Le texte examiné en Conseil des ministres, vendredi 24 janvier, ne contient pas tout : les modalités précises de transition entre les deux systèmes seront définies par ordonnances.
S’il a lâché du lest, le Premier ministre Edouard Philippe n’a pas cédé sur le fond. Malgré sept semaines de grève, la réforme des retraites est examinée, vendredi 24 janvier, en Conseil des ministres. Elle se compose de deux textes de loi. L’un, organique, prévoit l’encadrement financier de réforme. L’autre, composé de 64 articles, définit le futur système universel à points et le passage d’un régime de retraite à l’autre.
Les modalités précises de transition, elles, seront fixées par ordonnances, et c’est également par ordonnances que l’exécutif décidera des moyens d’assurer l’équilibre des caisses de retraite à l’horizon 2027. A l’heure où il franchit une étape décisive, retour en dix questions sur ce projet de loi toujours très critiqué.
Comment fonctionne ce nouveau système ?
C’est un “système universel à points”, dont les grandes lignes ont été exposées dans le rapport (fichier PDF) rendu en juillet 2019 par l’ancien Haut-Commissaire aux Retraites Jean-Paul Delevoye. Ce système “universel” doit fondre en un seul système les 42 régimes de base et complémentaires obligatoires.
Dans le futur régime, l’assuré, quel que soit son statut (salarié, fonctionnaire, libéral, artisan…) alimentera, par ses cotisations, une caisse unique : la Caisse nationale de retraite universelle. Chaque heure travaillée ouvrira des droits : les cotisations seront converties en points. A la retraite, les points cumulés seront multipliés par un coefficient, pour établir le montant de la pension annuelle.
Qui est concerné par le système à points ?
D’abord, les plus jeunes. Dès 2022, les nouveaux actifs, nés à partir de 2004, entrent dans le nouveau système à points et ils ne cotiseront qu’à celui-ci. Parmi les actifs, la première génération concernée est celle née à partir de 1975. Il y a toutefois des exceptions : les fonctionnaires et salariés des régimes spéciaux qui peuvent partir à la retraite à partir de 57 ans ne sont concernés qu’à partir de la génération née en 1980, et même 1985, pour ceux qui peuvent partir à 52 ans.
Comment calculer sa pension dans le futur système ?
Sur le papier, c’est simple. Les cotisations (salariales et patronales) sont converties en points. Au moment de liquider sa retraite, l’assuré multiplie le nombre de points acquis tout au long de sa carrière par la “valeur de service du point” en euros. Il obtient ainsi le montant de sa pension annuelle. Il peut éventuellement ajouter une majoration de 5% de la pension par enfant, qui sera accordée soit au père, soit à la mère (+2% de bonus au-delà de trois enfants). Enfin, des points seront accordés pour maladie, maternité, etc.
Sur cette base, chacun peut tenter d’estimer très approximativement sa retraite, mais tous les paramètres ne sont pas définis et les outils adéquats manquent. En effet, le gouvernement n’a toujours pas mis en ligne de simulateur, et il ne le fera pas avant que la loi soit adoptée. A la place, il propose des cas types, présentant des profils différents.
Qui sera perdant ?
Sur ce sujet, la bataille fait rage entre défenseurs et opposants du système. Le gouvernement doit rendre publique, vendredi 24 janvier, une étude d’impact qui sera analysée de près par les syndicats comme par les économistes. Devraient être perdants ceux que favorise davantage le régime actuel, basé sur les 25 meilleures années pour les salariés du privé (et notamment les femmes aux carrières hachées).
Sont déjà jugés grands perdants les fonctionnaires et régimes spéciaux, dont la retraite est calculée sur les six derniers mois de salaires. Enfin, les cadres à très hauts revenus ne pourront plus cotiser au-delà d’un plafond de 120 000 euros annuel (contre 324 000 euros actuellement). Dans le cadre du régime obligatoire, leurs retraites seront donc très inférieures (leurs cotisations aussi).
Y aura-t-il une pension minimale ?
Oui. Le gouvernement s’est engagé à monter la retraite minimale à 1 000 euros nets par mois en 2022, donc avant l’entrée en vigueur du système à points. Mais cette pension minimale sera assortie d’une obligation de carrière complète, donc d’une durée d’assurance minimum (de 42 ans pour la génération née entre 1961 et 1963, par exemple). Cette retraite minimale doit être portée à 85% du Smic net en 2025.
Comment se passera la transition entre les deux systèmes ?
Les droits acquis dans l’ancien système seront préservés, selon le gouvernement. “Une première partie du montant de votre retraite [sera] calculée selon les règles du système actuel, au titre de votre carrière avant 2025. Une deuxième partie du montant de votre retraite [sera] calculée selon les règles du système universel, au titre de votre carrière à partir de 2025″, explique le secrétariat d’Etat aux Retraites. Voilà pour le principe. Le détail de la transition n’est pas connu et son coût n’a pas été communiqué. La façon dont les 42 régimes de base et complémentaires seront peu à peu fondus dans le système commun sera réglée par ordonnances.
A quel âge pourra-t-on prendre sa retraite ?
“Conformément aux engagements du gouvernement, l’âge minimal de départ en retraite restera fixé à 62 ans dans le système universel de retraite”, précise l’avant-projet de loi. Hors exceptions donc (carrière longue, policiers, militaires, pénibilité, etc.), l’âge minimal ne change pas : il restera à 62 ans, comme aujourd’hui, assure l’exécutif.
Reste la question du taux plein. Actuellement, pour l’obtenir, il faut avoir cotisé pendant une durée “d’assurance” définie pour chaque génération (42 ans pour ceux qui sont nés entre 1961 et 1963, par exemple). Dans le futur système à points, l’âge d’équilibre se substituera à cette durée d’assurance. Ainsi partir plus tôt entraînera un “malus” de 5%. Exemple : si l’âge d’équilibre est fixé à 64 ans et que vous partez à 62 ans, votre retraite sera définitivement amputée de 10%.
Qu’est devenu l’âge-pivot ?
Le gouvernement a suspendu l’application, à partir de 2022, de l'”âge-pivot”, qui devait atteindre 64 ans en 2027. Cependant, l'”âge d’équilibre”, mentionné 56 fois dans l’avant-projet de loi, signifie exactement la même chose. La génération née en 1975 se verra donc imposer un âge d’équilibre, probablement fixé à 64 ou 65 ans. Si elle part à 62 ans, en 2037, et que l’âge d’équilibre est fixé à 65 ans, sa retraite sera diminuée de 15%. Et d’ici là ? Le gouvernement peut décider à tout moment de réimposer l’âge-pivot, ou d’autres mesures d’âge, au nom de l’équilibre des caisses de retraite.
Avec ces mesures, le système sera-t-il à l’équilibre ?
Par définition. Une règle d’or établit en effet l’obligation pour le système universel d’être à l’équilibre par période de cinq ans, en jouant notamment sur les mesures d’âge.
Quel sera le montant des cotisations ?
Les salariés du privé, des régimes spéciaux et les fonctionnaires auront, à terme, un taux de cotisation identique, fixé à 28,12% jusqu’à 120 000 euros de revenu brut annuel. Ce niveau est partagé à 60% pour les employeurs et 40% pour les assurés, comme aujourd’hui. Une cotisation de solidarité, ne générant pas de droits, s’appliquera sur l’intégralité des revenus, à un taux de 2,81%.
Les cotisations des fonctionnaires seront assises sur l’ensemble de la rémunération, primes comprises. Les indépendants et professions libérales cotiseront à hauteur de 28,12% jusqu’à 40 000 euros de revenus, puis à 12,94% entre 40 000 et 120 000 euros de revenus. Ils bénéficieront par ailleurs d’une baisse de la CSG pour compenser en partie la hausse du taux de cotisation retraites.A lire aussi Sujets associés
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