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Le déclin de l’empire TV français

6 minutes de perdues en 2019

6 minutes dans une journée c’est rien, mais en ce qui concerne la durée d’écoute de la TV, c’est énorme. C’est d’autant plus important que les chiffres 2019 de Médiamétrie vient confirmer la tendance de la courbe : chaque année, la durée d’écoute par individu de la télévision sur le téléviseur perd du terrain. Et ce ne sont pas les 10 minutes ajoutées par la nouvelle mesure de la durée d’écoute globale de la télévision (tous écrans, en live, en différé et en catch up, au domicile, chez un proche, en vacances etc…) qui devrait rassurer les patrons de chaînes.

La télévision, malgré ses 27 chaînes de la TNT, n’est plus sur une dynamique de croissance. Elle est entrée depuis 2012 dans une phase de lent déclin qui se confirme d’année en année.

Pour se rassurer, chaque groupe additionne les audiences de ses chaînes TNT, mais ça c’est de la bidouille pour convaincre les annonceurs que le média TV reste le plus puissant et le plus efficace des médias, ce qui est vrai. Car le principal concurrent actuel de la TV ne vend pas d’espace publicitaire. Par contre il grappille chaque année de précieuses minutes d’écoute à la télévision linéaire. Cet ennemi c’est bien entendu la SVOD qui est en train de contester le pouvoir de l’empire télévisuel sur le public : Netflix et Amazon depuis quelques années, AppleTV+ depuis quelques semaines, Disney+ très prochainement.

Quand le CNC estime que Netflix est la 5ème chaîne française en part d’audience, quand l’ARCEP nous apprend que Netflix occupe près de 25% de la bande passante d’internet (chiffres pour fin 2018), quand on sait que la firme de Los Gatos a sans doute 6,5 millions d’abonnés en France et que les recettes de la SVOD France dépasseront 800 millions d’euros en 2019, on comprend que la bonne vieille et fidèle télévision a du souci à se faire.

Toutes les tranches d’âge touchées

Pour se rassurer les chaînes aiment à souligner que les cibles publicitaires résistent à la tentation du 100% SVOD. La télévision maintient son leadership sociétal et rassembleur grâce à sa simplicité d’utilisation, grâce à la pluralité de son offre, grâce à la qualité globale de sa programmation qui sait réunir des millions de téléspectateurs avec certains programmes événementiels. Et quand on parle de cibles publicitaires, on pense en priorité à la femme responsable des achats de moins de 50 ans. C’est elle qui redonne le sourire aux régies le matin à 9h00 lorsqu’ils découvrent les audiences de la veille. Et bien cette année, cette cible si importante pour garantir le chiffre d’affaires des chaînes a fait quelques infidélités à la télévision traditionnelle puisque la durée d’écoute des femmes RDA de moins de 50 ans a perdu 14 minutes à 3h08 d’écoute individuelle par jour.

Les jeunes sont aussi en train de déserter progressivement la télévision : 13 minutes de moins en 2019 pour une durée d’écoute de 1h43 chez les 15-34 ans. Les 4-14 ans, qui ont la durée d’écoute la plus faible (1h28) perdent aussi 11 minutes.

Seul pôle de résistance, les séniors, enfin, les individus de plus de 50 ans qui passent encore 5h12 devant la télévision par jour, soit une minute de moins qu’en 2018. « Papy et mamie » font donc de la résistance, pour le plus grand bonheur des média planneurs et des régies, car cette cible reste essentielle du point de vue publicitaire.

TF1 sous la barre des 20% de part d’audience

Dans ce contexte de baisse globale de la durée d’écoute, le leader est logiquement plus exposé. TF1 passe donc sous la barre des 20% de part d’audience à 19,5%, avec un écart (5,6 points) qui se réduit face à France 2 qui elle, progresse de 0,4 points à 13,9% de pda. M6 passe sous la barre des 9% à 8,9% de pda. Plus généralement, les variations de pda sont concentrées de -0,2 à +0,3, traduisant un marché atone et sans grand relief. Arte gagne 0,2 points à 2,6 % de pda tandis que BFMTV en perd 0,3 à 2,3 % de pda.

Tout le monde a gagné, vraiment ?

Ce qui est étonnant avec ce bilan annuel, c’est de voir que les chaînes continuent à faire semblant de croire que le marché n’a pas changé. Et crient victoire à grand coup de communiqués de presse. Exemples pour 2019 :


  1. TF1 : « la stratégie multi-chaînes et multi-écrans permet au groupe TF1 de confirmer un leadership à très haut niveau sur les publics clés.»

  2. France Télévisions : « France Télévisions sur la plus haute marche du podium ; le groupe leader accroît l’écart avec son principal concurrent.»

Le Replay, seule arme face à la SVOD

Pour contrer la SVOD, et en attendant la riposte de Salto, les chaînes disposent d’une arme qui leur sauve partiellement la mise. En effet, depuis que le replay vient compléter les audiences live, ça permet aux chaînes de colmater des audiences live souvent décevantes. Mais le replay plait aux téléspectateurs : gratuit, accessible sur les box et via des applications. Souvent de mauvaise qualité (SD), il se rattrape en offrant justement la possibilité de rattraper un programme.

Les chiffres sont là pour le prouver : TF1 annonce une année record à 1,78 milliard de vidéos vues, soit une croissance de 24% en un an, avec 8 des meilleures audiences à mettre à l’actif de la chaînes dirigée par Gilles Pelisson dont le Bazar de la Charité (+1.44 million de téléspectateurs), Koh Lanta (+1. 09 million de téléspectateurs) et Manifest (+1.46 million de téléspectateurs). De l’autre côté de la Seine, France Télévisions avec plus de 100 millions de vidéos vues chaque mois, donc plus de 1,2 milliard de vidéos vues en 2019, en hausse de 25% par rapport à 2018. Reste à savoir si les chaînes ont enfin réussi à monétiser correctement le replay et si les perspectives de faire de la publicité adressée grâce au replay et en partenariat avec les FAI permettra de consolider les recettes publicitaires.

2020 inaugure la nouvelle ère de l’audiovisuel : nouvelle réglementation, nouvelles concurrences, accélération du poids de la SVOD, évolution des habitudes de consommation.

« Là où il n’y a plus d’amélioration possible, le déclin est proche. » Senèque – Consolations

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