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Silent Hill : jurez de ne pas dire toute la vérité

Silent Hill : jurez de ne pas dire toute la vérité

Le cauchemar de Silent Hill n’est jamais très loin de Sharon/Heather. Poussée, avec son père, à mener une vie cachée, elle doit changer d’identité et de localisation fréquemment, mais cela ne sera d’aucun effet puisqu’elle devra retourner à Silent Hill.

J’emmerde Facebook

En arrivant dans son nouveau lycée, son professeur la pousse à se présenter devant ses camarades, ce qu’elle finit par faire, avec un certain panache. Dans sa diatribe, elle dit ne pas être sur les réseaux sociaux et ne pas avoir le temps de se rappeler qui elle côtoie puisqu’elle déménage sans cesse. Plus loin dans le film, Vincent lui demande si elle a Facebook et elle a cette phrase assez superbe : « j’emmerde Facebook ».

A-t-on encore les moyens d’emmerder Facebook aujourd’hui ? Le réseau social de Zuckerberg est devenu un monstre plus effrayant que Pyramid Head, car il s’est insinué partout. Même les services publics posent des boutons de « like » et de partage sur leurs interfaces. C’est ridicule, mais c’est surtout inquiétant de voir à quel point on s’est couché.

On est invité à tout partager, à tout commenter, à tout publier, sans retenue et celui qui ne le fait pas, fait figure de suspect. Le problème n’est pas Facebook en lui-même — bien que ce réseau social présente des problèmes qui ne sont pas minimes — mais la quasi-épidémie que cela a entraînée : Twitter, LinkedIn, Snapchat, Instagram, Mastodon, etc. Nos smartphones sont vendus avec ces applications déjà installées, car les constructeurs savent que la probabilité qu’une personne ne soit inscrite sur aucun réseau social est minuscule.

Communication contre intimité

Historiquement, le concept d’anonymat est récent et trouve ses racines en Europe dans le XIXe siècle, avec les migrations vers les grandes villes. L’humain semble être ainsi fait qu’il a besoin de communiquer, mais à l’époque où les échanges est matérialisés sur du papier, il ne serait venu à l’esprit de personnes que les intermédiaires pouvaient lire ce qu’une lettre contenait.

Aujourd’hui, avec la dématérialisation, on sait que tous nos écrits sont susceptibles d’être consultés par des personnes qui n’en sont pas les destinataires, ne serait-ce que pour des fins commerciales. Il n’y a pas que nos échanges directs, mais également toutes les traces que l’on parsème ici et là. Dans les restaurants, on est invité à commenter sur Trip Advisor, dans les magasins, on nous incite à télécharger l’application officielle. Tout est pensé pour qu’on cède notre intimité, sans contrepartie, en s’appuyant sur notre ego.

En nous invitant à rejoindre des communautés virtuelles, ces entreprises nous disent « vous êtes important, votre avis compte, vous avez de la valeur ». Dans une société individualiste, ce type de message vaut de l’or quand il atteint sa cible. En miroir, on est bombardé de messages nous expliquant qu’on n’est pas assez mince, assez blonde, assez bien sculptée, assez riche, assez intelligente, assez bien habillée, etc. Mettez un sujet en face de stimuli négatifs à longueur de journée, il se jettera sur les stimuli positifs. Il suffit de voir le marketing autour de ce qu’on appelle les influenceurs.

Récemment, j’ai vu une palette de maquillage chez Sephora, qui portait le nom d’une blogueuse beauté, juste à côté de la nouvelle marque de cosmétique de Rihanna. Car l’économie de l’attention s’appuie sur un deuxième pilier : la mise en confiance. On vous dit que vous avez de la valeur, on vous prête de l’attention, ce qui vous met en confiance et vous incite à vous confier numériquement de plus en plus. Après tout, les autres savent mieux que vous, ayez confiance.

Erreur tactique

Sharon/Heather montre un dédain manifeste pour les réseaux sociaux et j’imagine que quand on est pourchassée par une secte démoniaque, on a autre chose en tête que de liker le dernier selfie de la déléguée de classe. Ne pas être sur les réseaux sociaux est considéré comme un comportement suspect, mais être sur les réseaux sociaux revient à donner libre accès à certaines informations.

Le juste milieu pourrait être entre les deux : se créer des comptes sur des réseaux sociaux, mais s’en servir peu ou poster des choses fausses. Après tout, il existe bien des entreprises qui vendent des followers complètement bidon et la masse de données est telle que les réseaux sociaux n’ont pas encore complètement les moyens de les supprimer.

Les réseaux sociaux ayant fait des émules, de plus en plus de services réclament nos données personnelles lors de nos achats, y compris dans des magasins physiques. Dans une grande enseigne d’électroménager, un vendeur, penaud, m’a expliqué qu’il était obligé de prendre mes données personnelles, car cela était un ordre de sa direction, y compris pour les achats sans garantie et ne nécessitant pas un suivi client.

Je lui ai donc fourni une adresse email et un numéro de téléphone parfaitement faux. En tant que salarié, il est obligé de les demander, mais personne n’a jamais dit qu’il devait s’assurer que les coordonnées étaient exactes. On nous a tellement conditionnés à tout accepter dans ce domaine qu’on n’a même plus le réflexe de mentir. Vous ne serez pas foudroyé sur place parce que vous avez donné de fausses coordonnées et personne ne vous trainera chez un juge parce que votre pseudonyme sur les réseaux sociaux est « JaimeLeFenouil ».

Les réseaux sociaux sont comme certains monstres de certains films d’horreur : ils disparaissent si on cesse de leur porter attention.

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