La société française Prophesee, spécialiste de la vision neuromorphique, a annoncé ce mardi avoir finalisé un tour de table de Série C de 25 millions d’euros, portant son financement total depuis sa création en 2014 à 61 millions d’euros.
Jusque-là soutenue par ses investisseurs historiques iBionext360 Capital Partners, Robert Bosch Venture Capital et Supernova Invest, la startup basée à Paris et Grenoble a cette fois bénéficié d’un investissement de 20 millions d’euros consenti par la Banque européenne d’investissement (BEI), le reliquat de 5 millions d’euros étant abondé par les premiers cités.
Les fonds serviront à poursuivre le déploiement et la commercialisation de la troisième génération de capteur d’architecture de la société, le capteur Metavision dont le but est simple : rendre la vue aux personnes qui en sont privés. Pour répondre à cet objectif ambitieux, la société présidée par Luca Verre, entend bien se reposer sur un concept maison, l’approche de la vision assistée “par évènement”.
Réduction de la puissance nécessaire
Cette approche par “évènement” permet au capteur de n’activer un pixel qu’en cas de nécessité, c’est-à-dire si un changement est détecté dans son champ de vision.
“Les pixels sont indépendants et asynchrones si bien que chaque pixel ne s’active que s’il détecte un changement dans la scène en observation comme par exemple un mouvement”, détaille l’état-major de la société, pour qui cette “approche dite par évènement, permet des réductions importantes de puissance (en mW au niveau du capteur), de latence et de traitement des données (acquisition de 10 à 1000 fois moins de données brutes) imposées par les systèmes traditionnels”.
Une approche par “l’évènement” révolutionnaire
“Lorsque chaque pixel est libre d’enregistrer uniquement lorsqu’il est déclenché, l’information créée n’arrive pas image par image. Le mouvement est plutôt saisi comme un flux continu d’information. Rien n’est perdu entre les images”, vante la société qui voit dans cette nouvelle application une assurance de gain d’énergie pour une puissance de calcul décuplée. Pour simplifier, grâce à l’approche par évènement, “chaque pixel n’émet un rapport que lorsqu’il détecte un mouvement”.
“Alors que dans un capteur à base d’images, tous les pixels enregistrent en même temps, dans un capteur à base d’événements, chaque pixel est parfaitement indépendant”, relève en effet la société française, selon laquelle, “en contournant les limites inhérentes à la vision par ordinateur conventionnelle, la vision par l’évènement perturbera la technologie actuelle dans des domaines tels que les véhicules automobiles, l’intelligence artificielle et l’apprentissage approfondi, l’automatisation industrielle, l’Internet des objets, la sécurité, la surveillance et les soins de santé”.
“Notre approche bio-inspirée, de la détection et du traitement de la vision, a trouvé un écho favorable auprès de nos clients dans les secteurs de l’automobile, de l’industrie et de l’IoT. Notre technologie continue d’obtenir des résultats impressionnants en matière de benchmarking et d’industrialisation.
Conduite autonome, systèmes ADAS, réalité virtuelle, augmentée et IoT
Ce financement nous aidera à passer rapidement de ces succès à une adoption plus large par le marché”, s’est réjoui le président de la société, qui relève que cette nouvelle génération de capteurs permet d’atteindre des gammes dynamiques beaucoup plus élevées (>120dB), tout en enregistrant “des événements qui, autrement, nécessiteraient des caméras conventionnelles pour fonctionner à une vitesse de 10 000 images/seconde et plus”.
“Après plusieurs années de développement et renforcée par des partenaires commerciaux clés, la société est aujourd’hui prête pour un déploiement industriel beaucoup plus large”, a également fait savoir ce dernier, pour qui la prochaine génération de capteur, dont la conception sera rendue possible par ce tour de table “ouvrira les marchés de l’automobile et de la consommation, y compris la conduite autonome et les systèmes ADAS, ainsi que sur les utilisations en réalité virtuelle, augmentée et en IoT”.
Rappelons que le développement de l’ingénierie neuromorphique s’inscrit dans le cadre de la montée en puissance des systèmes de Machine learning soutenus par l’essor de la compréhension des réseaux neuronaux.
Un nouveau palier aux applications industrielles du deep learning
Avec ses promesses d’efficacité énergétique accrue, inférieure à 10 mW, ou de volume inférieur de données nécessaires, requérant de 10 à 10 000 fois moins de données brutes, la technologie de Prophesee, basée sur un traitement par l’évènement pourrait permettre à l’approche neuromorphique de faire passer un nouveau palier aux applications industrielles du deep learning, qui nécessite des puces capables d’effectuer des tâches de calcul de plus en plus complexes.
Reste que Prophesee n’est pas seul sur le créneau de l’ingénierie neuromorphique sur lesquels se trouvent également des mastodontes comme Intel, IBM, Samsung ou Brainchip.
Comments