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PMA non remboursée, identité du donneur… À quoi ressemble le projet de loi de bioéthique amend

Après son vote au Palais-Bourbon mi-octobre, le projet de loi relatif à la bioéthique a été amendé en commission spéciale au Sénat, où il doit désormais être examiné dans l’hémicycle.

Nouvelle étape dans l’étude du projet de loi relatif à la bioéthique. Après une série d’auditions menées du 30 octobre au 12 décembre, la commission chargée de la loi de bioéthique au Sénat a examiné et adopté le texte, mercredi 8 janvier, à l’issue de deux jours de vote. Un peu plus de la moitié des amendements déposés par la commission (136 sur 264) ont été adoptés, modifiant plusieurs pans du projet de loi voté par l’Assemblée nationale, le 15 octobre dernier.

Ouverture de l’assistance médicale à la procréation (AMP, ou PMA) aux couples de femmes et femmes seules, accès aux origines pour les personnes nées de dons, recherche sur les embryons… Si les mesures emblématiques du texte initial sont maintenues, la commission spéciale bioéthique y apporte des restrictions et des nouveautés substantielles. Parmi elles : un amendement sur la gestation pour autrui, interdisant la retranscription d’un jugement étranger reconnaissant “comme mère une femme autre que celle qui a accouché”, ou “lorsqu’il mentionne deux pères”.

Franceinfo fait le point sur cette nouvelle version du texte, plus restrictif sur la PMA pour toutes et plus ouvert sur certaines recherches et sur la conservation des gamètes, avant son examen au Sénat du 21 janvier au 4 février.

Une PMA pas toujours remboursée

Mardi, les membres de la commission spéciale bioéthique ont donné leur feu vert à une mesure emblématique du projet de loi : l’extension de la procréation médicalement assistée à l’ensemble des femmes, quel que soit leur statut marital ou leur orientation sexuelle. Des amendements initiés par des sénateurs Les Républicains (LR) ont tenté de la supprimer, en vain.

D’autres amendements viennent toutefois modifier en profondeur l’article 1er du projet de loi. Pour les couples hétérosexuels, les sénateurs proposent un accès à la PMA sur des critères médicaux précis : une infertilité déclarée ou la prévention de la transmission d’une maladie grave. Seules des assistances médicales à la procréation basées sur ces critères seraient prises en charge par la Sécurité sociale. Conséquence : les autres PMA – pour les couples de femmes et les femmes seules, donc – ne seront pas remboursées. Une position contraire à celle du ministère de la Santé, relève La Croix. Ce changement est issu d’un amendement déposé par la sénatrice LR Muriel Jourda, opposée à la PMA pour toutes.

Il y a une volonté de marquer une légère différence entre ce qui relève d’une infertilité et ce qui relève d’un choix de vie.Corinne Imbert, sénatrice LR et corapporteure de la commissionà franceinfo

Aux yeux du sénateur de Paris Bernard Jomier (groupe socialiste et républicain), autre corapporteur de la commission, la mesure est toutefois “très fragile” car elle risque d’apparaître comme “une rupture d’égalité”. Pour les couples de femmes et les femmes célibataires, mais aussi pour les couples hétérosexuels ayant recours à une PMA sans être forcément déclarés infertiles. Dernier changement apporté sur ce point par la commission spéciale bioéthique : la réintroduction d’une évaluation psychologique comme prérequis à l’accès à la PMA.

Un nouveau modèle d’accès aux origines

Si la commission du Sénat n’a pas modifié la proposition du texte en matière de filiation, elle a révisé d’une manière conséquente la levée partielle de l’anonymat des dons de gamètes. Dans le projet de loi tel qu’il a été voté au Palais-Bourbon, tout donneur devait obligatoirement consentir à deux choses : la communication de “données non identifiantes” – couleur des yeux, âge ou encore pays de naissance – et de son identité à l’enfant issu de ce don. Ce n’est plus tout à fait le cas.

Les sénateurs ont , en la matière, modifié très substantiellement le texte: ils lèvent l’obligation pour les donneurs de consentir à la communication de leur identité aux enfants qui naîtront de leur don https://t.co/Cf7tB0s3vk — LB2S (@LB2S) January 7, 2020

La dernière version du texte instaure en effet un “double guichet” pour les nouveaux donneurs de gamètes : ils devront avant leur don accepter la communication de leurs “données non identifiantes”, mais “ils pourront choisir de donner leur identité ou non, il y a le choix”, précise Bernard Jomier. “L’accès à l’identité des donneurs devrait faire l’objet d’un consentement exprès des donneurs, exprimé au moment de la demande d’accès de la personne née d’un don de gamètes”, développe l’amendement adopté en ce sens.

Autre possibilité initiée par les sénateurs : pour toute personne née d’un don depuis les débuts de la PMA, le Conseil national d’accès aux origines personnelles (Cnaop) pourrait prendre contact avec son donneur et lui demander son accord pour la communication de son identité.

Enfin, le texte tel qu’il est amendé par la commission prévoit le développement, sous certaines conditions, de tests génétiques dans un objectif généalogique.

Une conservation des embryons et des gamètes élargie

La commission spéciale bioéthique a adopté un texte “plus progressiste”, notamment sur la conservation des gamètes, défend Bernard Jomier. Les 37 sénateurs du groupe de travail ont ainsi voté la prolongation de la culture d’embryons à des fins de recherche : la durée maximale de cette culture est désormais de vingt-et-un jours, contre quatorze jours dans le texte initial et sept actuellement, souligne La Croix. Quant à la durée de conservation des embryons, elle passe de cinq à dix ans dans la nouvelle version du texte.

Autre ouverture proposée par la commission : la possibilité, pour des centres privés à but lucratif, de conserver eux aussi des embryons. “Le service public n’est pas actuellement en capacité de pouvoir répondre à chaque patiente, ce qui provoque d’importants délais”, défend l’amendement adopté sur ce point. Sans compter les nouvelles demandes une fois la PMA ouverte à toutes les femmes :

Nous allons avoir une hausse de la demande, les centres publics [et privés à but non lucratif] à eux seuls ne seront pas en capacité d’y répondre seuls. On ne peut pas ouvrir une porte et mettre le pied dans cette porte.Bernard Jomier, sénateur écologiste et corapporteur de la commissionà franceinfo

Inclure les centres privés à but lucratif permettrait “de mettre fin à la désinscription des femmes de plus de 40 ans des listes d’attente et d’éviter que, sur des critères monétaires et d’âge, des patientes ne se tournent vers des centres privés à l’étranger”, défend l’amendement en question.

Des diagnostics et des recherches facilités

Contrairement à leurs homologues de l’Assemblée, les membres de la commission proposent la réintroduction de la technique dite du “bébé-médicament”. Cette technique, que les députés souhaitaient interdire, vise à la conception d’un enfant indemne d’une maladie génétique dont souffre son frère ou sa sœur, et immuno-compatible avec ce dernier ou cette dernière. Ce nourrisson permet la guérison de l’enfant malade, à travers un prélèvement de sang de cordon.

La commission a aussi adopté un amendement de Corinne Imbert, qui élargit “à titre expérimental” le diagnostic préimplantatoire (DPI) “pour la recherche d’anomalies chromosomiques non compatibles avec le développement embryonnaire”. Ce diagnostic est aujourd’hui autorisé dans le cadre d’une fécondation in vitro (FIV), seulement quand l’un des parents ou un ascendant souffre d’une maladie génétique “d’une particulière gravité reconnue comme incurable”. Lors de FIV, il pourrait désormais être possible de vérifier l’état des embryons avant de les transférer dans l’utérus de la mère, s’il y a déjà eu des échecs d’implantation à répétition.

Il ne s’agit pas de faire une sélection de personnes, mais de prélever quelques cellules des embryons du couple, et de regarder celui qui n’a pas d’anomalie chromosomique. Car en cas d’anomalie, l’embryon ne s’implantera pas, il n’y aura pas de bébé.Corinne Imbertà franceinfo

La commission spéciale bioéthique maintient aussi le cadre juridique déjà prévu dans le projet de loi : toute recherche sur un embryon doit obtenir une autorisation préalable de l’Agence de la biomédecine, mais des recherches sur les cellules souches embryonnaires doivent simplement être déclarées auprès de l’Agence. Les sénateurs ont néanmoins “modifié les prérequis” pour de telles recherches, qui doivent aujourd’hui avoir une “finalité médicale”. “Nous avons ajouté le critère de développement de la connaissance des mécanismes de biologie humaine”, explique Bernard Jomier. Objectif : éviter que des recherches sur les cellules souches embryonnaires ne puissent pas se faire.

Sur d’autres points, le texte amendé par la commission “est plus prudent” que celui de l’Assemblée nationale, juge Corinne Imbert. La sénatrice évoque la formation d’embryons chimériques, par l’introduction de “cellules souches embryonnaires humaines dans un embryon animal” à des fins de greffes d’organes. Une possibilité suggérée par les députés, mais retoquée au Sénat. Seule la pratique actuelle reste acceptée, c’est-à-dire “la création d’embryons chimériques par l’insertion de cellules souches pluripotentes induites (iPS) d’origine humaine [cellules adultes transformées en cellules immatures] dans un embryon animal”. A lire aussi Sujets associés

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