Décembre 2013, La Redoute est au bord de la faillite. Fondé en 1837 tout d’abord comme filature de laine, le vépéciste n’est plus que l’ombre de lui-même. Kering (ex Pinault-Printemps-Redoute) le cède à ses dirigeants, Nathalie Balla et Eric Courteille, pour un euro symbolique. S’en suivent quatre ans de transformation en profondeur. Refonte de l’offre, accélération des collections, nouveau modèle logistique, changement de culture d’entreprise… La société de vente à distance devient un pure player de l’e-commerce, abandonnant au passage son célèbre catalogue feuilleté dans tous les foyers français.
Rachetée en 2017 par le groupe Galeries Lafayette, La Redoute entame la deuxième étape de sa mue. Après avoir posé les fondamentaux de la transformation numérique, l’enseigne entre dans une phase qualifiée de redéveloppement en partant sur une approche centrée sur le client et non plus sur le produit. Cette démarche “customer centric” a conduit à la mise en place de la politique de contenu généré par les consommateurs (User generated content, UGC). Ambassadeur de la marque, le client note lesproduits achetés sur site, dépose des commentaires.
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“Les avis constituent un levier fort de conversion et de réassurance, observe Amélie Poisson, directrice marketing, marques et relations clients. La Redoute est une marque communautaire et le sujet de l’influence est central. Comment vos pairs peuvent vous inspirer ?“. Une influence qui dépasse le seul cas des Youtubeuses spécialisées dans le mode.
Pour créer un lien fort à la marque dont la base line est “On a tous une raison d’aimer La Redoute”, l’enseigne a lancé le programme de fidélité “La Redoute & Moi”. L’abonnement donne droit à des livraisons gratuites en illimité, des réductions, des exclusivités, une carte de crédit Mastercard, des conseils de stylistes ou des invitations à des événements privés. Après un an et demi d’activité, Amélie Poisson tire “un bilan très positif” et travaille à des services additionnels.
Navigation vocale et visuelle sur le mobile
La dirigeante croit aussi à la force du phygital, “le magasin crée un lien mémoriel”. S’il ne s’agit pas pour La Redoute de redevenir une chaine de magasins – l’entreprise a compté jusqu’à 600 points de vente en France selon Capital -, une quinzaine de boutiques et des corners aux Galeries Lafayette ont été ouverts. Le chantier de l’intégration omnicanale permettant de jouer la complémentarité entre le digital et les espaces physiques reste toutefois ouvert selon Amélie Poisson.
Un chantier d’autant plus que le complexe qu’il faut tenir compte de la place prépondérante prise par le mobile dans l’expérience client. Pour simplifier la navigation, La Redoute a trouvé des alternatives à l’arborescence jamais innée sur un smartphone. Son application intègre un moteur vocal et la reconnaissance d’images. A partir d’une photo, de magazine par exemple, l’utilisateur se voit proposer une liste de produits similaires. Une navigation visuelle dans la mouvance des médias sociaux Pinterest et Instagram.
Après avoir a été l’une des premières entreprises françaises à tester l’Apple Business Chat et mené un POC sur Google Assistant, La Redoute entend s’engager dans le conversationnel, textuel et vocal, pour la relation client et l’après-vente mais sans aller – à date – sur le volet transactionnel.
“Nos concurrents sont sur les mêmes sujets que nous et La Redoute ne sera jamais l’entreprise la plus tech de la Terre”, tempère Amélie Poisson.
Ce qui fait, selon elle, la différence c’est la rapidité d’exécution opérationnelle et l’agilité de l’organisation interne. “La transformation est éminemment humaine”, estime-t-elle. Depuis 18 mois, La Redoute s’est organisée en feature teams (équipes projets pluridisciplinaires) et recourt aux méthodes agiles et au lean management. “Jusqu’alors réservée aux équipes IT et data, cette agilité est aujourd’hui étendue à tous les services où cela fait sens comme le front web, le back office ou le marketing.”
Enfin, la société de Roubaix se veut une entreprise pilotée par la donnée. Elle a développé en propre une “customer data platform” pour recueillir les données clients liées à la captation d’audience ou à la personnalisation des services. Et son chief data officer, Samir Amellal, siège au comité de direction. Tout un symbole.
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