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Les enfants qui regardent un écran le matin ont trois fois plus de risque de développer des troubles

Illustration d’un enfant sur un écran. — Pixabay



  1. Le Bulletin épidémiologique hebdomadaire se penche ce mardi sur les enfants de 3 à 6 ans et leur rapport aux écrans.

  2. Cette étude de cas-témoins en Bretagne avance l’idée que les marmots qui consomment des écrans (télévision, tablette, smartphone, ordinateur…) le matin, sans en parler avec leurs parents, ont six fois plus de risques d’avoir des troubles du langage.

  3. Si les dangers des écrans sur les cerveaux en construction sont de plus en plus étudiés, peu d’études se penchent sur les conséquences selon les contenus.

Depuis quelques années, le débat fait rage sur les écrans. Certains médecins alertent concernant les effets néfastes, sur la santé et l’apprentissage des plus petits, de ces objets omniprésents et bien pratiques (souvent utilisés comme baby-sitter gratuit). L’ Organisation mondiale de la Santé a ainsi publié, en avril 2019, un communiqué recommandant d’éviter tous les écrans pour les enfants d’1 an, et de les limiter pour les plus grands.

Et si pour certains, il semble évident qu’ils grignotent le cerveau des enfants, pour d’autres, rien n’est pour l’instant scientifiquement prouvé. Voilà pourquoi l’étude publiée ce mardi par Santé Publique France pourrait intéresser plus d’un parent. En effet, elle se penche sur les liens entre exposition aux écrans et troubles du langage.

Les écrans multiplieraient les risques de troubles du langage par trois

Cette enquête se base sur l’observation de 276 enfants entre 3,5 et 6,5 ans en Ille-et-Villaine (Bretagne). Parmi eux, 167 ont été diagnostiqués avec des troubles primaires du langage (dysphasie, bégaiement, manque de vocabulaire… non liés à une maladie ou une surdité) et 109 témoins ne présentent aucun retard. Les parents ont détaillé la consommation d’écrans de leur progéniture et les troubles du langage. « Au cours d’une semaine scolaire classique, 44,3 % des cas [enfants diagnostiqués] et 22 % des témoins [enfants non diagnostiqués] étaient exposés aux écrans le matin avant l’école. Dans les deux groupes, ils étaient seuls face à l’écran 40 % du temps », précise le Bulletin épidémiologique hebdomadaire.

« Cette étude de cas-témoins montre qu’un enfant qui est exposé aux écrans le matin serait trois fois plus à risque de développer des troubles du langage, souligne Manon Collet, généraliste et co-autrice du dossier. Et pour celui qui, en plus, ne parlerait pas avec ses parents après avoir consommé des écrans, le risque serait six fois supérieur. » Pourquoi utiliser le conditionnel ? Parce que si des liens sont dévoilés, il n’y a pas une relation de causalité. Pour cela, il faudrait comparer l’acquisition du langage chez des enfants exposés aux écrans et d’autres totalement épargnés de la naissance jusqu’à leurs 6 ans. Pas évident.

Hypervigilance et épuisement

Comment expliquer ces conclusions, surtout quand certains jeux ou programmes promettent aux parents que leurs enfants deviendront bilingues en anglais en quelques clics ? « Pour intégrer, le cerveau a besoin d’un apprentissage répété dans le temps, intensif et qui demande des efforts », insiste Grégoire Borst, professeur de psychologie du développement à l’Université Paris Descartes et directeur du LaPsyDÉ (CNRS). Par ailleurs, « l’exposition le matin va épuiser la concentration de l’enfant, moins apte aux acquisitions, renchérit Manon Collet, sans pour autant pouvoir affirmer que regarder la télé en soirée serait moins grave. Il va répondre de façon réflexe à ce stimulus très important, qui n’a rien à voir avec l’attention volontaire face à un instituteur. L’adulte est capable de contrôler ce réflexe, pas le tout-petit, il est absorbé, en hypervigilance, excité. » Avant même l’entrée en classe, cet élève de maternelle qui a regardé un programme a donc une capacité de concentration proche de zéro…

Troisième piste : on l’a dit, près d’un enfant sur deux regarde seul. Or, pour apprendre, il a besoin d’interaction et d’attention conjointe (qu’une personne lui montre un objet – par exemple un piano – en l’associant au mot). « Peut-être que le problème n’est pas l’écran, mais le manque d’interaction avec les parents », nuance ainsi Grégoire Borst.

L’accompagnement aux écrans

D’autres études avaient déjà alerté sur ces dangers. Elles insistaient sur deux points importants : plus les petits consomment tôt et longtemps des écrans, plus ils auraient du mal à acquérir du vocabulaire. « Mais la plupart de ces études sont américaines, reprend la médecin. On pourrait donc se dire que notre mode de vie est différent. Or, cette étude française, représentative de notre société, présente des résultats similaires [même si la durée et l’âge de l’exposition n’étaient pas les éléments étudiés]. Ce qui change, c’est qu’on s’intéresse au moment d’exposition, mais aussi à l’accompagnement à l’écran », insiste-t-elle.

Regarder ou jouer avec l’enfant, ou à défaut débriefer avec lui, semble donc primordial. « C’est important de voir ce qu’il a compris et de restituer, assure Manon Collet. Mais aussi de vérifier que le contenu est approprié à son âge et à sa personnalité. J’ai reçu en consultation un enfant de 6 ans perturbé par un dessin animé avec des pompiers, pourtant adapté. Mais il était choqué par une maison en feu. »

La question du contenu

Autre nuance de taille : en général, les études précédentes s’intéressaient aux effets de la télévision. Or, aujourd’hui, la prolifération des tablettes, smartphones et ordinateurs n’épargne pas les yeux de tous petits. Sauf que regarder des heures des clips n’a rien à voir avec suivre un programme pédagogique. « Il semble absurde de se poser la question de l’exposition aux écrans en général, car cela dépend du contenu, tranche Grégoire Borst. Si un programme télévisuel est particulièrement riche, il n’est pas impossible qu’il ait des effets positifs sur le langage. Un essai randomisé dévoilait ainsi que les enfants gagnaient en vocabulaire en regardant Dora l’exploratrice. »

Pour le professeur de psychologie du développement comme pour Manon Collet, il serait intéressant d’affiner ces recherches pour différencier les usages. « La difficulté, aujourd’hui, c’est qu’on n’a pas les données pour dire si les écrans sont bons ou mauvais, assure Grégoire Borst. Il est très probable que cela dépende du type du contenu et de la façon dont on l’aborde. Une étude récente montrait qu’un des facteurs les plus explicatifs des inégalités dans la réussite scolaire, c’est la “pédagogisation de la vie quotidienne” : “tu as vu un programme, lu tel livre, je te pose des questions, et cela devient une situation d’apprentissage”. » Alors plutôt que de prôner le zéro écran, il opte pour l’idée suivante : « Les écrans sont là, mais on peut éviter de laisser les enfants seuls devant, choisir un bon programme et échanger ensuite avec eux ».

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