Dans tous les classements des technologies clefs à maîtriser pour la transformation digitale, l’intelligence artificielle arrive tout en haut de la liste. Ci-dessous, pour Gartner, l’évolution de l’agenda du DSI avec une envolée sur ce sujet en 2019. On notera au passage que l’excitation autour de la Blockchain est prématurée, en tout cas n’est pas un critère de différenciation entre les entreprises les plus performantes et les autres.
Même dans le secteur public, où pour GreenSI le calendrier de la transformation est généralement moins tendu, le Ministère des Finances, le bon élève pour moderniser son système d’information, a lui aussi des projets IA pour optimiser ses processus de contrôle fiscal. Certains de ses projets de “machine learning”, comme celui exploitant les photos publiques des contribuables sur les réseaux sociaux, suscitent même des inquiétudes de l’opinion.
Dans “transformation digitale” il y a bien sûr “digitale” avec son volet “data”. Un acteur français des plateformes de données nous rappelle avec humour que sans données on ne pas pas bien loin (voir aussi le billet “La révolution de la data est-elle vraiment engagée en France?“, mais il y a surtout le mot “transformation“.
Si la transformation ne se fait pas, la technologie digitale n’aura été qu’une étincelle, sans réel impact sur la performance de l’entreprise et aura même certainement augmenté les coûts et désorganisé les équipes.
Mais cette semaine, GreenSI a été intrigué par un autre retour d’expérience, celui d’une grande entreprise française qui en interne abordaient timidement l’intelligence artificielle, voir parfois sans vouloir prononcer son nom. En revanche les communiqués aux analystes financiers, eux, sont généreux avec les termes “IA”, quand ce n’est pas “Blockchain”, pour faire bonne tenue devant les levées de fonds importantes des startups sur ces mêmes sujets.
Alors en externe on donnerait du digital, en veux-tu en voilà, quand en interne on tiendrait des propos plus mesurés sur l’IA?
L’interne comprends bien qu’il s’agit bien d’une transformation (trans-former = changer de forme) donc d’un changement. Et en France on aime pas le changement.
Il est vrai que l’intelligence artificielle, dont les performances théoriques ont été décuplées par le buzz de la presse et communiqués financiers, est souvent associée – certainement à tort – au remplacement de l’humain par la machine. Avec un projet d’IA, il faudrait alors convaincre en interne sur le modèle organisationnel de demain avant même d’avoir démontré de premiers résultats aujourd’hui…
Un autre écueil majeur identifié dès 2018 par le Cigref, dans une étude sur les projets IA de ses membres, est que les ressources dédiées à l’IA sont souvent allouées à des “labs de données internes ou à des chatbots”, qui ne sont que la partie visible de l’IA, mais sont largement insuffisantes pour transformer en profondeur les processus ou commercialiser de nouveaux services.
Ces projets réussiront à quitter les “proof of concept” des “datalabs” quand les financements seront alloués aux Directions métiers avec des objectifs métiers de performance ou de transformation.
Mais l’IA fait aussi remonter des approches transversales, surtout dans le domaine de la relation clients ou de la chaîne logistique, et là on touche un troisième écueil, celui d’organisations silotées entre Directions métiers. Que ce soit les modes de collaboration, dont l’usage du numérique est encore limité pour collaborer efficacement (sans s’envoyer un email!), ou parfois le vide organisationnel pour aborder le transverse, même au niveau des compétences.
Enfin, pourquoi les informaticiens et les statisticiens, ou maintenant les data scientists, ne travaillent pas ensemble dans une même organisation?
Comme in fine leur travaux vont rajeunir ou réinventer le système d’information, c’est bien dans une organisation proche du système d’information et des services numériques de l’entreprise qu’ils doivent mettre leurs compétences au service des métiers.
D’ailleurs demain, y aura-t-il un projet SI qui n’abordera pas l’IA dès le départ ?
On est donc bien en train de vivre une phase d’hybridation transverse des métiers l’entreprise, dopée par le numérique, mettant en réseau toutes les compétences. Mais cette transformation ne se fera pas sans un programme de conduite des changements porté au plus haut niveau de l’entreprise.
En début d’année une étude mondiale d’IDC auprès d’entreprises qui utilisent déjà l’IA a révélé que 25% seulement avaient développé une stratégie d’IA à l’échelle de l’entreprise, alors qu’elles reconnaissent que c’est une priorité valorisée par leurs clients et que cela demande de développer une nouvelle culture (“AI first”).
L’automatisation n’est donc pas l’objectif, mais bien un moyen, au service de l’amélioration de la productivité, de l’agilité et de la satisfaction des clients. Plus de 60% de ces entreprises constatent des modifications dans leur modèle organisationnel et d’affaires, suite à l’adoption de l’IA.
Quand on en vient aux échecs, 25% d’entre elles reconnaissent un taux d’échec pouvant atteindre 50% des projets engagés. Un projet sur deux n’aboutit pas (mais peut quand même être utile pour “apprendre et tester”). Le classique manque de personnel qualifié n’est pas le seul responsable. Des attentes irréalistes, sans stratégie globale, et le manque d’une production permanente de données de qualité sont aussi identifiés.
En 2018 le cabinet Gartner avait également conduit une étude sur les freins à l’adoption de l’IA, résumés dans le schéma ci-dessous. La responsabilité des vendeurs y est un facteur plus important que la maturité de l’entreprise, et pourtant peu d’articles en parle.
Alors, si vous voulez lancer un projet IA et ne pas vous retrouver “hors sol”, voici ce qui ressors de ces différentes études des échecs des projets IA :
Ne partez pas sur un projet technique, genre la “méga plateforme data qui sera utilisée par tout le monde”, que veulent vous vendre vos fournisseurs quand ce ne sont pas vos consultants, mais partez bien avec des cas d’usages validés pour leur apport de performance ou de satisfaction clients.
Validez un programme pluriannuel, car on parle de transformation et d’un processus lent, avec des objectifs au mieux à 6,12 et 18 mois. Embarquez dans le programme la conduite des changements et le partage des réalisations intermédiaires.
Mobilisez transversalement tous les acteurs internes de l’expérience client, de la data et de la sécurité.
Ne vous laissez par imposer des fournisseurs, sous prétexte qu’on a déjà un contrat cadre mondial avec eux pour acheter des trombones(par exemple). Le coût de la solution est faible devant le coût de la transformation, alors choisissez les solutions qui vous aident à réellement vous transformer et mettez plus de moyens dans les projets de transformation que dans les achats de solutions.
Avec les projets d’IA, comme finalement avec les projets informatiques depuis 30 ans, la compétence la plus critique c’est bien celle de savoir conduire le changement, et pour GreenSI l’agilité n’y est pas étrangère depuis l’arrivée du digital.
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