Trouver un « compromis constructif et de responsabilité », comme l’a d’ailleurs salué Emmanuel Macron en début de soirée… Tout en restant droit dans ses bottes sur l’équilibre financier du système de retraite. C’est cette équation qu’a voulu résoudre Édouard Philippe ce samedi. Dans un courrier envoyé aux syndicats, il se dit « disposé à retirer » l’âge pivot de 64 ans du projet de réforme des retraites, à condition que les partenaires sociaux proposent d’autres « mesures permettant d’atteindre l’équilibre financier en 2027 ».
Et ce, dans un calendrier serré : si aucune solution n’émerge d’ici « la fin du mois d’avril 2020 », ce qui correspond au temps du débat parlementaire, le gouvernement menace de rétablir « les mesures nécessaires pour atteindre l’équilibre d’ici 2027 » par ordonnance. « Je veux être parfaitement clair sur ce point : je prendrai mes responsabilités », écrit le Premier ministre, martial.
Côté pile, le gouvernement fait donc un pas vers la CFDT qui réclamait depuis une semaine une conférence de financement des retraites. Côté face, il met la pression pour aboutir à des propositions dès le printemps (NDLR : la CFDT proposait initialement la période fin juillet-fin septembre) tout en se réservant le droit de légiférer autoritairement par ordonnance. Ce qui lui permettrait au passage de s’épargner un fastidieux débat au Parlement où cette question de l’âge pivot divise jusqu’au sein de LREM.
« Il fallait trouver une porte de sortie pour le blocage »
Banco pour les syndicats réformistes, comme l’Unsa. À la CFDT, on fait le pari que, même en cas d’échec des discussions, le gouvernement n’osera pas remettre l’âge pivot à 64 ans sur la table. « Il fallait trouver une porte de sortie pour le blocage. On ne parlait plus que de ça et pas des vrais sujets : la pénibilité, la retraite progressive, le minimum des pensions… Ça redonne de l’espace pour les vrais sujets », assure Frédéric Sève, secrétaire général de la centrale en charge des retraites.
Le Medef fait savoir, lui, qu’il participera pleinement à la conférence de financement afin de « trouver les mesures d’âge justes ». Il faut dire que, dans sa lettre, le Premier ministre encadre strictement le champ des discussions : ni baisse des pensions, ni hausse du coût du travail ne seront possibles. « Quand je vous dis que c’est un bon compromis pour nous… », sourit une députée LREM qui se réjouit : « À l’origine, la CFDT ne voulait pas de nos mesures de financement paramétriques. Là, elle accepte une conférence de financement dont les conclusions seront intégrées au projet de loi systémique ».
Appel à de nouvelles journées de mobilisation
Depuis le début de la crise sociale, c’est la première fois que le gouvernement parvient à fissurer le front syndical des opposants à la réforme. Mais le front politique, lui, ne cède pas. Car le gouvernement ne change pas une virgule à son projet de réforme universel à points dans lequel d’ailleurs, et c’est rappelé dans la lettre d’Édouard Philippe, un « âge d’équilibre » sera défini par les partenaires sociaux.
« J’avais donc raison. L’âge pivot n’existait que pour pouvoir être retiré et faire passer la pilule d’une réforme qui précarisera des millions de retraités. Cette manipulation était cousue de fil blanc ! », s’exclame Marine Le Pen sur Twitter. Au diapason, le patron du PS s’étonne que « l’on nous demande de voter une réforme définitive en échange d’un retrait provisoire de l’âge pivot ». À droite, le secrétaire général des Républicains assure que « le courage réformateur d’Emmanuel Macron est un courage de baudruche » et qu’« avec l’abandon de l’équilibre budgétaire, les Français auront eu les grèves sans la réforme ».
Newsletter Politique Chaque jour, l’actualité politique vue par Le Parisien
Je M’inscris
L’intersyndicale appelle en effet à de nouvelles journées interprofessionnelles de mobilisation les 14, 15 et 16 janvier. « Suite aux annonces d’aujourd’hui, non seulement l’âge pivot n’est pas retiré, mais en plus le Premier ministre confirme sa détermination à reculer l’âge de départ à la retraite en refusant toute augmentation de cotisation sociale », s’énervent-ils dans un communiqué. « Maintenant qu’on a mis un pied dans la porte, on va la pousser, se réjouit Fabien Villedieu, délégué syndical SUD Rail. Le retrait de l’âge pivot, c’est une bonne nouvelle pour nous. Ça veut dire que notre mobilisation, elle paie. Ça nous motive pour continuer. »
Comments