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Millenium 2 : jouer avec le feu


Millenium 2 : jouer avec le feu

Tout aurait pu s’arrêter au premier volet, car l’histoire était belle : Lisbeth avait réussi à mettre la main sur l’argent de Wennerström, Blomkvist avait sauvé son journal et tout allait bien dans le meilleur des mondes.

Pourquoi revenir ?

Lisbeth a fichu le camp. Presque libre et fortunée, elle parcourt la planète, sans attache, sans contrainte, mais elle finit par revenir en Suède. On se demande pourquoi même si on comprend, car, on a tous rêvé de faire comme elle : tout plaquer pour vivre sa vie, faire uniquement ce qu’on a envie de faire. Combien de lecteurs ont dû se dire « à sa place, je ne serai pas revenu », mais combien l’auraient réellement fait ?

Qu’elle le veuille ou non, Lisbeth revient parce qu’elle a des attaches. Elles sont encombrantes, elles sont contre nature à ses yeux, mais l’auteur opère une métamorphose de son héroïne, aussi bien mentale que physique — transformation physique qui n’apparaît pas dans la trilogie cinématographique. Elle découvre que des gens s’inquiètent sincèrement pour elles, tiennent à elle et sont peinés qu’elle ait disparu, du jour au lendemain sans laisser de traces.

Son talent pour la dissimulation lui aurait amplement permis de rester loin de Stockholm, tout en surveillant ses intérêts. Son retour va déclencher une série de réactions en chaîne, dont une partie n’aurait pas pu se produire sans sa présence physique, ce qui est assez ironique. Une héroïne que les gens ne remarquent que parce qu’elle a choisi un look particulier, arrive à revenir, sans se faire remarquer et à se fondre dans la masse pendant l’intégralité du roman.

Disparaître au royaume des fichiers

On le sait peu en France, mais la Suède est l’un des premiers États à avoir mis en place une surveillance assez solide des communications électromagnétiques, avec son autorité administrative dédiée : le FRA. En plus de cette administration, un certain nombre de données personnelles sont disponibles en ligne : identité des propriétaires de voitures via le fichier des immatriculations, déclarations de revenus, adresse personnelle, etc. C’est d’ailleurs pour cette raison que Larsson et Gabrielsson ne se sont jamais mariés. En effet, leur mariage rendait automatiquement leur adresse personnelle publique et Larsson était visé par des groupuscules d’extrême-droite.

Ajoutons à cet environnement très ouvert l’inévitable présence des caméras de surveillance et admettons qu’il est particulièrement difficile de disparaître en Suède. C’est pourtant le tour de force que va réussir Lisbeth. Au moment de son « casse » chez Wennerström, elle avait pris soin de créer un montage administratif assez complexe ainsi que de nouvelles identités. Par ailleurs, qui prête attention à une jeune femme, qui fait 10 ans de moins, portant un jean, des bottes et un sweat à capuche quand il neige ? L’art d’être invisible dans le monde réel consiste à être le plus banal possible.

Sur le Net et c’est l’autre grande force de Lisbeth, c’est de surveiller sans se faire remarquer, mais surtout, sans que les autres ne comprennent comment elle fait pour savoir ce qu’ils font à chaque instant. L’exception à la règle est évidemment Blomkvist et c’est à l’insu de la première qu’elle se retrouver à renouer avec le second.

Une ombre

Dans toute la saga, c’est l’histoire familiale de Lisbeth qui est déclinée, mais également l’Histoire récente de la Suède et certaines de ses turpitudes. Ils ne seront réellement analysés et décortiqués que dans le troisième volet, mais on comprend qu’un certain nombre d’évènements, dont l’internement en asile psychiatrique de Lisbeth n’ont pu avoir lieu qu’en raison du laisser-faire de l’Administration et de l’État.

L’attitude de Lisbeth vis-à-vis de l’autorité est parfaitement normale : personne ne l’a jamais écoutée, alors pourquoi devrait-elle — arrivée à l’âge adulte — faire confiance à la police, la justice et aux médecins ? Si le premier volet était axé sur les violences faites aux femmes et aux enfants, le deuxième continue dans cette critique avec l’assassinat de deux personnes, qui enquêtaient sur le trafic de femmes. Alors que la Suède est l’un des États européens les plus répressifs concernant la prostitution, le trafic de femmes ne s’y est jamais aussi bien porté.

Lisbeth n’est pas dans une posture contestataire même s’il est facile d’en faire une représentation et une icône en raison de ses capacités techniques. Elle ne donne jamais le premier coup, elle ne fait que répliquer. En face d’elle, il existe des personnes socialement puissantes, mais techniquement stupides, qui lui permettent d’arriver à ses fins. Ici, nous avons une parfaite illustration de la sécurité informatique : l’interface chaise-clavier est toujours le maillon le plus faible. Blomkvist le découvre également en s’appuyant sur la cupidité d’un des protagonistes pour obtenir les informations qu’il souhaite. Finalement, tout est une question de bluff : la cible doit se sentir en sécurité, penser que personne ne la voit agir ou ne connaît ses actes. Ce n’est que lorsque l’autre relâche son attention que l’on peut obtenir ce que l’on souhaite et en particulier, des informations.

Le deuxième volet ne pouvait que se terminer dans un bain de sang, mais ce ne sera pas le dernier de la saga.

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