C’est peu dire que le réveil tardif de Christophe Castaner n’a pas été du goût de tous les syndicats de police. Lundi après-midi, la métaphore du ministre de l’Intérieur – «On ne fait pas de croche-pied à l’éthique» (lire ci-contre) – a été interprétée comme un «lâchage» par Linda Kebbab, déléguée nationale d’Unité SGP police FO, le syndicat majoritaire. «On aurait aimé, lors de ses vœux, que le ministre pense aux policiers qui ont assuré la pérennité de ce gouvernement, fulmine-t-elle. Mais il préfère s’offrir un répit médiatique avant la campagne des municipales.» Même amertume chez Frédéric Lagache, délégué général d’Alliance, qui dénonce un «changement de cap subit». Après les déclarations d’Emmanuel Macron, venu enfoncer le clou mardi – «J’attends de nos policiers et de nos gendarmes la plus grande déontologie» -, ce dernier soupçonne fortement que «le président de la République ait demandé à Christophe Castaner de changer son fusil d’épaule pour des raisons politiques».
Les syndicats sont d’autant plus en colère que lundi, trois policiers sont morts dans l’exercice de leurs fonctions : «Tout ce que le ministre trouve à faire, c’est un jeu de mots, alors qu’on est en deuil, tempête Linda Kebbab. Deux collègues se sont suicidés [à Rennes et à Saint-Nazaire, ndlr], et un troisième est mort après avoir été percuté comme un chien, il n’y a pas d’autre mot [par un fourgon, à Lyon, dans la nuit de vendredi à samedi].» Certes, tous les syndicats ne nient pas la possibilité d’actes répréhensibles de la part des forces de l’ordre : «Le maintien de l’ordre n’est pas une science exacte», admet Philippe Capon, le secrétaire général de l’Unsa police. Mais il faut reconnaître, dit-il, que «les policiers sont suremployés depuis un an de mobilisations». Et «quoi qu’on en dise, les sanctions existent». Pour le responsable syndical, le président de la République «pointe du doigt l’ensemble des policiers» : «La population fera l’amalgame et pensera que la police fait mal son travail.»
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A Paris, le 2 octobre 2019. Photo Albert Facelly pour Libération
Le «lâchage» des policiers est d’autant plus injuste aux yeux des syndicats que c’est le gouvernement lui-même, font-ils valoir, qui est responsable de nombre des violences. «Ça fait des années qu’on demande aux chefs de l’Etat l’exemplarité dans les sanctions judiciaires contre ceux qui attaquent les policiers», dénonce Frédéric Lagache. Pour le délégué général d’Alliance, «il ne faut pas s’étonner que plus personne n’ait peur de la police et qu’on aille à l’affrontement». «Arrêtez de nous renvoyer la balle, fustige à son tour Philippe Capon, de l’Unsa. Ça fait depuis mai qu’on nous promet un nouveau schéma national du maintien de l’ordre, et on est en janvier.» Pour les deux syndicalistes, le gouvernement se défausse un peu vite de sa responsabilité.
Le secrétaire général du Syndicat des commissaires de la police nationale (SCPN), David Le Bars, est le plus indulgent à l’égard de Christophe Castaner, qu’il juge «dans son rôle quand il rappelle les règles». «Si certains gestes posent problème, pourquoi le ministre ne prendrait-il pas des mesures administratives contre les agents en cause ?» Sans se dispenser, malgré tout, de tacler un peu le premier flic de France : «Il aurait pu le faire il y a six mois, quand un policier a été pris en train de boxer un manifestant…» Nicolas Massol
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