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Quand l’assurance se réassure grâce à l’innovation numérique

Les banques ont les fintech, les assurances leurs assurtech ou insurtech, c’est-à-dire des pure-players du numérique positionnés sur leurs métiers d’assureurs. Ces acteurs ont levé

l’année dernière. Au 2e trimestre 2019, ce montant dépassait déjà 3 milliards.


Si la concurrence a semblé frontale dans un premier temps, l’heure est désormais plus à la collaboration – même si des rivalités demeurent. Frank Desvignes, le directeur des Axa Labs, veut en tout cas croire à un partenariat mutuellement profitable.


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« Axa c’est environ une centaine de millions de clients dans 64 pays. C’est une plateforme idéale pour aider des startups françaises et européennes à s’étendre dans le reste du monde ». Mieux, après quelques années « les points de frictions se sont réduits et nous sommes plutôt sur de la création de valeur. »

Assurtech et assureurs : entre guerre froide et Détente

De la création donc en commun. Jeremy Jawish, PDG de Shift Technology, une startup spécialisée dans les algorithmes de détection de la fraude pour les banques et assurances, est plus réservé sur ce constat.Pour le dirigeant, qui emploie 200 data scientists, persiste sur le marché un climat de « guerre froide ». L’opposition n’est cependant pas binaire.

Des assurtech s’associent ainsi à des assureurs traditionnels. D’autres, comme Lemonade ou Root Insurance aux Etats-Unis, constituent de sérieuses menaces pour ces derniers.Mais assureurs et assurtech partagent assurément un constat : le poids du legacy. « Les data scientists chez nous déclarent que leur plus gros concurrent c’est l’AS/400 chez les assureurs » souligne avec humour Jeremy Jawish.

Une coopétition entre assurances et assurtech est ainsi l’opportunité pour les assureurs traditionnels de se transformer, tout en s’appuyant sur l’innovation technologique de ces startups spécialisées, plus agiles.

« Il faut que nous allions un peu plus vite sur l’adoption des technologies (…) et il faut aussi que les startups adoptent aussi vite que ce que les grands groupes aimeraient faire eux-mêmes ces nouvelles technologies » commente Frank Desvignes, qui cite en particulier la blockchain. Axa se montre d’ailleurs très actif dans le domaine du numérique.

En 2017, il annonçait ainsi 250 millions d’euros d’investissement dans un cloud privé. Pour le directeur de la transformation de l’assureur, il s’agit surtout, sur quatre ans, de renforcer l’agilité et d’optimiser l’utilisation des données. Dans une logique de plateforme et de transformation toujours, Axa s’est doté d’un fonds de capital-risque de 230 millions d’euros afin d’investir dans des startups des univers de la Fintech et de l’Insurtech.

Le virage technologique « prononcé » de Malakoff Médéric

Et Axa n’est pas le seul assureur de place à s’être engagé sur cette trajectoire, comme l’explique David Giblas, directeur innovation, santé, digital, data et intelligence artificielle pour Malakoff Médéric Humanis. Il est venu en témoigner à l’occasion de l’Insurtech Business Week organisée par le pôle de compétitivité Finance Innovation. « Nous avons pris un virage tech assez prononcé il y a trois ans », ce dans un métier « réglementé » et « concurrentiel ».

« Assureur santé avec une gouvernance paritaire et mutualiste, cela vous donne quelques contraintes dans l’exercice de votre métier. » Pour se transformer, malgré ces « contraintes saines », l’assureur a dégagé une enveloppe de 100 millions d’euros sur cinq ans.

Une centaine de personnes interviennent aujourd’hui, de manière transverse, sur la transformation « digitale et data » de l’entreprise. A son innovation interne, elle a adossé les innovations développées par des startups grâce à un fonds d’investissement de 150 millions d’euros. Malakoff a investis dans 10 startups, dont la moitié travaille déjà avec elle.

Des moyens donc, mais aussi une philosophie, des « obsessions » même pour David Giblas : la valeur (« et notamment la valeur d’usage »), le déploiement à l’échelle (« évitons de faire des expérimentations sans lendemain, des PoC suivis d’autres Poc »), et enfin la rapidité.La rapidité, confie l’expert, « c’est quasiment une vulgarité dans notre monde » de l’assurance. Et cela se traduit ainsi par la capacité à livrer en quatre mois un algorithme en incubation et son déploiement en six.

Tous les cas d’usage sous la responsabilité du métier

Le chief digital officer insiste à ce titre sur l’importance de la gouvernance, qui repose sur l’implication totale des métiers, « product owners » des projets. « Tous les cas d’usage sont placés sous la responsabilité du métier » précise-t-il.Au service de chaque cas d’usage est mis à disposition une équipe pluridisciplinaire ou « squad » fonctionnant en mode agile afin de répondre à l’obsession de rapidité.

Le développement des algorithmes n’a ainsi pas réalisée dans un labo coupé de l’entreprise.Différents métiers accompagnent donc les data scientists, data analysts et data ingénieurs de l’assureur – mais aussi des spécialistes de la data visualisation.

Cette démarche n’est pas unique cependant. Plusieurs grandes banques et assurances ont adopté des approches comparables.Le différenciant, c’est peut-être alors la prise en compte de l’éthique dans la conception des algorithmes. « Très tôt, nous avons défini le sujet de l’éthique comme un prérequis au déploiement à l’échelle dans notre entreprise.

Et bien avant qu’on en parle autant qu’aujourd’hui » revendique David Giblas. Car en matière de data et d’algorithmes, « l’accident industriel » est une réelle menace.

Dans ce cadre, l’entreprise a par exemple listé des finalités « interdites ». Exemple : pas de sélection ou de tarification individuelle. Encore fallait-il toutefois implémenter cette philosophie de manière opérationnelle dans les projets.A été mis sur pied un « comité des sages », comprenant notamment le DPO, et validant les finalités des cas d’usage.

Par ailleurs, très en amont, lors des phases d’exploration des algorithmes, l’entreprise a instauré des analyses sur les biais.« C’est mécanisé. Vous n’avez pas encore commencé l’algo, mais déjà vous avez effectué une analyse en profondeur de vos data pour être certain que le dataset d’entraînement ne biaisera pas l’entrainement de cet algorithme » détaille le dirigeant.

Uniquement des algorithmes « explicables »

Mais la démarche éthique intervient aussi au niveau de l’algorithme lui-même, selon sa nature, plus ou moins complexe à expliquer ou interpréter. « Nous avons pris la décision, sur les cas d’usage sensibles, comme tout ce qui touche à la santé, de n’utiliser que des algorithmes dits explicables », notamment pour les métiers.Certaines techniques, notamment de deep learning, sont ainsi de fait exclues.

Cela impose dès lors des contraintes aux data scientists de l’entreprise. En la matière, « pas besoin de framework ou de guidelines. Il suffit de le faire et de l’appliquer. » A noter que le « prescriptif automatique » est lui aussi exclu.

Les algorithmes présentent toutefois une difficulté (une de plus) bien particulière, souligne David Giblas. « Les algorithmes de machine learning sont des organismes vivants. Leur entraînement est permanent. » Pour répondre à cet enjeu, a été mis en place un processus de contrôle régulier (trimestriel) afin de prévenir toute déviation.

« Ma pire crainte, mon pire cauchemar, c’est de perdre le contrôle. Et vous pouvez le perdre rapidement » sans cette capacité à contrôler données et algorithmes. Depuis quatre mois, Malakoff Médéric Humanis applique une déclinaison du framework pour une IA de confiance d’un groupe d’experts de la Commission européenne.

Un premier algorithme santé chez Malakoff en 2019

Dans le domaine des algorithmes d’intelligence artificielle, l’assureur a, à ce jour, mis en production une dizaine de cas d’usage (marketing, commercial, relation client, sujets actuariels comme le provisionnement des risques longs et plus largement de modernisation des techniques actuarielles classiques).

Le cœur de métier de l’entreprise, à savoir la santé, est encore peu concerné par ces algorithmes. Une exception cependant, commune d’ailleurs à un grand nombre d’assureurs, la lutte contre la fraude. Un cas d’usage supplémentaire, portant cette fois sur la prévention (des RPS ou risques psychosociaux), sera lancé d’ici la fin d’année.

Pourquoi un tel contretemps ? « Les données de santé étant très sensibles, nous voulions vraiment être certains que la finalité du cas d’usage était conforme à notre stratégie ; qu’elle apportait une valeur à l’entreprise, mais également aux personnes » justifie David Giblas, qui appelle d’ailleurs à la prudence sur la prévention, « en particulier primaire ».

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