Ce vendredi 17 janvier, plusieurs dizaines de militants se sont rassemblés par surprise devant le théâtre des Bouffes du Nord, dans le 10e arrondissement de Paris. À l’intérieur, Emmanuel Macron assistait avec sa femme à une représentation de La Mouche, une pièce de Valérie Lesort et Christian Hecq.
Le militant et journaliste Taha Bouhafs, qui avait tweeté sur la présence du chef de l’État, a été interpellé puis placé en garde à vue.
Comment les militants sont-ils arrivés là ?
Le premier tweet mettant en avant le fait que le président de la République assistait à la pièce est celui du compte Comité de grève du 12e arr de Paris. «Macron vient d’entrer au théâtre des Bouffes du Nord pour assister à un spectacle ! Il se moque de nous ! SOYONS TOUTES ET TOUS DEVANT dès maintenant pour l’accueillir comme il se doit» postait ainsi le compte à 20h46. Le tweet a depuis été supprimé, et le compte passé en privé.
Une dizaine de minutes plus tard, c’était le journaliste et militant Taha Bouhafs qui informait ses 35.200 abonnés que le président était à trois rangs devant lui. «Des militants sont quelque part dans le coin et appelle tout le monde à rappliquer», précisait-il. S’ensuit un tweet dans lequel il demande à ses abonnés s’il doit faire «une George Bush avec [sa] air force one». Comprendre : doit-il jeter sa chaussure sur le président, comme l’avait fait le journaliste irakien Mountazer al-Zaïdi en décembre 2008 à Bagdad ? Avant de préciser: «Je plaisante […] la sécu me regarde bizarre là.»
«On était à l’université Paris 7 pour une université populaire, quelqu’un a reçu un message indiquant que Macron était là, donc on est venus pour montrer qu’on est présents, qu’il y a une contestation contre la réforme des retraites mais pas seulement», a quant à lui expliqué Arthur Knight, l’un des manifestants, interrogé par l’AFP.
Que s’est-il passé ?
Rapidement après la diffusion des tweets annonçant la présence du chef d’État, quelques manifestants sont arrivés devant le théâtre du 10e arrondissement. À 22h, le journaliste de Brut Hugo Coignard postait sur Twitter une vidéo montrant des militants patienter devant le théâtre. «Et on ira jusqu’au retrait», scandent-ils. Ils sont quelques dizaines.
À 22h19, le journaliste indiquait qu’une charge des CRS venait d’avoir lieu, et que les manifestants ont «un peu été éloignés de l’entrée». C’est à ce moment que court la rumeur d’une exfiltration d’Emmanuel Macron, démentie plus tard par son entourage qui affirme que le président a seulement été «sécurisé» pendant quelques minutes avant de retourner voir la pièce jusqu’au bout.
Peu de temps après, des journalistes sur place indiquaient que leur confrère Taha Bouhafs avait été arrêté et emmené au commissariat du 5e arrondissement.
«Malgré nos efforts, des personnes ont réussi à ouvrir une des portes donnant à la salle perturbant ainsi la pièce de théâtre», est-il inscrit dans le rapport d’intervention de police, selon le journaliste de LCI William Molinié. Le rapport précise ensuite qu’agents du GSPR (Groupe de sécurité de la présidence de la République) et policiers ont fait usage de la force pour faire sortir les manifestants.
Pourquoi Taha Bouhafs, à l’origine du second tweet, a-t-il été arrêté ?
Après avoir tweeté sur la chaussure reçue par George W. Bush, le journaliste de Là-bas si j’y suis a arrêté de donner des nouvelles via le réseau social. La journaliste de Radio parleur Violette Voldoire, alors à l’extérieur, a affirmé peu avant 23h que Taha Bouhafs avait été interpellé pour «organisation d’une manifestation non déclarée».
Il a ensuite été placé en garde à vue pour «participation à un groupement formé en vue de commettre des violences ou des dégradations», précisait l’AFP samedi matin.
Selon David Dufresne, joint par Le Figaro, Taha Bouhafs était toujours en garde à vue ce samedi midi, assisté de son avocat Me Arié Alimi.
Depuis, plusieurs politiques et associations ont demandé à ce que le jeune homme de 22 ans soit libéré. Parmi eux : Attac, la SNJ-CGT, la CGT-La Marseillaise ou encore la député France Insoumise Danièle Obono. Un rassemblement initialement prévu devant le commissariat ce samedi a été annulé «pour la sécurité de Taha Bouhafs».
Selon le journaliste NnoMan, «la fin de la GAV [garde à vue] de Taha Bouhafs» était «en cours» ce samedi peu avant 18h. Il devrait être déféré au parquet.
Quel était le dispositif de sécurité entourant le président ?
Le déplacement du président n’était pas inscrit à l’agenda officiel : il s’agissait donc d’un déplacement privé. Des déplacements toujours sécurisés par des agents du GSPR. Ce sont eux qui sont intervenus aux côtés des policiers pour faire sortir les manifestants.
Alors que depuis un an le président semblait restreindre les sorties d’ordre privé – le cortège présidentiel avait été suivi par des «gilets jaunes» en décembre 2018 -, il avait expliqué au Figaro en décembre 2019 multiplier les escapades dans Paris. «En improvisant parfois, j’essaie de casser la sorte de chape de sécurité qui nous entoure», confiait-il au Figaro Magazine.
Après l’épisode des Bouffes du Nord, son entourage a certifié qu’il «continuera à se rendre à des représentations théâtrales comme il en a l’habitude. Il veillera à défendre la liberté de création, afin qu’elle ne soit pas perturbée par des actions politiques violentes.»
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