La reconnaissance faciale cristallise les différences de position entre les membres des GAFA. Alors que le PDG de Google, Sundar Pichai, a exprimé son soutien à la proposition d’interdiction temporaire de la reconnaissance faciale décidée par l’Union européenne, l’avocat de Microsoft, Brad Smith, a pour sa part mis en garde Bruxelles contre l’utilisation de ce qu’il qualifie de « hachoir à viande » pour ce qui devrait pourtant être une opération de haute précision juridique.
Ce lundi, les directions techniques des deux groupes ont été appelées à répondre à la proposition de la Commission européenne d’interdire l’utilisation de la reconnaissance faciale dans les espaces publics pendant trois à cinq ans, ou jusqu’à ce que des cadres suffisants d’évaluation et de gestion des risques puissent être mis en place. Par ailleurs, un livre blanc européen fait mention de la nécessité de créer un organe de gouvernance de la surveillance pour garantir le respect des règles.
Les positions des deux géants technologiques se sont révélées bien différentes.
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Google à l’offensive
Sundar Pichai a en effet reconnu qu’il existe encore de « réelles inquiétudes quant aux conséquences négatives potentielles de l’IA, des faux-semblants aux utilisations néfastes de la reconnaissance faciale ». Il plaide pour une « réglementation raisonnable » qui trouve un juste équilibre entre les possibilités de l’IA et ses inconvénients potentiels. Interrogé lors d’une conférence de presse tenue lundi, à Bruxelles, ce dernier a également déclaré qu’il était important que les gouvernements s’attaquent aux questions réglementaires concernant la reconnaissance faciale.
Pour le patron de Google, « le plus tôt sera le mieux ». Et si l’interdiction peut être « immédiate », il peut également exister une « période de réflexion pour nous permettre de réfléchir à la manière dont la reconnaissance faciale doit être utilisée ».
Pour ce dernier, l’UE peut adapter la législation existante, telle que le règlement général sur la protection des données (RGPD), pour gérer les risques de l’IA et de la technologie de reconnaissance faciale. « La responsabilité est une partie importante de nos principes d’IA. Nous voulons que nos systèmes soient responsables et explicables et nous les testons pour en assurer la sécurité », a-t-il affirmé, tout en réclamant que la réglementation européenne évolue pour soutenir les principes de l’IA tels que ceux énoncés par Google l’année dernière, dans lesquels il s’est engagé à ne pas diffuser d’IA qui pourrait nuire aux personnes.
Pour autant, Google ne veut pas se fermer à l’utilisation de la reconnaissance faciale, à la condition que celle-ci soit soumise à une « reponsabilité humaine » et que ses systèmes soient « responsables devant la société dans son ensemble ».
Microsoft favorable à une réglementation “light”
Le ton est différent du côté de Microsoft. Interrogé à son tour par l’agence Reuters, le vice-président et conseiller juridique en chef de Microsoft, Brad Smith, a déjà demandé une réglementation sur l’utilisation de la reconnaissance faciale. Toutefois, hier, il a mis en garde contre l’interdiction temporaire de la Commission européenne, avançant que la reconnaissance faciale pourrait notamment être utile aux ONG pour retrouver les enfants disparus.
« Je suis vraiment réticent à dire qu’il faut empêcher les gens d’utiliser la technologie de manière à réunir les familles quand elle peut les aider à le faire », a-t-il ainsi affirmé, en limitant sa défense de la reconnaissance faciale à cette dimension pourtant mineure, face à d’autres problématiques de libertés publiques posées par cette technologie. Brad Smith a déjà fait valoir que les lois sur la reconnaissance faciale devraient exiger des entreprises technologiques qu’elles fournissent une documentation transparente expliquant les capacités et les limites de leur technologie. Il a fait connaître ses opinions sur le sujet en décembre 2018, à la suite des protestations des employés contre le travail de Microsoft qui développait une technologie de reconnaissance faciale pour l’ICE (Immigration and Customs Enforcement).
Pourtant, si Brad Smith s’oppose à l’interdiction temporaire proposée par Bruxelles, ses autres opinions sur la réglementation de cette technologie ne sont pas si différentes. La Commission européenne a ainsi proposé d’énoncer de manière claire les règles applicables aux autorités publiques qui ont recours à cette technologie ainsi que les exigences obligatoires basées sur les risques pour son utilisation dans les soins de santé, les transports et la police prédictive.
De son côté, le patron de Microsoft a pour sa part exigé une législation rendant obligatoires les évaluations d’impact pour l’utilisation de la technologie, la notification du public lorsque la reconnaissance faciale est utilisée et l’obligation pour les personnes de donner leur consentement à son utilisation lorsqu’elles pénètrent dans un lieu. Il a également demandé des lois limitant l’utilisation de la reconnaissance faciale lors de la surveillance des personnes dans les espaces publics, et que cette utilisation ne soit autorisée que sur ordonnance du tribunal.
De Washington à Paris
Au début du mois, la Maison Blanche a appelé l’Europe à « éviter les modèles lourds et destructeurs d’innovation » et à envisager une approche similaire à celle des Etats-Unis, qui découragent les agences fédérales de prendre des mesures réglementaires qui entravent l’innovation et la croissance de l’IA.
En France, le débat vient tout juste de débuter sur ce nouveau moyen de surveillance. Des expérimentations sont préconisées avant sa mise en place effective. C’est notamment le cas de Nice. En février 2019, de premiers tests avaient lieu à l’occasion du carnaval. Les aéroports français sont également concernés par ce dossier.
Source : ZDNet.com
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