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Streaming démoniaque


Streaming démoniaque

Drew et Max sont deux copains, qui bossent ensemble. Ils ont monté une entreprise qui donne dans le streaming, mais d’un genre particulier : l’exorcisme. Avec Max dans le rôle du prêtre catholique et Drew à la technique, les deux compères engrangent vues et revenus, jusqu’à ce que la machine s’enraye. Alerte spoiler : la chronique qui suit donne des éléments sur l’histoire.


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Les limites du streaming

L’idée de départ de Max et Drew est simple : il y a un public accro au surnaturel et trouver de véritables cas de personnes à exorciser n’est pas si facile. Partant de là, autant bidonner la chose, surtout qu’une partie du public n’est absolument pas dupe. En effet, dans les premières minutes, on voit deux fans interpeller Max et l’une d’elles finit la nuit avec lui. Qu’il soit clair dans l’esprit du lecteur qu’ils ne sont pas livrés à une lecture biblique, mais plutôt à une exploration en profondeur du concept « aime ton prochain » et de façon littérale.

Si la télévision reste encore très présente dans les foyers, le streaming est en train de le supplanter. Je ne compte plus les gens autour de moi qui n’ont pas de télévision, mais qui regardent les différentes plateformes de streaming et de replays à la pelle. Il y a des chaînes pour la musique, pour le cinéma, après tout, pourquoi ne pas consacrer une chaîne aux exorcismes, surtout lorsque l’on a un public pour ce type de sujets.

Mais quand le direct va s’emballer et envahir peu à peu la toile, ce qui se passe sur le Net va être transmis sur les chaînes d’information en continu et finalement, arriver dans le monde réel. On peut y voir une critique du complotisme en ligne et de la prétendue « réinformation ». En effet, la fin du film met en scène des personnes qui sont « contaminées » parce qu’elles vont vu quelque chose de précis. Or, toutes les personnes qui travaillent de près ou de loin sur la désinformation savent pertinemment qu’un nombre important d’infox circulent, souvent appuyées par des photos et des vidéos, qui sont trafiquées. Certains contenus deviennent à ce point viraux que les médias traditionnels sont obligés de les « débunker » et d’expliquer pourquoi cela est faux. Or, tout comme Max et Drew, ce business de l’intox n’est pas gratuit ni désintéressé. Il sert un objectif politique, mais également purement lucratif, que ce soit à travers les encarts publicitaires ou la vente de goodies.

Business de l’attention

La petite affaire de Drew et Max fonctionne bien dans l’absolu, mais la venue inopinée d’un véritable démon va les entraîner dans une course à l’audience, qui n’était pas prévue au programme. L’action devenant de plus en plus intense, le live va devenir viral et va amener les internautes à participer. Ils ne seront plus simplement passifs, mais bien actifs, en votant et en incitant d’autres internautes à voter et à partager le lien du live.

Le plus amusant dans la mise en scène, c’est qu’aucun des internautes ne se dit que ce qu’ils sont en train de regarder est peut-être totalement faux. Or, pour une raison inconnue, si tout ce qui peut être dit par les journalistes dans des médias sérieux ou des figures d’autorité est systématiquement remis en question, trois messages nerveux sur le Web, posté par un inconnu peuvent être pris pour argent comptant, sans même s’interroger sur la provenance du message, son objectif, sans parler de sa véracité.

Dans les deux cas, on va appuyer là où ça fait mal : l’émotion. Le Web actuel n’est plus construit pour inciter au recul, à la réflexion ou à l’exposition de contenus longs. Ce qui va primer sera l’instantanéité, l’émotion, la réaction primaire et viscérale. C’est d’ailleurs pour ça que le genre « riot-porn » fait fureur chez certains médias : on ne va pas faire de longs textes rébarbatifs, mais on va filmer en direct un mouvement social et si on obtient des images gores de personnes qui ont pris des coups, c’est encore mieux.

Pari réussi ?

The Cleansing Hour ou The Devil’s Hour en français, est le premier long-métrage de Damien LeVeck et pour un début, c’est une jolie réussite. C’est une adaptation d’un court-métrage qui avait été financé sur une plateforme collaborative. Après avoir reçu plusieurs récompenses, avec l’aide d’Aaron Horwitz, scénariste du court-métrage, il a mené l’histoire à son terme. Peut-être fera-t-il partie des réalisateurs de films d’horreur dont on pourra dire dans les prochaines années qu’il est une valeur sûre.

Sur le plan technique, tout se tient, y compris la grande base de données démoniaque et la panne de streaming en plein milieu, qui met les personnages en danger. Si le réalisateur avait été plus sadique, il aurait ajouté une tentative de DDOS pendant le streaming ou un piratage de compte, mais il a dû juger que les héros étaient suffisamment en mauvaise posture. Comme dans un grand nombre de films d’horreur, les acteurs ne sont pas très connus même si vous avez pu les voir dans des séries et c’est tant mieux, car le problème des grands acteurs est qu’ils risquent d’éclipser leurs personnages.

Néanmoins, il y a un écueil : la fin qui n’est pas sans rappeler Action ou Vérité et la saga The Purge. Pour autant, on pardonnera cette facilité scénaristique, car l’histoire tient la route, sans fausse note et avec des personnages intéressants. Il n’est pas trop gore même si quelques scènes peuvent amener certains spectateurs à se sentir un peu mal sur le moment. En résumé, un bon film d’horreur qui vous fera une bonne soirée et pour les plus techniques d’entre nous, à s’interroger sur certains choix qui ont été faits par Drew pour la configuration du streaming et de la base de données.

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