moins huppé et donc plus abordable, la 60 GT. Inutile de préciser qu’elle est encore plus racée en vrai, même si malheureusement nous n’avons pas eu le droit de faire des photos durant cette journée très privée.
Audi BEV-Platform
BEV Platform Strategy
Autre curiosité de ce TechDay Audi, et celle-ci devrait enfin toucher un public beaucoup plus large, la Q4 e-tron. Déjà évoqué au dernier salon de Genève, ce SUV compact opère une sorte de synthèse intelligente entre les actuels Q3 et Q5 thermiques, même s’il ne partage aucune pièce en commun avec ces deux ainés. Développé sur la plateforme MEB à l’instar de la future VW ID.3, il offrira l’encombrement extérieur d’un Q3 et l’espace intérieur d’un Q5, grâce notamment au gain de place que permet l’électrique (pas de boite de vitesses, pas de réservoir de carburant, pas d’embrayage, des moteurs beaucoup moins volumineux… ). D’autres déclinaisons ont été dévoilées sur les images de synthèse dévoilées lors de cette journée, avec notamment une berline, que l’on peut aisément imaginer comme une A4 électrique.
Enfin, la plateforme PPE est probablement la plus prometteuse puisque c’est celle sur laquelle reposera une partie du futur d’Audi dans le haut de gamme. Cette plateforme modulaire en termes de largeur et d’empattement des véhicules va servir de base pour la production des futurs modèles de luxe de la marque, ceux qui correspondront aux actuels A5, A6 et A7. La dernière marquette qui nous a été dévoilée évoque quelque-chose entre une A5 et une A7, ou une e-tron GT assagie.
Si l’on inclut l’actuel SUV e-tron, ce seront donc pas moins de 6 Audi 100% électriques qui arriveront sur le marché d’ici fin 2021. Côté infrastructures de recharge, rappelons que la marque allemande est membre du consortium Ionity, et que ce réseau de chargeurs à grande vitesse se déploie rapidement en Europe, avec pour objectif de proposer 400 stations de recharge dont 80 en France fin 2020, chaque station comprenant entre 4 et 6 bornes pouvant délivrer entre 250 et 350 kW.
L’hybride rechargeable en attendant
Audi avait annoncé il y a quelques mois l’hybridation d’une partie de sa gamme. C’est désormais une réalité, et nous avons pu tester 3 des 4 modèles composant le catalogue hybride plugin, à savoir le Q5, l’A7 et l’A8 Hybride Plugin. Seule l’A6 hybride n’était pas disponible lors de cette journée. Le principe de fonctionnement de ces modèles est sensiblement le même avec des versions qui se déclinent de la façon suivante :
Audi Q5 TFSI e (deux versions – confort et performance)
Audi A6 TFSI e (deux versions – confort et performance)
Audi A7 Sportback TFSI e (deux versions – performance confort)
Audi A8 TFSI e
40 km d’autonomie WLTP en mode électrique
Ces quatre nouveaux modèles sont signés « TFSI e », le badge « e-tron » étant réservé aux modèles tout électriques. Ils sont équipés de moteurs à essence turbocompressés à injection directe qui fonctionnent avec un moteur électrique intégré à la transmission. La A8 est la seule à être équipée d’un système de traction intégrale. Les batteries des nouveaux véhicules hybrides rechargeables ont une capacité de 14,1 kWh pour plus de 40 km d’autonomie tout électrique selon la norme WLTP. Le nombre exact diffère d’un modèle à l’autre. Des batteries sont installées sous le plancher du compartiment à bagages, ce qui réduit comme souvent la capacité du coffre.
Les A6 TFSI e, A7 Sportback TFSI e et A8 TFSI e disposeront de 104 cellules, tandis que le Q5 TFSI e aura des cellules prismatiques (la capacité du pack reste la même). La puissance de freinage par récupération d’énergie peut atteindre 80 kW. Il est à noter que la technologie retenue de permet pas au moteur thermique de recharger les batteries, le fonctionnement de chaque énergie se faisant de façon totalement indépendante en fonction du niveau d’autonomie. Il est possible de « forcer » le mode électrique afin que pendant les 40 km d’autonomie le moteur thermique ne se mette pas en route, sauf besoin express dicté par des impératifs de sécurité (dépassement, évitement… ).
Le galop d’essai de l’A8 et du Q5 que nous avons pu effectuer sur une boucle autour de Munich constituée d’un mix de route et d’autoroute nous a permis de constater qu’en mode 100% électrique, à condition d’être raisonnable sur la pédale, l’autonomie annoncée était bien là, avec un fonctionnement qui rappelle celui de la Porsche Panamera Hybride que nous avions essayée au printemps dernier.
Nouvelle Audi A4 : la micro-hybridation pour plus de sobriété
Suite à ce TechDay très germanique, nous avons également été conviés à essayer la nouvelle version du modèle-phare de la marque, la fameuse A4, dans la phase 2 de la sa quatrième génération. Au programme, le paradoxe d’un modèle dont les retouches paraissent cosmétiques, mais qui en fait ne contient plus aucune pièce en commun avec la version précédente. Les nouveaux optiques Matrix Led avant sont superbes, ainsi que les feux arrière, et signent une fois de plus l’avance et le talent d’Audi dans cette pièce devenue maitresse de la signature d’une marque. La face avant est ainsi entièrement remodelée.
Mais c’est à l’intérieur et sous le capot que se situent les changements les plus importants. D’abord le cockpit. Si le Virtual Cockpit Audi est toujours bien là, dans une version légèrement redessinée, c’est surtout l’écran central dominant le tableau de bord qui est entièrement nouveau. Plus grand (10,1 pouces), il devient tactile. Une petite révolution chez le constructeur, qui a fait basculer progressivement tous ses modèles vers cette nouvelle interface, reniant finalement son crédo jusque-là infaillible du combo écran non-tactile et commandes à molette. Du coup la fameuse molette tactile disparait de la console centrale, libérant un petit espace de rangement à couvercle de la taille d’un paquet de cigarettes. L’interface est la nouvelle MMI Touch que l’on connait sur les dernières versions des autres modèles de la gamme.
Sous le capot, donc intervient la micro-hybridation, ou hybridation légère. Lors de sa commercialisation à l’automne 2019, la nouvelle A4 sera proposée avec 6 motorisations suralimentées avec des puissances allant de 150 à 347 chevaux, avec 3 choix de transimssion : boîte manuelle, S tronic à 7 vitesses ou tiptronic à 8 vitesses, transmission à traction avant ou transmission intégrale quattro. Trois de ces moteurs seront électrifiés à l’aide de la technologie d’hybridation légère (MHEV), avec système de 12 volts (48 volts pour la S4), qui permet notamment de faire légèrement baisser la consommation, jusqu’à 0,3 litres de moins aux 100 km. Le système d’hybridation légère fait intervenir une deuxième batterie logée dans un compartiment sous le coffre arrière, permettant de maintenir activés les systèmes électriques et connectés de la voiture quand celle-ci se met en roue libre (arrêt du moteur thermique) lors du levé de pied.
Sur la S4 que j’ai pu essayer dans la région du Pays Basque français et espagnol, la batterie de 48 volts remplit la même fonction mais permet également d’alimenter un turbo électrique intervenant dès le début de l’accélération avant de donner la main au turbo-compresseur mécanique. Résultat, plus de réactivité sous la pédale et moins de lag à la reprise.
Micro-hybridation, hybride rechargeable, électrique, Audi semble résolument engagé dans un cycle vertueux qui va complètement redessiner l’image de la marque dans la décennie à venir. Reste à convaincre les clients que c’est la seule voie viable, et que, sauf découverte inattendue, les moteurs exclusivement thermiques sont voués à disparaitre. Je pense objectivement qu’Audi – vu son histoire et son image – n’est pas la marque la plus mal placée pour aller sereinement vers cette transition.
Comments