La chaîne RTL9 est l’une des rares de la TNT à proposer régulièrement, des films d’horreur, à des heures dites de grande écoute, généralement des thrillers ou des slashers. Parmi eux, mortelle Saint-Valentin, nanar parmi les nanars s’il en est. L’intrigue est simple : de jeunes et jolies femmes se font assassiner l’une après l’autre, à l’approche de la Saint-Valentin.
Bénies années 90
Sortie en 2001, on peut classer ce film dans la période des années 90, à cause de son intrigue, de sa technique, mais aussi de son casting. On est sur du slasher standard, une histoire de vengeance et des acteurs connus auprès des adolescents.
À cette époque, le slasher fait son grand retour sur les écrans, encouragés par le succès phénoménal de Scream, avec un assassin dont on ne connaît pas le visage. Craven l’avait emprunté à Carpenter et les deux monstres du cinéma ont fait des petits, d’autant que la réalisation de ce type de films n’est pas aussi coûteuse que peut l’être un film mettant en scène des monstres ou des aberrations scientifiques.
Dans la veine de Scream, on a donc vu Souviens-toi l’été dernier, Urban Legends, Mortelle Saint-Valentin, des suites d’Halloween et de Vendredi 13. Évidemment, si vous regardez les dates de sortie de ces films, vous constaterez que j’ai quelque peu débordé. Si on s’en tenait à la réalité historique, on devrait pousser jusqu’en 2004 et la sortit de Saw, qui marque une nouvelle période dans le cinéma d’horreur et repousse les limites de l’imagination ou de la technique.
Derrière le masque
Revenons à notre Saint-Valentin. Les jeunes femmes sont poursuivies par ce qui s’apparente à un tueur en série et l’inspecteur chargé d’enquêter commence à fouiller dans leur entourage, y compris les camarades qu’elles ont pu avoir au collège ou au lycée. Avec un logiciel de vieillissement, il essaie de donner une apparence actuelle à certains suspects. Bien évidemment, les résultats ne sont pas probants.
Autre vestige des années 90 et qu’on regarde aujourd’hui avec une certaine nostalgie : la reconnaissance faciale. Elle s’est développée, au point d’être déployée dans les aéroports et certains souhaitent même s’en servir dans les entretiens pour détecter les micro-expressions, ce qui est d’une stupidité sans nom.
En effet, la série Lie to me avait popularisé l’étude des micro-expressions et toute la série reposait sur le fait qu’on pouvait détecter les menteurs juste en les regardant. Or, ce qui va susciter la honte, le dégoût, la colère ou la tristesse ne repose pas sur des facteurs universels, mais sur un bagage personnel et culturel. Une action que nous estimons honteuse en France ne le sera pas nécessairement dans un autre pays et inversement, sans parler du contexte temporel.
Quant aux logiciels de vieillissement, ils ont tellement évolué qu’il existe carrément des applications mobiles, au cas où on sera assez dingue pour se demander à quoi on pourrait ressembler dans trente ans. Spoiler alert : cela ne fait pas partie des choses que j’ai envie de savoir. L’ironie de Mortelle Saint-Valentin réside dans cette inefficacité de la technologie. Même si l’inspecteur en charge de l’enquête avait eu du matériel plus performant, il n’aurait pas pu appréhender le tueur puisqu’il est masqué. Au mieux, il pouvait circonscrire ses recherches à un groupe de personnes identifiées, mais toute la symbolique du masque prend forme : qui est derrière ? Dans le film d’horreur, le masque est moins là pour cacher un assassin que pour nous instiller progressivement l’idée que derrière le masque, cela peut être nous. Le récent Play or Die joue justement avec cette symbolique et c’est peut-être le seul intérêt de ce film.
Une question d’identité
Entre les selfies, les photos volées, les logiciels de reconnaissance faciale et de vieillissement, on en vient à se demander si notre visage nous appartient encore et s’il est fait toujours partie de notre identité. Si je mets une photo de mon visage sur un site Web ou sur un réseau social, les conditions générales du site font que j’en cède la propriété intellectuelle. Je peux toujours changer certains éléments : maquillage, bijou, couleur de teint et d’yeux.
Toutes ces caractéristiques, qui peuvent être temporaires, ont glissé d’un élément d’identité à un élément d’identification. On ne peut pas se baser uniquement sur un visage pour identifier quelqu’un et encore moins pour deviner ce qu’il pense, contrairement à ce que prêchent certains vendeurs de solutions informatiques.
Dans Mortelle Saint-Valentin, la psyché du tueur et ce qui guide son action est l’humiliation ressentie et vécue dans son adolescence. Un simple non tout à fait courtois, est vécu comme un coup de poignard alors qu’il n’est que le reflet d’une honnêteté.Dans le film, en faisant abstraction d’une scène en particulier, on comprend que le refus des jeunes femmes est le moteur de la haine du tueur. Mais qu’ont-elles fait de si terrible ? Elles lui ont dit non. Dis ainsi, cela paraît risible et on a presque envie de dire à notre assassin d’enfiler son pantalon de grand garçon et de passer à autre chose. Pourtant, cette scène des années 90 reste parfaitement d’actualité, notamment sur les réseaux sociaux. Il suffit qu’une femme refuse des avances d’un type sur Twitter, pour se voir presque immédiatement agonir d’injures voire de menaces. Le medium a changé, mais pas le message.
Mortelle Saint-Valentin reste un film d’horreur assez honnête, qui reprend bien les codes de son époque et qui a l’avantage d’être accessible à un large public. Je vous invite à vous laisser tenter lors de sa prochaine diffusion sur RTL9.
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