Le CNC et Comscore publient les chiffres de la fréquentation des salles de cinéma pour l’année 2019. Avec un record à la clé : en affichant une progression de 6%, les entrées salles atteignent 213,3 millions d’entrées, soit la troisième meilleure performance depuis 1966 (234,2 millions d’entrées) et 2011 (217,2 millions d’entrées, l’année d’Intouchables) et juste devant 2016 qui avait réalisé 213,2 millions d’entrées. En dehors de 2013, la fréquentation des cinémas n’est pas passée sous la barre des 200 millions d’entrées depuis 2009.
Donc “Roma”, “The Irishman”, “Marriage Story” et tous les films Netflix ou Amazon qui ne passent pas par un cinéma, les fameux « sans visa », n’auront pas eu la peau des salles obscures malgré l’émoi de tout un pan de la profession qui voit dans la SVOD et en Netflix le fossoyeur du 7ème art. Et de continuer de penser que la France a le meilleur système du monde.
Le Roi Disney
La fréquentation record de 2019 est en partie due au cinéma américain : la fréquentation des films américains a augmenté de près de 33% en 2019 pour atteindre 117,6 millions d’entrées (CNC) ou 125 millions d’entrées (Comscore), soit une part de marché comprise entre 55% et 60%. C’est la meilleure performance réalisée par le cinéma américain depuis plus de 10 ans : 17 films figurent dans le Top 20, 9 dans le Top 10. “Le Roi Lion” (Disney) se classe en tête des entrées salles avec 10 millions d’entrées, occupe les 3 premières places du classement et place 10 films dans le top 20 (contre 3 en 2018), offrant par la même occasion la plus haute marche du podium à Disney qui réalise 45 millions d’entrées et 23,4% de part de marché.
35% de part de marché pour le cinéma français
En réalisant 74,6 millions d’entrées et 35% de part de marché, le cinéma français perd du terrain par rapport à 2018 (-5,7% et 39,3% de part de marché). Un film se hisse dans le Top 10 avec 6,7 millions d’entrées : “Qu’est-ce qu’on a encore fait au bon Dieu ?” (UGC). Deux autres films se hissent dans le Top 20 contre 6 en 2018 : “Nous finirons ensemble” (Pathé, 11ème, 2,8 millions d’entrées) et “Hors Normes” (Gaumont, 20ème, 2 millions d’entrées).
Un parc de salles qui mise sur l’innovation
La FNCF (Fédération Nationale des Cinémas Français) souligne dans un communiqué daté du 30 décembre que la hausse de la fréquentation est aussi liée aux investissements réalisés par les exploitants de salles afin d’apporter des innovations dans leur parc de salles : « Ce niveau très important de la fréquentation est également dû aux investissements massifs des salles de cinéma depuis de nombreuses années (en 2019 : plus de 260 millions d’euros dans plus de 40 établissements rassemblant 188 nouveaux écrans) pour construire et moderniser les cinémas en France au bénéfice de l’ensemble de la filière. Ces investissements consacrent une fois encore le rôle social et culturel majeur des salles de cinéma au cœur de la cité mais aussi partout sur le territoire où elles apportent le cinéma dans toute sa diversité à tous les publics. »
Un spectateur qui vieillit
C’est vrai que nous disposons de salles qui offrent des expériences époustouflantes (4DX, Laser, Dolby, sièges lounge), mais qui ont pour inconvénient de faire exploser le prix du ticket hors promotion et abonnement : à titre d’exemple, le prix du billet plein tarif peut atteindre 23 euros dans certaines salles parisiennes, ici le Pathé Beaugrenelle à Paris. Un facteur à prendre en compte alors que l’âge moyen du spectateur de cinéma augmente, et que les jeunes y vont moins souvent, comme le souligne Médiamétrie dans son étude sur l’année Cinéma 2018 : « Bien qu’un peu plus âgé qu’auparavant, le spectateur cinéma a en moyenne 39,3 ans. »
Salle vs SVOD
Alors que de nombreux professionnels préfèrent continuer à entretenir une haine virtuelle entre salle et SVOD, entre expérience collective et visionnage individuel, entre grand écran et écran de smartphone, Médiamétrie apporte un éclairage intéressant qui tend à prouver que les deux modes d’exploitation ne s’opposent pas, mais se complètent, et que la cohabitation est inéluctable. « Si le nombre de spectateurs cinéma reste stable dans le temps, un tiers d’entre eux pratiquent désormais la SVOD en 2018. Fans de contenus, 60% de ces spectateurs SVODistes se rendent sur leur plateforme tous les jours ou presque. Les spectateurs cinéma SVODistes sont engagés : 96% envisagent de poursuivre leur utilisation d’un service SVOD pour les 6 prochains mois. Ils sont également satisfaits puisqu’ils attribuent une note de 8,3/10 à la plateforme qu’ils fréquentent. Enfin, 8% des spectateurs cinéma qui ne sont pas encore SVODistes envisagent de le devenir prochainement. »
2020, changement de cap
Finalement les exclusivités cinéma des plateformes n’ont a priori aucun impact sur la fréquentation des salles de cinéma. Le Scorsese est sorti directement sur Netflix sans passer par la salle ? Cela enlève effectivement des entrées salles au global si “The Irishman” avait été exploité dans le circuit des salles, mais le public n’est pas stupide : s’il veut aller au cinéma, il ira voir un autre film à l’affiche car ce n’est pas l’offre qui manque. De fait, la SVOD s’inscrit dans une temporalité différente (la séance démarre quand je le décide) et dans un espace de consommation différent (je regarde mon film sur ma TV ou mon smartphone et où je veux).
Mais tout va changer en 2020 : nouvelle chronologie, nouvelle loi audiovisuelle, transposition de la directive SMA et arrivée de Disney+ et de Peacock. Et si les studios se mettent à privilégier leur plateforme à la salle, cela pourrait avoir quelques conséquences, comme Alain Le Diberder l’anticipe sur son blog : « Avec une évaporation d’une partie des films américains vers les plateformes, une baisse tendancielle des ventes de sucreries, liquides ou solides, et un étranglement par les conditions commerciales de l’ogre Disney, les salles vont gagner moins d’argent et perdre un peu de public. Mais elles s’en sortiront, comme elles s’en sont toujours sorties depuis cent ans, parce qu’au fond dans la sortie cinéma le film est à moitié un prétexte. »
Vive le cinéma, vive la SVOD. Et bonne année 2020 !
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