À peine revenu de son déplacement en Israël et dans les territoires palestiniens, Emmanuel Macron retourne aux affaires intérieures. Par la face nord, la plus abrupte, celle de la réforme des retraites dont le texte est présenté − enfin? − ce vendredi matin en conseil des ministres.
Après un mois et demi de grèves, de contestations dans la rue et même vingt mois de concertations tendues avec les partenaires sociaux, l’exécutif est-il en train de voir le bout du tunnel? « La présentation en conseil des ministres n’est pas un aboutissement, mais c’est quand même une étape importante. On ne va pas se mentir : on revient de loin. Le pouvoir a parfois vacillé », commente froidement un membre du gouvernement, alors qu’une grande journée de blocage dans les transports est de nouveau annoncée vendredi pour marquer la présentation du projet de loi.
L’opinion reste favorable au retrait de la réforme
« La situation sociale est tendue dans notre pays. Mais l’absence de transformation me semble encore plus dangereuse à terme que la volonté d’avancer », renvoie Édouard Philippe, ce vendredi dans les colonnes de « la Croix ».
En visite jeudi sur le porte-avions « Charles de Gaulle », le Premier ministre a même eu cette phrase devant l’équipage qui doit rejoindre l’opération anti-Etat islamique au Moyen-Orient : « Si un jour la lassitude venait à vous gagner lors du déploiement, ce dont je doute, rappelez-vous la devise du Général : être inerte, c’est être battu ». Voilà qui en dit long sur son état d’esprit. Pas question de reculer. Il y a dix jours, à peine sorti du séminaire gouvernemental de rentrée, il lançait d’ailleurs qu’il était « hors de question de ralentir ».
Et tant pis si l’opinion reste encore favorable au retrait de la réforme. Selon un sondage Elabe paru 22 janvier, plus de six Français sur dix (61 %), considèrent qu’Emmanuel Macron devrait prendre en compte les contestations contre la réforme des retraites et la retirer. Une opinion en hausse de quatre points en un mois. « Je n’ignore pas les sondages. Mais les gens en ont surtout marre des désordres », assène un proche du président de la République.
De nombreuses zones d’ombre demeurent
Ce vendredi matin, jour de la septième journée nationale de manifestations, le secrétaire d’Etat en charge du dossier retraites, Laurent Pietraszewski, qui a remplacé Jean-Paul Delevoye, défendra le texte autour de la grande table ovale du salon des Ambassadeurs, à l’Elysée. Pas de surprises sur le contenu, largement défloré ces derniers jours, où la notion « d’âge pivot » a finalement été retirée. À charge pour les partenaires sociaux de plancher sur des solutions alternatives pour assurer l’équilibre du système lors de la fameuse conférence de financement qui s’ouvrira le 30 janvier et doit s’achever fin avril.
Mais de nombreuses zones d’ombre demeurent, notamment sur le coût général de la mise en œuvre de cette réforme. Des dizaines de milliards. Mais combien précisément ? Là-dessus, Matignon promet des réponses concrètes, notamment grâce à l’étude d’impact présentée ce vendredi matin et annexée au projet de loi.
« Là, ça ne va pas être des mots, mais des chiffres ! » promet l’entourage d’Édouard Philippe, même si l’étude pourrait bien démontrer que les conséquences de la réforme seront très contrastées selon les parcours et les métiers. Et les femmes avec enfants, pourtant présentées comme les grandes gagnantes, seront pour la majorité d’entre elles pénalisées selon les cas types du gouvernement que nous dévoilons.
Peut-être 30 000 amendements pour contrer le texte
Une petite musique vers laquelle le locataire de Matignon ne veut pas se laisser embarquer. « Je crois que le caractère massivement redistributif de cette réforme de progrès social va être compris et approuvé », pense-t-il dans « la Croix ». « On ne laisse personne de côté. On a vraiment travaillé depuis le début pour avoir la réforme la plus juste », appuie son entourage.
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Preuve qu’il est soucieux, hier soir encore Philippe a reçu à Matignon un collectif d’ avocats en colère contre la réforme. Pour leur dire qu’il est « très attentif au sort des avocats en situation de fragilité », dit-on. Et qu’il fera en sorte que « les mécanismes de solidarité soient activés ».
Maintenant présenté en conseil des ministres, le projet de loi va commencer à être examiné en commission de l’Assemblée nationale début février, avant la discussion en séance publique à partir du 17 février.
Au sein de la majorité, on s’attend déjà à des débats âpres, nourris par plusieurs dizaines de milliers d’amendements pour contrer le texte. Peut-être 30 000. « Mais on y arrivera d’une manière ou d’une autre. En travaillant le jour, la nuit, le week-end et les jours fériés », prévient un poids lourd de la majorité, plus déterminé que jamais.
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