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Réforme des retraites : Le retrait provisoire de l’âge pivot, un coup tactique d’Edouard

Edouard Philippe à la sortie d’une série de réunions avec les syndicats, le 7 janvier 2020 à Paris. — Jacques Witt/SIPA



  1. Samedi, le Premier ministre a annoncé retirer du projet de loi l’âge pivot de 64 ans qu’il comptait mettre en place dès 2022.

  2. L’annonce a été saluée par trois syndicats, qui n’appellent plus à manifester, et critiquée par d’autres, qui veulent poursuivre la mobilisation et obtenir le retrait de la réforme.

  3. Cette annonce permet au gouvernement d’afficher une forme d’ouverture à peu de frais, en redonnant la main aux partenaires sociaux, chargés de trouver d’autres solutions pour garantir l’équilibre du système des retraites.

Trois mots auraient-ils débloqué la crise ? En annonçant samedi qu’il était « disposé à retirer » l’âge pivot du projet de réforme des retraites, le Premier ministre a obtenu une réaction favorable de la part de trois syndicats : la CFDT, la CFTC et l’Unsa. La situation semblait bloquée depuis le discours d’ Edouard Philippe du 11 décembre proposant de fixer à 64 ans un âge « pivot », pour inciter les Français à travailler plus longtemps. Mais le gouvernement n’a cédé que très peu de terrain, et récolte toujours la critique de la CGT, de FO, ou encore de Sud.

Un retrait ? Pas tout à fait

L’âge pivot constituait une «ligne rouge» pour la CFDT (premier syndicat selon les données de 2017), favorable à la retraite par points. Le syndicat avait donc basculé dans le camp des opposants le 11 décembre. Samedi, au 38e jour de grève, Edouard Philippe a proposé de « retirer du projet de loi la mesure (…) consistant à converger progressivement à partir de 2022 vers un âge d’équilibre de 64 ans en 2027 ».

#Retraites : Oui le gouvernement retire provisoirement #AgePivot mais le point 8 dit bien que l’équilibre financier ne pourra pas être atteint via hausse de cotisation ou baisse pensions. Il ne reste plus grand chose comme solutions… https://t.co/575Naob00d — Nicolas Raffin (@Nico_Raffin) January 11, 2020

Pour la CFDT, c’est une « victoire ». « On a fini par réussir à convaincre le gouvernement de retirer cette mesure injuste, ça a été un peu long », souligne Mylène Jacquot, secrétaire générale de la CFDT Fonctions publiques, contactée par 20 Minutes.

Pourtant, « il n’y a pas grand-chose qui a changé, rien n’est abandonné sur le projet », reconnaît Erwan Balanant, député du Finistère. « Il y a juste une inversion : avant, le Premier ministre disait qu’il était prêt à retirer l’âge pivot si les syndicats proposaient mieux. Là, il le retire en attendant leurs pistes. Grosso modo, il n’y a rien de nouveau, mais ça change énormément car les trois syndicats réformistes disent “banco on y va [aux négociations]”. Edouard Philippe a trouvé un moyen de sortir de la crise », se réjouit l’élu MoDem, membre de la majorité présidentielle, auprès de 20 Minutes.

Un recul d’autant plus tactique que le gouvernement maintient le principe d’un âge pivot qui s’appliquera dès 2037 dans le projet de loi.

La possibilité des ordonnances

Par ailleurs, ce demi-retrait est conditionné aux solutions financières que les partenaires sociaux devront trouver lors de la conférence de financement. Le Premier ministre leur laisse trois mois, jusqu’à fin avril (et non juillet comme le demandait la CFDT), pour proposer des pistes garantissant l’équilibre financier du système des retraites, sans toucher aux montants des pensions, ni au coût du travail. Le gouvernement chiffrait à 12 milliards d’euros le montant des économies accumulées en 2027 si on mettait en place un âge pivot dès 2022.


Si les organisations syndicales et patronales ne trouvent pas ensemble des solutions pour trouver ces 12 milliards, l’exécutif « prendra par ordonnance les mesures nécessaires pour atteindre l’équilibre d’ici 2027 », menaçait Edouard Philippe dans son courrier aux partenaires sociaux. Le gouvernement n’a pas exclu de rétablir l’âge pivot dès 2022 comme initialement prévu.

« Il a déjà exclu de toucher aux cotisations patronales (…), de toucher à l’argent de la Cades (Caisse d’amortissement de la dette sociale), d’élargir l’assiette, c’est-à-dire de toucher aux revenus du capital. Qu’est-ce qui reste ? En janvier l’âge pivot disparaît mais en avril il reviendra », assure Olivier Faure, patron du Parti socialiste.

Le scénario de l’assurance-chômage ?

Un scénario qui rappelle de mauvais souvenirs aux syndicats. «Il refait le coup de l’assurance chômage. Au final, c’est le gouvernement qui décidera, y compris par ordonnances, comme le stipule le courrier», a réagi la CGT. Une position partagée par FO et la CFE-CGC.

En septembre 2018, le gouvernement avait en effet demandé aux organisations syndicales et patronales de trouver entre elles un accord sur l’assurance-chômage pour dégager plus de 3 milliards d’euros d’économies sur trois ans et lutter contre l’explosion des contrats courts. Aucun consensus n’ayant émergé, il avait repris la main et imposé un durcissement des règles d’indemnisation, qualifié de « tuerie » par la CFDT.

« Bien sûr que tout le monde a été échaudé par cet épisode », reconnaît Mylène Jacquot. « Mais il faut tenter, et être encore plus exigeants qu’avant, sans être naïfs. Et même en cas échec des discussions, Edouard Philippe s’inspirera de ce qui a pu y émerger comme solutions alternatives à l’âge pivot », espère-t-elle.

Accentuer les clivages syndicaux

Plusieurs syndicats et partis continuent d’appeler à la mobilisation pour obtenir le retrait du projet de loi du gouvernement, avec trois journées d’action d’affilée ces mardi, mercredi et jeudi. « Les syndicats vont se diluer, ils vont se retrouver avec des manifs à 50.000. Ils font une erreur », prédit Erwan Balanant. « Rien ne dit que le mouvement va cesser, car cette mesure de l’âge pivot n’est pas forcément décisive pour les gens qui manifestent contre la réforme », nuance Stéphane Sirot, historien des mouvements syndicaux.

Le nombre de participants aux manifestations prévues cette semaine livrera un premier indicateur sur le succès de ce petit recul tactique. D’après plusieurs sondages, une majorité de Français continue de soutenir le mouvement contre cette réforme.

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