Avant de devenir ces dernières années un argument marketing, l’unité 8200 (prononcez 8-200) fut longtemps l’un des secrets les mieux protégés de Tsahal. Cette unité de renseignement de l’armée israélienne, créée en 1952, est spécialisée dans la guerre électronique et la collecte de renseignement. Elle serait comparable dans son rôle à celui de la NSA aux Etats-Unis. L’unité compterait entre 5000 et 7500 membres. C’est la plus grande unité martiale de renseignement d’Israël. On estime à 1000 le nombre de pépites lancées à ce jour par ses anciens membres.
“L’unité 8200 est la principale unité de collecte d’informations de la Direction du renseignement militaire. Les soldats de l’unité sont chargés d’élaborer et d’utiliser des outils de collecte d’information, d’analyser, de traiter et de partager l’information recueillie avec les responsables concernés. L’unité opère dans toutes les zones et, en temps de guerre, elle rejoint le quartier général de combat sur le terrain afin de permettre un flux d’informations plus rapide” indique le site de l’armée israélienne.
Check Point, ICQ, ou encore Palo Alto Networks, Wix et Waze, plusieurs anciens membres de l’unité 8200 ont créé par la suite des sociétés de technologie. Des sociétés qui sont devenues de fleurons de l’industrie technologique, prospérant essentiellement sur le marché de la cybersécurité, ou bien étant absorbé par des géants de la technologie.
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Des têtes bien faites plus que des informaticiens
Il n’est donc pas si étonnant que le label “unité 8200” soit en quelques années passé des documents top secrets aux CV publics des créateurs de startups en Israel. Qui en sort peut revendiquer une expertise en matière de technologie tout comme un savoir faire en matière de prise de décision dans des contextes contraints en temps et en ressources.
Car cette unité emploie des jeunes conscrits agés de 18 à 21 ans. Si certains poursuivent un temps leur travail au sein de l’unité 8200, la grande lajorité n’y reste que trois ans, le temps de leur service militaire obligatoire. Ils doivent donc apprendre très vite à devenir opérationnel. “Dans le cadre de son programme de recrutement, l’unité 8200 effectue des tests conçus pour identifier les personnes capables de gérer des événements stressants, de travailler en équipe, de trouver des solutions novatrices à divers problèmes et, surtout, d’être gérables” explique Lital Asher-Dotan, de Cybereason, qui a également fait l’unité 8200.
Et ce alors que les recrues sont jeunes. Les profils repérés dès le lycée, entre 16 ans et 18 ans. Si désormais l’unité 8200 recrute des jeunes qui ont fait des études d’informatiques, longtemps les qualités premières exigées pour intégrer cette unité furent la capacité d’apprentissage et la prise de décision.
Un passeport pour l’entreprenariat
Et force est de constater que la formation marche. L’unité 8200 a été citée dans l’affaire Stuxnet, du nom du virus qui s’attaqua en 2010 aux installations nucléaires iraniennes. Le New York Times affirme que le hack des laboratoires Kaspersky par l’unité 8200 a permis de constater en temps réel le travail de hackers russes contre les intérêts américains. De quoi renforcer les liens entre les deux pays. Conséquence de ce savoir faire, selon Startup Nation Central, le secteur de la cybersécurité est en croissance ces dernières années en Israel avec pour l’année 2017 815 millions de dollars levés lors de 81 tours de tables. Mais nombre de vétérans de l’unité 8200 choisissent d’autres domaines technologiques pour exprimer leur talent.
Car dire que l’on a fait l’unité 8200, quand on jette les bases d’une startup, c’est déjà dire aux futurs investisseurs que l’on possède quelques qualités techniques et managériales. Comme la gestion du turn over. “L’unité 8200 est un endroit idéal pour apprendre à faire face à un taux de roulement élevé du personnel, car environ 90 % de son effectif ne travaille dans l’unité que pendant cinq ans ou moins” explique Lital Asher-Dotan. “Après environ deux ans, les soldats les plus accomplis reçoivent la formation d’officier pour devenir commandant d’escadron. Ils sont remplacés par les soldats recrutés l’année précédente”.
A titre d’exemple, Mor Assia, la co-fondatrice d’iAngels, un fonds spécialisé dans le financement des startups, sort de l’unité 8200. Elle a travaillé pour IBM et SAP avant de se lancer dans l’aventure du VC. Et cela est particulièrement mis en valeur dans son CV.
Des femmes et du réseau
Le fait que les employés d’iAngels soient quasi exclusivement des femmes n’est également pas étranger à l’unité 8200. L’unité compte environ 55 % de femmes, comparativement à seulement 11 % pour l’ensemble de l’industrie de la technologie mentionne The Register. De quoi révéler quelques talents sans les biais habituels charriés par l’écosystème de la tech. “Les femmes qui ne sont pas des joueuses, qui ne sont pas des codeuses, qui ne connaissent même pas la cybersécurité, qui ne savent pas qu’elles peuvent le faire” intègrent l’unité 8200 en disait une vétérante lors d’une récente conférence.
Reste qu’a l’instar des grandes écoles en France, l’unité 8200 est également une formidable corporation où le réseau est tout autant la clé du succès que le talent. “Ceux qui ont fait 8200 sont puissants en Israël parce qu’ils sont très doués, c’est sûr, mais aussi parce qu’ils sont aussi très soudés les uns aux autres. Et ils continuent à s’entraider pendant leur vie professionnelle” assure Elie Edery, qui travaille depuis plus de 10 ans dans le domaine de la technologie. De quoi agacer ceux qui ne bénéficient pas de ce parcours royal et luttent pour survivre dans l’impitoyable monde des startups israéliennes. Le sentiment de ne pas jouer à armes égales est très fort.
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