Il y a deux semaines, Bill McDermott, directeur général de SAP, et premier américain à occuper ce poste dans ce fleuron allemand du logiciel, a annoncé qu’il quitterait l’entreprise à la fin de l’année. Il sera remplacé par le tandem composé de Jennifer Morgan et Christian Klein, deux membres du Directoire actuel.
Pour GreenSI, Bill McDermott, c’est le “Satya Nadella (Microsoft) de SAP”, celui qui a vu et su exécuter une véritable stratégie de transformation vers le “cloud”. Une stratégie que certains concurrents peuvent envier aujourd’hui, puisque les derniers résultats montrent une activité cloud en hausse de 37% à 1,81 milliard d’euros (à comparer à un CA de presque 7 milliards d’euros – chiffres trimestriels). En 2018, les revenus du cloud SAP ont dépassé les revenus des licences pour la première fois depuis 1972.
On vient d’apprendre cette semaine que Bill McDermott rejoignait un autre acteur du SaaS, ServiceNow, dont la stratégie d’outil ITSM interne des DSI est à un tournant dans un monde digital où la collaboration technique est à grande échelle avec les exemples de Github ou Slack. A suivre…
L’agenda de ses remplaçants est donc certainement celui de la consolidation du Cloud mais également d’un nouveau départ de l’ERP. Ce dernier, après s’être réinventé tous les 10 ans depuis les années 70s à chaque changement majeur d’architecture informatique (mainframe, départemental, client-serveur, internet), doit encore évoluer comme nous allons le voir.
La transition de SAP a été saluée par la Bourse, car non seulement les résultats de SAP annoncés sont bons, mais Jennifer Morgan la nouvelle co-présidente était leader du Cloud Business Group de SAP, et dirigeait les acquisitions et l’expansion de SAP dans le Cloud (Ariba, Concur, Fieldglass, SuccessFactors, C4/HANA et récemment Qualtrics). Christian Klein était lui directeur des opérations et dirigeant de l’entité Intelligent Enterprise qui, entre autres, gère le développement des produits numériques de SAP, dont le riche portefeuille sectoriel de SAP mais également les évolutions S4/HANA.
Une transition qui semble donc dans la continuité, mais qui confirme surtout la rupture dans l’évolution des ERPs. SAP a bien amorcé cette rupture et c’est cette trajectoire qui est maintenant à la tête de SAP sous l’œil bienveillant de Bill McDermott jusqu’à la fin de l’année, puis devra trouver son chemin dans l’évolution du modèle ERP et mais également offrir une stratégie a ses clients qui ont lourdement investi dans leur ERP.
L’évolution des ERPs avec le digital a déjà été abordée par GreenSI (Quelles nouvelles stratégies ERP avec le digital ?).
Le CRM et la SupplyChain deviennent des plateformes digitales ouvertes en temps réel, quand l’ERP est positionné comme le garant des transactions au sein de l’entreprise (ERP digital: quand SCM et CRM ne feront plus qu’un). Mais l’ERP est aussi le garant des processus de l’entreprise et ceux-ci vont devoir s’adapter avec l’Intelligence Artificielle, dont l’automatisation amenée par la RPA mais également avec l’internet des objets, notamment dans le monde industriel. Acheter un ERP c’est acheter les meilleurs pratiques de gestion, il ne faudrait pas qu’elles soient ringardisées par l’IA et l’IoT.
Oubliez l’ERP monolithique que vous connaissez. Quand ce ne sont pas plusieurs ERPs monolithiques, intégrés entre eux à grand frais, qui représentent plus les territoires organisationnels de chaque Direction métier, voir de leurs fournisseurs préférés, qu’une réelle stratégie cohérente et unifiée de planification des ressources de l’entreprise (ERP = Enterprise Ressources Planning).
Oubliez également l’ERP fermé sur l’entreprise. Le digital l’ouvre et permet des revenus supplémentaires, capturés immédiatement dans les transactions de l’ERP. De façon plus futuriste, on peut également imaginer que la blockchain amènera dans 3-5 ans, une gestion de registres ouverts qui challengera la vision actuelle d’un référentiel de stockage des transactions dans l’ERP.
Un éditeur comme SAP doit non seulement apprendre à développer nativement pour le Cloud et à grande échelle, mais également répondre aux enjeux business de transformation de ses grands clients qui dépassent largement le domaine de l’ERP. La reconversion des développeurs pour s’adapter à un contexte, qu’ils ne sont plus seuls à fixer (comme avant) est certainement un autre challenge de transformation interne pour les nouveaux dirigeants.
La part de l’ERP chez SAP a toujours été importante, mais elle se réduit avec le temps car la valeur business du SI se déplace en dehors de l’ERP. A titre de comparaison, son concurrent américain Oracle, est depuis l’origine plus diversifié sur les technologies avec les revenus de sa base de données (SGBD Oracle) et plus récemment des serveurs (Sun).
SAP est de moins en moins un simple éditeur d’ERP et la poursuite de sa transformation en plateforme est maintenant son enjeu.
Mais son modèle économique repose encore sur un modèle de licence qui est challengé par ses propres clients, qui eux aussi ont compris que la valeur business quittait l’ERP alors que son coût ne fait qu’augmenter. Ils souhaitent la mise en place d’un modèle transparent et équitable, car ils doivent aussi réussir leur transformation digitale.
Pour ces clients cela veut également dire de choisir la bonne solution PaaS – Platform as a Servcice -, pour s’intégrer avec les modules ERP en SaaS et bénéficier d’un ERP de plus en plus modulaire, qui pourra exposer ses fonctionnalités.
SAP, comme certains de ses concurrents nativement SaaS, notamment NetSuite et Workday, offrent ces fonctionnalités de PaaS, pour développer des applications complémentaires à l’ERP. Mais l’entreprise peut également choisir une solution indépendante de l’éditeur, qui devra offrir des passerelles vers les principaux ERP. L’architecture d’intégration des ERP dans les entreprise est certainement à revoir, pour des questions techniques mais également économiques, si elle n’a pas évolué ces dernières années.
Cette stratégie de plateforme, et le choix d’un PaaS, sont aujourd’hui pour GreenSI, une importante décision stratégique à prendre pour commencer à recomposer son SI au fur et à mesure de l’évolution des ERP tout en bénéficiant du digital.
En effet, trois chausses trappes sont à éviter pour les entreprises :
croire que les ERP sont (encore) sur des périmètres “sanctuarisés” sans lien avec la transformation digitale,
ne pas engager d’évolution vers le SaaS et ne pas en tirer les bénéfices de scalabilité et d’agilité, pour soi, mais surtout avec son écosystème,
garder une vision “règlementaire” de l’ERP, décorrélée du business (qui justifie de ne pas calculer de ROI aux projets), sans imaginer sa propre contribution au business.
Avec le développement du Cloud comme plateforme de business, une nouvelle ère s’ouvre pour l’ERP, afin d’aller gérer les ressources de l’entreprise au delà de ses murs, impliquant ses clients et ses fournisseurs.
Il semblerait que SAP, après avoir été challengé par ses concurrents nés dans le Cloud, ait réussi le début de sa transformation et est bien parti pour rester leader de cette nouvelle époque, comme il l’a été sur ces 40 dernières années. Une longévité rare dans le monde informatique.
Yorumlar