L’année 2019 pourrait bien se terminer sur une croissance du marché vidéo proche de 20%, du jamais vu depuis bien longtemps. Avec des recettes qui dépasseraient 1,33 milliard d’euros, le marché vidéo retrouve une solide dynamique après avoir atteint son plus bas historique en 2016 à 961 millions d’euros. Mais cette reprise de la croissance cache deux réalités qui redistribuent les cartes du secteur : celle de l’édition physique qui n’en finit pas de s’affaisser et celle de l’édition numérique qui a le vent en poupe, tirée par les GAFAN.
La vidéo physique continue de perdre du terrain
En affichant un repli de 12,1% sur les neuf premiers mois de l’année, les ventes de DVD et de Blu-ray atteignent 257,81 millions d’euros. Les recettes du DVD reculent de 14% à 179,64 millions d’euros et celles du Blu-ray de 7,3% à 78,17 millions d’euros bien que le prix des nouveautés soit à la hausse – 18,71 euros pour le DVD (+0,9%) et 21,97 euros pour le Blu-ray (+2,2%).
Le cinéma est toujours la locomotive des ventes de produits physiques : 176,77 millions d’euros de recettes et 68,6% des recettes totales, en repli de 9,3% par rapport à 2018. Quant au cinéma français, il affiche un repli de 14% à 36,14 millions d’euros. Les ventes de films américains s’en sortent pas si mal, malgré tout en baisse de 2,9 % à 115,11 millions d’euros entre janvier et septembre 2019. La part de marché des films américains progresse à 65,1 % (60,8 % en 2018).
A ce rythme et selon nos estimations, le marché domestique de la vidéo physique devrait finir l’année 2019 autour de 400 millions d’euros de recettes, soit son plus bas niveau historique depuis l’apparition du DVD en 1998. Entre 2014 et 2019, les ventes de DVD et de Blu-ray ont été divisées par deux. Ce qui ne veut pas dire que le marché physique disparaîtra complètement en 2020, mais il sera concentré sur quelques dizaines de blockbusters, sur les films de patrimoine (qui pèsent 31% des ventes de films depuis 10 ans selon une récente étude du CNC) et des coffrets collector de films et de séries très appréciés du grand public. Cette forte compression du marché met en difficultés de nombreux éditeurs qui ne trouvent plus le potentiel suffisant à une exploitation physique sur le marché et de ce fait doivent renoncer à des recettes vitales, complémentaires de celles de la salle et des ventes TV, ce qui met inévitablement en péril leur modèle économique.
Source : étude CNC présentée lors du MIFC (Festival Lumière) – Lyon 2019 – D.R.
La SVOD, moteur de la croissance du marché
Les ventes vidéo numériques, englobant la SVOD, la TVOD et l’EST, affichent une croissance très importante, puisque selon nos estimations basées sur le dernier baromètre du CNC, elles se situeraient autour de 933 millions d’euros à fin 2019. Cette croissance de 39% est dans le rythme de celle de 2018 qui était de 38%. A fin août, le baromètre du CNC indiquait que le marché SVOD progressait de 67%, celui de l’EST de 22% et celui de la TVOD se repliait de 24%. Ce qui donnerait une année 2019 à hauteur de 720 millions d’euros pour la SVOD, 110 millions pour la TVOD et 103 millions d’euros pour l’EST, au coude à coude avec la VOD locative. Ces estimations indiquent clairement que la SVOD a pris le pouvoir en matière de divertissement à domicile. Pour certains professionnels, la SVOD devrait être comptabilisé dans le marché de la télévision payante (Canal+, OCS et chaînes payantes), mais du point de vue du consommateur, la SVOD est de la vidéo à la demande, non linéaire et surtout sans diffusion de flux live. Cette frontière est encore devenue plus floue depuis quelques jours puisque Canal+ intègre Netflix dans son offre d’abonnement de Pay TV.
Ceci étant dit, avec un chiffre d’affaires 2019 qui dépassera 700 millions d’euros, la SVOD s’impose comme le divertissement préféré des Français. Le hic, c’est que la plateforme qui tire le marché, c’est Netflix avec ses bientôt 6,5 millions d’abonnés, c’est-à-dire un acteur qui s’est tenu à l’écart du système mis en place par le régulateur en termes de quotas d’exposition des œuvres françaises et européennes et en termes de contribution au financement de la création. Ce que devraient corriger la loi de Finances 2020 et la transposition de la Directive européenne SMA. Pourtant on a bien des services locaux, proposant des offres très intéressantes, mais qui n’ont pas les moyens des streamers mondiaux. Que ce soit Filmo TV, ADN, Canal+Séries, TFouMax, GulliMax, La Cinetek, Outbuster, chacun contribue à la richesse de l’offre et à son dynamisme, mais malheureusement sans pouvoir rivaliser frontalement avec Netflix et Amazon Prime Video. Avec les lancements prévus en 2020 de AppleTV+, Disney+, HBOMax, Peacock, on peut sans trop se tromper anticiper le fait que le marché de la SVOD atteindra le milliard d’euros de recettes dans un avenir très proche. Et puis il y aura aussi Salto qui devrait ajouter une ligne à la liste des plateformes. Ce qui confirme que le redressement du marché vidéo se fait principalement grâce à la puissance de la SVOD.
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