Drôle de timing… Alors que les mobilisations se poursuivaient dans toute la France, les services du secrétaire d’Etat aux retraites ont convoqué jeudi une partie de la presse à 17 heures pour présenter le texte du projet de loi sur le nouveau système des retraites, envoyé en fin de semaine dernière au Conseil d’Etat. La raison officielle? Les possibles fuites. Car le texte arrive le 24 janvier en Conseil des ministres, mais il devait auparavant être envoyé dans la nuit de jeudi à vendredi aux partenaires sociaux des caisses concernées, notamment la Caisse nationale d’assurance vieillesse (CNAV).
Pas de texte remis en main propre à la presse, mais une explication longue et très technique de ce que contient cette centaine de pages… Voilà l’exercice auquel s’est livré pendant deux heures l’entourage du nouveau Mr Retraite, Laurent Pietraszewsk i. Qu’apprend-on? C’est la traduction presque mot pour mot de l’architecture déclinée par le Premier ministre le 11 décembre dernier, lors de sa présentation de la réforme au Conseil économique, social et environnemental (CESE).
L’âge d’équilibre est inscrit dans la loi « par défaut »
Pierre angulaire financière de cette réforme, l’âge pivot autrement appelé « âge d’équilibre » ou « âge de référence » figure bel et bien dans le texte. Edouard Philippe l’avait d’ailleurs confirmé mardi dernier. Il s’agit avec cette mesure de faire face aux prévisions de déficits d’ici à 2025 formulées récemment par le Conseil d’orientation des retraites (entre 8 et 17 milliards). De quoi braquer Laurent Berger, de la CFDT, qui a une nouvelle fois martelé ce jeudi : « si l’âge pivot reste dans la loi c’est non! ». « Tout ce qui sera acté lors des négociations fera l’objet d’une lettre rectificative », insiste néanmoins une source de l’exécutif. D’ailleurs, les termes mêmes de ce projet de loi laissent une porte ouverte. « L’âge d’équilibre » qui reviendra, de fait, à repousser l’âge légal de départ fixé actuellement à 62 ans, est inscrit dans la loi « par défaut ». En effet, les partenaires sociaux auront auparavant leur mot à dire.
Le texte prévoit de leur laisser la possibilité de fixer l’âge d’équilibre et les montants du malus et du bonus, voire de faire d’autres propositions, pour peu qu’elles fassent l’objet d’un compromis entre le gouvernement, le patronat et les syndicats.
Mais le texte de loi resserre le calendrier prévu initialement : ils auront jusqu’au 1er septembre 2020 pour y travailler et remettre leur copie, et non jusqu’au 1er janvier 2021 comme initialement indiqué par Edouard Philippe. S’ils n’y parviennent pas, la loi fixera alors d’office à partir du 1er janvier 2022 un âge d’équilibre, qui pourrait être 64 ans, ainsi que le montant du malus (5 %) et du bonus (5 %).
Augmentation par paliers
Une mise en place progressive de la mesure est d’ores et déjà prévue. L’âge d’équilibre augmentera par paliers entre 2022 et ce jusqu’en 2027, de quatre mois par an et par génération pour atteindre l’âge cible (64 ans). Il sera appliqué à tous ceux qui prendront leur retraite à partir de cette date et ne devrait porter que sur les années travaillées à partir de 2022. En clair, si l’âge légal de départ à la retraite est maintenu à 62 ans pour bénéficier d’une retraite à taux plein, il faudra atteindre ce fameux âge d’équilibre mais aussi comptabiliser une durée de cotisation requise pour échapper au malus. Quant aux carrières longues, qui permettent de partir plus tôt, elles seront maintenues pour ceux qui auront validé 5 trimestres avant l’âge de 20 ans. Pour eux, l’âge légal de départ sera maintenu à 62 ans.
Parmi les nombreuses mesures de cette réforme du système universel, qui comprend un projet de loi ordinaire et un projet de loi organique, une « concession » a été faite aux syndicats. Il s’agit de l’explosive mesure concernant la pension de réversion nouvelle formule. Elle sera versée au conjoint survivant à partir de 55 ans, et non 62 ans comme proposé dans le rapport dans le rapport Delevoye. Dans le régime universel, tout le monde sera logé à la même enseigne.
Si le système actuel devrait être maintenu pour les personnes mariées ou divorcées avant 2025 (une mission sera confiée à Bertrand Fragonard et Anne Marie Leroyer), il change pour les conjoints à partir de 2037. Pour ces derniers, on ne garantit plus 50 % ou 60 % de la pension du conjoint décédé, ni le prorata des années de mariage. Les nouvelles règles prévoient en cas de décès du conjoint de maintenir le niveau de vie, à hauteur de 70 % des droits à retraite du couple. Mais uniquement pour les couples mariés au moment du décès. Contrairement au système actuel, le divorce fera tomber les droits à la réversion.
Etalement des décisions sur près de deux ans
Enfin, concernant la pension à 1000 euros, mesure de justice vantée par le gouvernement et qui sera effective à compter de 2022, une précision de taille a été apportée. Edouard Philippe a promis que tout salarié qui aura eu « une carrière complète au smic » bénéficiera d’une pension minimum de 1 000 € net correspondant à 85 % du smic. Si l’on savait que le versement de ce minimum de pension fixé à 85 % du smic serait conditionné à l’obtention d’une « carrière complète », jusqu’ici le gouvernement n’avait pas donné plus de détails. Le texte prévoit qu’il faudra faire un décompte qui se fondera sur les règles actuelles, soit 43 années de cotisation.
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Selon l’entourage de Laurent Pietraszewski, plusieurs ordonnances vont venir compléter dans le détail un certain nombre de ces dispositions. « Elles seront toutes prises d’ici 2022 », assure ses services. Il en va ainsi par exemple des modalités prises en compte pour la transition des régimes spéciaux, des régimes particuliers, du régime général notamment, ou du sort des catégories dites actives.
Une méthode d’étalement des décisions sur près de deux ans que les syndicats ne manqueront pas de dénoncer.
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