Cela ne surprendra personne de savoir que les gendarmes du centre de lutte contre les criminalités numériques (C3N) s’intéresse de prés à la blockchain : cette technologie a rendu possible l’avènement des cryptomonnaies, qui sont devenues une ressource précieuse pour les cybercriminels. Au cours de leurs investigations, les gendarmes du C3N ont en effet eu plus d’une fois l’occasion de se frotter à ces technologies afin de mener à bien leurs enquêtes.
Mais si la blockchain est utilisée pour traquer les cybercriminels, elle peut aussi l’être pour améliorer le fonctionnement interne des services. C’est précisément l’objet d’une expérimentation menée en fin d’année 2019 par le C3N, qui a eu recours à la blockchain Tezos pour tenir la comptabilité et les dépenses d’une bourse allouée par Europol pour travailler justement sur la blockchain.
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Simplifier la comptabilité
« La bourse que nous a attribuée Europol devait servir à faire plusieurs achats d’équipements en lien avec la blockchain. Donc on a cherché à montrer qu’on pouvait également s’en servir pour nos besoins » explique le capitaine Edouard Klein, chargé de projet R&D au C3N.
Si l’on associe naturellement les blockchains aux cryptomonnaies, cette technologie peut être mise en œuvre dans différents cas d’usage. Le plus évident est celui d’un livre de compte distribué : du fait de sa conception, la blockchain permet à plusieurs parties qui ne se connaissent pas forcement et ne se font pas forcement confiance de s’appuyer sur un enregistrement fiable et vérifié grâce à la cryptographie, ce qui permet d’enregistrer la trace d’une dépense ou d’un achat et de s’assurer que celle-ci ne sera pas modifiée par la suite.
C’est précisément ce que les gendarmes du C3N ont mis en place avec la bourse fournie par Europol : « Sur ce type de financement, Europol nous demandait une comptabilité précise. Nous avons donc dépensé l’argent et chaque transaction a été inscrite sur la blockchain rapidement après l’achat. C’est ce qui nous a permis par la suite de faire valider les paiements par Europol » explique Édouard Klein.
Une méthode qui présente plusieurs avantages : d’une part, elle est plus simple que la procédure habituelle de marché public, qui se révèle excessivement lourde d’un point de vue administratif. De l’autre, elle permet de diminuer les coûts liés à chaque facture : via la procédure classique, il fallait compter 40 euros de coûts administratifs additionnels, avec la solution sur blockchain, le coût tombe à quelques centimes.
Passage à l’échelle
Le choix de la gendarmerie s’est portée sur la blockchain Tezos, une blockchain développée notamment par d’anciens chercheurs de l’INRIA et que les gendarmes estiment « mieux conçue » que les très populaires Ethereum ou Bitcoin. Celle-ci autorise notamment la mise en place de « smartcontract » ou contrat intelligent, des applications permettant d’interagir avec la blockchain.
Dans le cadre de cette expérimentation lancée en septembre par le C3N, un smartcontract permettant aux agents de répertorier leurs achats sur la blockchain a donc été développé et déployé en septembre par le centre. « Nous avons rendu nos comptes à Europol le 18 décembre, avec l’historique de toutes les transactions inscrit sur la blockchain. Avec Europol, cela a très bien fonctionné et ils ont validé notre livre de compte sans problème » explique Édouard Klein. Reste maintenant à faire passer le projet de simple expérimentation à un véritable changement des usages : « Avec ce projet, on a montré la faisabilité technique du projet. Maintenant on aimerait passer à l’échelle. Mais il faut la volonté politique pour l’étendre » explique le capitaine de gendarmerie.
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