Après le rejet par le Sénat d’un de ses principaux éléments, le délit de non-retrait de contenus «manifestement illicites», la proposition de loi Avia «de lutte contre la haine sur Internet» repasse devant l’Assemblée nationale mardi 21 janvier.
Mise en garde – Image / licence: Pixabay
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Un texte qui tend à “renforcer une situation d’oligopole”
C’est pourquoi cette semaine, douze organisations ont adressé aux députés une lettre commune pour expliquer leur opposition:
l’Association des Avocats Conseils d’Entreprises,
Change.org,
le Conseil National des Barreaux,
la Fondation Internet Nouvelle Génération,
Internet Sans Frontières,
Internet Society France,
la Ligue des Droits de l’Homme,
Renaissance Numérique,
le Syndicat des Avocats de France,
et Wikimédia France.
Les signataires estiment que le texte «tend à renforcer une situation d’oligopole dans laquelle nous nous trouvons déjà, par un encouragement à l’usage de solutions détenues par les acteurs aux ressources les plus grandes».
Incitation à la surcensure
Et ils concentrent leur critique justement sur ce qui oppose députés et sénateurs:
«En contournant les prérogatives du juge judiciaire, l’obligation de retrait des contenus haineux par les opérateurs de plateformes dans un délai de 24 heures porte atteinte aux garanties qui nous permettent aujourd’hui de préserver l’équilibre de nos droits et libertés fondamentaux. Au regard des dispositions du texte, les opérateurs de plateformes seront incités à opter pour de la surcensure afin d’éviter d’être sanctionnés. À ce titre, nous nous inquiétons du rôle confié à des dispositifs technologiques de filtrage automatisés, qui font encore preuve de limites techniques profondes dans leur capacité à modérer, y compris parmi ceux les plus avancés. Ces limites sont d’autant plus prégnantes en ce qui concerne les contenus haineux dont la caractérisation juridique est souvent complexe. Or, le texte porte une acception particulièrement large de ces derniers.»
Un écho avec la critique du Sénat, où le rapporteur de la commission des lois, Christophe-André Frassa, a justifié l’opposition des sénateurs membres de la commission mixte paritaire en ces termes:
«Notre principale divergence avec les députés concerne l’article 1er, qui crée un délit de « non retrait » en 24 heures des contenus haineux. Ce dispositif est juridiquement inabouti, contraire au droit européen et déséquilibré au détriment de la liberté d’expression.»
Pour autant, les 12 organisations signataires de la lettre commune relèvent qu’il faut «considérer avec gravité le phénomène de propagation des contenus haineux en ligne».
Adéquation avec le droit européen
Et elles appellent à une cohérence franco-européenne:
«(…) alors que la France entend jouer un rôle majeur dans la politique numérique future de l’Union européenne, il est essentiel que la proposition visant à lutter contre la haine en ligne puisse se faire en adéquation avec le droit européen, au risque sinon de fragiliser nos dispositifs juridiques ainsi que de fragmenter toujours plus la stratégie numérique pour l’Europe et de mettre à mal son efficience. L’Union européenne se doit de rester au premier rang de la défense de nos valeurs fondamentales dans le champ numérique, et la France se doit d’en demeurer le porte-voix.»
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