Parfois on se demande si les éditeurs de presse vivent sur la même planète que le reste du monde. Ou en tout cas s’ils ont seulement acquis les principes de base d’internet.
Des éditeurs de presse (généralement toujours le même bataillon regroupant une pognée de médias de l’ancien temps à la gloire passée mais toujours gavés aux subventions de l’état, gage de leur survie) ont bataillé ferme et déployé tout leur talent en lobbying pour faire passer une directive européenne, puis française, contraignant Google et autres plateformes à payer pour les extraits d’articles qu’elles publient sur leurs sites.
Concrètement, c’était un peu Facebook, mais surtout Google, via son moteur de recherche et Google Actualité, qui étaient visés. L’idée derrière tout ce pataquès (largement appuyé par un ministre certainement soucieux de se faire bien voir des puissants – hum – médias en question) : puisque les plateformes gérées par les GAFA « piquent » ou pillent leurs contenus, il faut qu’ils paient !
C’est simple, basique, et tellement évident. Google fait un lien vers ton site et le place en haut des résultats de recherche et des actualités, t’apportant des dizaines de milliers de visiteurs ? IL FAUT QU’IL PAIE.
Avant les français, les allemands et les espagnols avaient voulu jouer, ils le regrettent encore…
Malheureusement, ce que ne semblent pas avoir compris les fameux éditeurs, c’est que ça ne marche pas vraiment de cette manière. Google n’a jamais payé pour faire des liens et ne le fera probablement jamais. Ce n’est pas sa façon de fonctionner, qu’on aime ou qu’on n’aime pas. Certains s’y sont essayés avant les français, et ils l’on amèrement regretté. En 2014, le groupe de presse allemand Axel Springer avait tenté bien imprudemment de se passer des services de Google, en ne lui permettant plus de référencer gratuitement les liens vers ses articles. Bien mal lui en prit : le groupe, qui avait orienté toute sa stratégie vers le digital, vit son audience s’effondrer de presque moitié suite à la désindexation de ses contenus de Google. Inutile de dire qu’en quelques semaines une demande de réintégration fut faite. Même histoire en 2015 avec la presse espagnole, qui, à force de harcèlement, finit par conduire Google à fermer Google News, déclenchant un véritable séisme dans le pays.
Google a donc annoncé la semaine dernière, que suite à la mise en application de la directive sur les droits voisins (ce nom…), il ne paierait pas, et il pourrait faire disparaitre de ses index les sites exigeant une rétribution en échange des contenus référencés sur les plateformes, à savoir les « snippets » contenant le titre d’un article, l’extrait d’introduction (chapô en termes de presse) et une vignette image d’illustration. Google propose deux alternatives : soit que les sites demandeurs envoient un engagement de renoncement à réclamer une obole, soit que ceux-ci n’apparaissent dans le moteur de recherche et dans Google Actualités que sous la forme d’un lien brut, sans extrait, et sans image. Bon courage, les gars.
Alors bien sûr, comme l’indique très justement Seb Mayoux, un internaute en commentaire de cette vidéo, que je reprends in extenso ici : « On ne peut pas (plus) résumer les moteurs de recherches à des pourvoyeurs de trafic. Une étude récente a montré que 50% des résultats sur une SERP seulement résultaient sur un clic. Google est davantage un moteur de réponses, la position zéro et les features snippets « pompent » du contenu d’éditeurs sans leur renvoyer le moindre trafic. (par exemple, les recherches « météo » n’apportent plus aucune visite sur le site de Météo-France… Le trafic vers Wikipedia s’est aussi effondré depuis la généralisation du moteur de réponses et de la recherche vocale). »
C’est incontestable, mais la directive voulue par les éditeurs français est une mauvaise réponse à une bonne question, et montre à quel point ils méconnaissent les rouages des moteurs de recherche. Ou en tout cas ils font mine de ne pas les connaitre, car en revanche quand il s’agit de se battre pour arriver en tête des résultats ou de bien ranker dans Google Actus, ils savent très bien investir dans les techniques de SEO. Et ils savent aussi très bien blinder leurs articles – y compris ceux sous abonnement payant – de publicité.
Cette directive leur revient donc dans la figure comme un boomerang, et ce ne sont pas les imprécations d’un ministre pris au piège de sa propre vacuité qui changeront quoique ce soit. Google apporte des masses de trafic aux sites d’actualités, comme une agence de voyage apporte des clients aux compagnies aériennes et aux hôtels. A votre avis, est-ce que ces derniers demandent aux agences de payer pour chaque client apporté ? Pas vraiment. Il semble même que ce soit l’inverse. Que les éditeurs de presse s’estiment heureux…
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