Lisbeth est définitivement débarrassée de la Section, mais pas de ses démons intérieurs. Blomkvist tourne en rond dans Millenium et Erika essaie de maintenir le cap.
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Trolls
Lagercrantz aurait tout à fait pu en rester à l’univers de départ, mais il a choisi d’actualiser le cadre numérique en confrontant Blomkvist aux trolls. Ce dernier fait donc l’objet d’attaques en règle sur les réseaux sociaux, en particulier sur Twitter. Pour beaucoup, il est fini, il n’a plus d’avenir dans le journalisme, il ne comprend rien au monde actuel. Le roman s’ouvre d’ailleurs sur une chronique l’attaquant frontalement, parue dans un magazine, intitulée « les jours de Mikael Blomkvist sont comptés ».
Suite à cet article, une cohorte de jeunes journalistes s’en donne à cœur joie. Des hashtags sont créés, tels que #commeàlépoquedeblomkvist pour vilipender le journaliste d’investigation. Il n’est plus à la mode, il n’est plus dans le coup, il n’a pas même pas de compte Twitter ni de page Facebook. Est-ce une obligation pour un journaliste d’investigation ou un journaliste tout court, d’être présent sur les réseaux sociaux, s’il veut être pris au sérieux ?
On a beaucoup disserté sur ce sujet lorsque celui concernant la Ligue du LOL a surgi, mais en France, de plus en plus de journalistes ont décidé de fermer leurs comptes de réseaux sociaux « officiels » ou de n’en servir qu’à des fins de promotion. Pour les partisans de cet isolement numérique, les réseaux sociaux sont devenus trop anxiogènes, trop négatifs, donnent un point de vue parfaitement biaisé et ne permettent pas un débat apaisé et objectif. Devenus sources de tension, ils ne sont plus un outil d’aide professionnelle, mais une source de conflits permanents. Cela est assez bien décrit dans le quatrième tome de Millenium, car la rumeur en ligne joue un rôle très intéressant.
Une ferme et une reine
C’est justement en enquêtant sur une ferme de trolls que Lisbeth va poursuivre ses recherches et trouver son alter ego. Personnage peu utilisé dans la première partie de Millenium — elle n’est mentionnée qu’une seule fois dans la troisième tome — la sœur jumelle de Lisbeth va devenir l’élément central des tomes 4, 5 et 6.
Camilla est l’opposée de Lisbeth : elle est décrite comme extrêmement belle, magnétique, donnant une impression de fragilité alors que Lisbeth incarne réellement la force et la puissance. En dehors de leur intelligence hors-normes — qui s’exprime de façon très différente — elles ont en commun un certain charisme. Lisbeth va s’en servir pour de bonnes actions, mais Camilla a des intérêts plus matériels et plus pragmatiques.
C’est au milieu d’une quête de destruction mutuelle que va surgir un troisième élément, une sorte de facteur Yoko qui va faire basculer la rédaction de Millenium, Lisbeth, Camilla, mais également les agences de sécurité.
Effet Snowden
Ce qui ne me tue pas est paru en 2015. On peut raisonnablement supposer que Lagercrantz s’est inspiré de l’actualité autour des agences de sécurité et de renseignement pour donner une trame de fond à Millenium. En l’espèce, on parle de cryptographie, mais aussi d’écoutes de communication et comme les choses doivent devenir amusantes, de la NSA.
On sent que l’auteur a pris un certain plaisir à imaginer la panique que pouvait créer dans les services américains, une intrusion dans leur système et poursuivant son délire assez délicieux, ce que donnerait un agent qui déciderait de n’en faire qu’à sa tête.
Au milieu de tout cela, la clef se trouve être un homme, qui a des capacités intellectuelles supérieures aux autres, mais dont les aptitudes sociales sont quelque peu diminuées. Frappé par une crise de conscience, comme il semble en avoir une tous les vingt ans, il rend son tablier et décide de faire ce qu’on est en droit d’attendre d’un adulte. Malheureusement pour lui, ce sera trop tard, mais heureusement pour son fils, il croisera la route de Lisbeth.
Pari réussi
C’est peu dire que la poursuite de la saga Millenium a été agitée. La veuve de Larsson n’a pas vu d’un bon œil qu’un autre auteur puisse prendre la relève de son conjoint et elle n’a pas eu de mots assez durs envers Lagercrantz et sa maison d’édition.
Certains fans ont eu peur d’être déçus, de perdre ce qui faisait l’âme de Millenium. C’est tout le contraire : Lagercrantz est un digne héritier de Larsson, car il a gardé l’essentiel des personnages, mais les a modernisés, les a adaptés au monde dans lequel ils évoluent.
Que les fans se rassurent : Lisbeth continue à casser les systèmes de sécurité, à discuter sur IRC avec Plague et la bande d’Hackers Republic, mais le spectre de l’extrême-droite et de la SÄPO devait laisser la place à des entités plus réelles, plus actuelles notamment la question de la déstabilisation des marchés financiers par des fermes de trolls. Non pas que l’extrême-droite ne soit plus un danger, mais ce combat était celui de Larsson et pas celui de Lagercrantz.
Le décor est posé, les acteurs sont présentés, la confrontation finale doit avoir lieu.
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