Une fin de non-recevoir, presqu’un camouflet pour Emmanuel Macron. En conviant Cédric Villani ce dimanche soir dans son bureau de l’Elysée pour une franche explication sur sa candidature dissidente à Paris, le chef de l’Etat espérait peut-être siffler la fin de la récréation. Ou au moins mettre de l’huile dans les rouages pour faciliter un rapprochement avec le candidat officiel de la République en marche, Benjamin Griveaux. Mais au bout d’une heure, et malgré « une conversation qui comme toujours avec le président de la République fut agréable », dixit Villani à la sortie, elle a au contraire aggravé la rupture.
« Aujourd’hui, j’acte une divergence majeure, a tonné le célèbre mathématicien. Entre l’appartenance à un appareil politique et l’engagement pour la ville qui m’a fait, je choisis de rester fidèle aux Parisiennes et aux Parisiens en maintenant ma candidature librement […] Ma campagne continue en toute indépendance ». Bref, le dissident continuera à marcher malgré les coups de pressions.
Doit-on comprendre entre les lignes qu’il pourrait rapidement rendre sa carte du parti? « On ne leur fera pas ce cadeau », réagit un peu cynique un proche de Cédric Villani, préférant mettre Stanislas Guérini, le délégué général de LREM, dans une posture impossible : exclure le député de l’Essonne au risque de le victimiser et de diviser, ou le laisser fronder et faire l’aveu d’un manque d’autorité.
«Un manque de respect honteux»
La médiation d’Emmanuel Macron a en tout cas fait chou blanc. « Villani a définitivement rompu avec le président ce soir et démontré que c’était uniquement une affaire d’ego. Il se comporte avec un manque de respect honteux », s’emballait ce dimanche soir une ministre. C’est par un texto envoyé samedi après-midi au lauréat de la médaille Fields 2010, l’équivalent d’un prix Nobel pour les mathématiques, que le chef de l’Etat a proposé cette rencontre au Palais dimanche à 17 heures.
Selon nos informations, Villani s’est présenté devant lui avec cinq scénarios sur la table… dont celui d’un possible retrait. Mais l’échange a vite tourné sur les sujets d’écologie… avec un constat de désaccord. « De toutes les idées mises sur la table pendant cette campagne, celle de la coalition climat (NDLR : proposition d’alliance formulée par le candidat écolo David Belliard) est plus que nécessaire pour ouvrir une nouvelle ère. Je ne crois pas qu’il soit aujourd’hui possible de la réaliser en ne discutant qu’au sein d’un parti », a expliqué Cédric Villani lors de sa courte allocution de sortie. Depuis des semaines, le député de l’Essonne multiplie les appels du pied à Belliard, le chef de file des Verts dans la capitale.
Engagement d’Emmanuel Macron pour défendre Benjamin Griveaux
Le président de la République a au contraire fait valoir que s’il s’alliait avec Benjamin Griveaux, les chances de gagner Paris et de porter ses idées étaient plus fortes grâce à l’addition des voix. Avant de se quitter, il lui a même demandé de se rapprocher de son rival « pour faire converger leurs deux projets dans un esprit d’unité et de rassemblement ». « Mais la politique c’est de la dynamique, pas de l’arithmétique », rappelle en privé le matheux Villani. « Si on regarde les possibles reports de voix au second tour, Cédric est le seul qui puisse attirer les écologistes et les progressistes. Le seul en mesure de réaliser une coalition avec des personnes de centre gauche ou de centre droit. Tous les autres, y compris Rachida Dati, ne vont servir qu’à réélire Anne Hidalgo », décrypte Rayan Nezzar, son porte-parole.
Reste que ce mini-drame au sein de la macronie aura au moins permis une clarification : celle de l’engagement d’Emmanuel Macron pour défendre Benjamin Griveaux. Ces derniers jours, les deux hommes ont plusieurs fois échangé. Notamment vendredi soir à l’Elysée, en marge d’une remise de décoration à Christian Le Lann, star des bouchers parisiens et candidat sur la liste Griveaux dans le XXe arrondissement. L’occasion pour le président de « saluer son engagement aux côtés de Benjamin » — avec qui il a discuté pendant plusieurs minutes en aparté — et même de lui « réitérer son amitié » publiquement, selon un participant. Un soutien ostensible, à défaut d’avoir pu déminer la guerre fratricide des deux Marcheurs parisiens.
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