Ce samedi, on sera enfin fixé sur le sort du fameux «âge pivot» qui secoue la France depuis la présentation du projet de loi de réforme des retraites le 11 décembre. Les syndicats réformistes, on le sait, sont contre et exigent son retrait du projet de loi final qui doit être présenté le 24 janvier en Conseil des ministres. Et le gouvernement, de son côté, est pour au motif qu’il permet d’équilibrer le système lourdement déficitaire à court et moyen terme tant en finançant de nouveaux droits liés au futur régime universel.
Après une journée de «discussions franches, très constructives et très utiles» à Matignon avec des délégations de neuf organisations syndicales et patronales, Édouard Philippe rendra sa copie «par écrit» ce samedi. Le premier ministre se sera au préalable entretenu avec le président de la République et les responsables de la majorité pour arrêter «les propositions concrètes» qu’il entend formuler auprès des partenaires sociaux, en vue d’un «compromis» que tout le monde appelle de ses vœux. «Les propositions que va formuler le premier ministre permettront à chacun de se positionner, assure-t-on dans l’entourage du chef du gouvernement. Soit ils prendront, soit ils ne prendront pas. Mais c’est un compromis solide et sans ambiguïté qu’il leur proposera.»
qui d’Édouard Philippe ou de Laurent Berger mettra « un genou à terre » pour débloquer la situation ?
Un compromis qui se résume à une question: qui d’Édouard Philippe ou de Laurent Berger mettra «un genou à terre» pour débloquer la situation? Pour l’heure, les positions des deux principaux protagonistes sont toujours incompatibles, le leader syndical réclamant le retrait de l’âge pivot du texte de réforme afin d’accepter de discuter des modalités alternatives de financement du futur système universel dans le cadre d’une «conférence de financement» qu’il a proposée dimanche dernier. La CFDT «n’entrera dans la conférence de financement qu’à une seule condition: une remise à plat qui commence par enlever l’âge d’équilibre», a expliqué son secrétaire général à l’issue de son entretien avec Édouard Philippe chez qui il a toutefois «senti une volonté d’ouverture dans la parole». D’ailleurs, le premier ministre, dans la très courte allocution qu’il a tenue à l’issue de ses entretiens, n’a pas prononcé l’expression «age pivot» qui fâche. Pas plus qu’il n’a utilisé le mot «équilibre financier»…
Pourtant, Édouard Philippe n’a eu de cesse toute la journée de justifier la force de cette mesure auprès des centrales qui ont défilé dans son bureau, et en particulier de la CFDT qui a passé deux fois plus de temps avec lui (près de deux heures) que les autres. Accompagné notamment de Gérald Darmanin, le ministre des Comptes publics, il leur a présenté, PowerPoint à l’appui, un chiffrage précis de l’impact de l’instauration de l’âge pivot.
Un tiers impacté
Depuis le début du conflit le 5 décembre, c’est en effet la première fois que le gouvernement fournit un document aussi précis. Il en ressort que l’instauration d’un âge d’équilibre à 64 ans permettrait d’économiser 3 milliards d’euros dès 2022 et même… 12 milliards en 2027. Et ce alors que les dernières projections du conseil d’orientation des retraites (COR) font état d’un déficit du système «de 10 milliards en 2025 et 12 milliards en 2027».
Mais l’âge pivot aurait un autre avantage aux yeux du premier ministre: n’impacter qu’un petit tiers de la population active arrivant à l’âge de la retraite. Et donc épargner tous les autres, non concernés par le dispositif (handicapés, invalides…) ou bénéficiant d’un âge pivot «plus bas que le droit commun» (carrières longues…). Surtout, près de 200.000 personnes aux carrières hachées et incomplètes (femmes, chômeurs…) et obligées d’attendre aujourd’hui 67 ans pour toucher une pension complète pourront le faire demain trois ans plus tôt.
Tous ces chiffres, que l’exécutif gardait religieusement de part vers lui depuis le début du conflit, visent à objectiver le maintien – et le bénéfice – de l’âge pivot, rejeté par l’ensemble des syndicats. En échange de l’abandon de cette mesure, charge à eux de négocier avec le patronat un mécanisme qui produise les mêmes résultats ou en assure de meilleurs.
Quelle que soit l’issue de ce dossier ce samedi, elle n’aura toutefois aucun effet sur la position des centrales contestataires opposées au principe même de la réforme systémique. La grève dans les transports publics, les actions et les coups d’éclat de la CGT, FO et consorts vont donc encore perdurer. Mais si Philippe et Berger finissent par s’entendre, ce sera un font syndical de moins que l’exécutif aura à affronter. Mais peut-être que provisoirement…
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