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Réforme des retraites : Emmanuel Macron rattrapé par la colère – Le Parisien

Ce ne sont que quelques secondes. Où l’on voit Emmanuel Macron, de dos, installé parmi les spectateurs au troisième rang des Bouffes du Nord, pour assister, avec son épouse, à une représentation de « la Mouche ». « Des images glaçantes », souffle le patron de la République en marche, Stanislas Guerini, soulignant que sitôt captée, la vidéo est diffusée sur Twitter par le journaliste et militant Taha Bouhafs, doublée d’un message signalant la présence du président, prédisant un rassemblement et une soirée « mouvementée ». Elle le fut.

Plusieurs dizaines d’opposants convergent vers le théâtre parisien, tentent d’y pénétrer, repoussés par les forces de l’ordre. Sur le trottoir, ils scandent des mots d’ordre contre la réforme des retraites. La représentation est interrompue, Macron contraint de quitter temporairement la salle, tandis que Taha Bouhafs est interpellé et placé en garde à vue. « Il a absolument voulu rester jusqu’au bout de la pièce », confie un proche, dépeignant un président soucieux de ne pas être « empêché ».

Son entourage tempère, soulignant qu’« il n’a pas été hué durant le spectacle », pas plus qu’il n’a dû être « exfiltré ». Mais la scène réveille, entre autres, le souvenir de son déplacement au Puy-en-Velay. En pleine crise des Gilets jaunes, le chef de l’Etat avait quitté la préfecture sous de violentes huées et insultes. À l’Elysée, on « refuse l’analogie » avec cette journée du 4 décembre 2018. « On n’est pas au bord de la guerre civile », balaie-t-on. Il n’empêche. « Il sait qu’il y a une part de détestation. Mais ce qui l’inquiète profondément, c’est l’état de nos démocraties », glisse l’un de ses lieutenants.

«Il y a un climat de haine»

Car la contestation rattrape aussi les ministres, les députés de la majorité, et même la CFDT, qui entend déposer plainte en début de semaine après une intrusion « violente » au sein de ses locaux vendredi. La veille, c’est une réunion publique de Marlène Schiappa, candidate LREM aux municipales (Paris XIVe), qui était perturbée par des manifestants. « C’étaient des comportements très violents, des insultes, des menaces, du type vous allez crever. Ils ne voulaient pas discuter, juste empêcher que la réunion se tienne, nous raconte la secrétaire d’Etat. Tout cela est très inquiétant. Il y a un climat de haine, de violence. C’est un climat séditieux, anti-démocratique. »

Il y a aussi cette députée LREM, Catherine Fabre, dont les vœux ont été interrompus par des manifestants, jeudi, à Bordeaux. Le ministre de la Culture, Franck Riester, a, lui, préféré annuler les siens, prévus ce lundi, après l’annonce d’une action de la CGT.

« Derrière tout cela, il y a un rapport extrêmement ambigu à la démocratie, avec une remise en cause de l’élection, de notre légitimé à gouverner. Les uns et les autres doivent se positionner, car ceux qui font cela sont des ennemis de la démocratie. Leur volonté réelle, c’est de faire tomber Macron, de renverser le pouvoir », tranche Stanislas Guerini, qui a, lui aussi, essuyé une tentative d’intrusion au QG de LREM, le 2 janvier. Et qui envoie ainsi un message aux partis d’opposition qui sont restés, pour la plupart, silencieux ce samedi.

«Une fin de crise sociale qui se radicalise»

Un effet d’accumulation, annonciateur d’une nouvelle crise d’ampleur? Comme une piqûre de rappel, les Gilets jaunes se sont rappelés au bon souvenir de l’exécutif, samedi, par une fin de manifestation tendue à Paris. Dans le même temps, l’opposition au texte, non violente, continue de se manifester en de multiples secteurs. En témoigne, le concert donné samedi devant le Palais Garnier, par le personnel gréviste de l’Opéra de Paris.


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Au sommet de l’Etat, comme pour éloigner ce spectre, on préfère voir dans la récente série d’incidents le fait d’une minorité radicale. « Il ne s’agit pas d’une colère sociale, c’est une colère politique. Ce sont des personnes en faible nombre, qui contestent la démocratie parlementaire et sociale. Ce n’est pas un hasard si cela arrive à un moment où l’on trouve un compromis avec les syndicats réformistes. Ils ne veulent pas la sortie de crise, ils veulent la crise », juge-t-on à Matignon, tandis qu’à l’Elysée, on évoque « une fin de crise sociale qui se radicalise », « une tentative d’intimidation et de torpillage des discussions avec les syndicats réformistes ».

Des deux côtés de la Seine, on conteste, aussi, l’idée d’un pouvoir entravé dans ses mouvements. « Pendant les Gilets jaunes, on a continué de se déplacer », fait-on valoir à Matignon. Idem à l’Elysée, où l’on « récuse toute paralysie », même si, lors des visites du chef de l’Etat, les forces de l’ordre bouclent et quadrillent les alentours.

Emmanuel Macron, qui avait pris soin de rester « en surplomb » dixit l’Elysée, est, quoi qu’il en soit, rattrapé par la protestation contre la réforme des retraites. Mardi dernier, il avait déjà dû renoncer à se rendre à la mairie de Pau à cause d’une manifestation d’avocats. « Il n’y a pas d’empêchement physique du président », martèle son entourage. Mais une colère qui gronde, perdure. Et le suit à la trace.

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