L’annonce est tombée cet automne : le stock d’adresses IPv4 est épuisé et le RIPE NCC n’en délivre plus. Les stratégies pour faire perdurer l’IPv4 ne semblent pas durables, notamment la mutualisation d’adresses via le NAT avec des risques certains de bug. Miser sur le marché secondaire ne sera pas non plus tenable, car les adresses IPv4 ne manqueront pas de s’y vendre à prix d’or.
La tension monte autour de la pénurie d’adresses IPv4
Alarmisme ou sous-évaluation du problème, la fin d’IPv4 engendre des réactions qui opposent les acteurs du marché. Tout est question de stock d’adresses IPv4. Quand les réserves sont confortables, on peut se permettre de laisser venir. Dans le cas contraire, il y a de quoi crier au loup.
Ces deux cas de figure créent un fossé entre acteurs. Au plan géographique d’abord : les États-Unis font partie des pays bien dotés en réserves Ipv4 ; l’Europe n’est pas mal lotie non plus.
En revanche, la situation est critique pour la Chine. Ensuite, ces disparités se retrouvent sur un même marché, entre gros acteurs pourvus de stock et petites entreprises qui risquent l’agonie. D’où un sujet qui crée l’antagonisme et des postures aux extrêmes, souvent bien stériles. Il est temps d’envisager une voie plus constructive pour régler le problème.
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Accepter une cohabitation IPv4 et IPv6
Tout le marché fait face à une certitude : Internet doit tenir la cadence à l’heure où d’innombrables terminaux arrivent sur le marché pour se connecter au réseau, notamment avec l’essor de l’IoT. La seule solution réaliste réside en une transition à IPv6 et à son espace d’adressage quasi-illimité.
Or, cette transition ne se fera pas en un claquement de doigt. L’histoire du progrès humain l’a maintes fois démontré : une évolution pérenne se fait par étapes. Dans le cas des adresses IP, la transition passera par une cohabitation temporaire des deux protocoles, jusqu’à ce qu’IPv6 s’impose.
Le défi ne doit pas être sous-estimé : coûts supplémentaires d’équipements et de configurations pour faire cohabiter les deux réseaux, investissement dans des matériels « IPv6-first » mais compatibles IPv4, sollicitation accrue des ingénieurs réseau… Il est possible de relever ce challenge, à condition de mettre les antagonismes de côté.
Renouer un dialogue apaisé au sein de la communauté Internet
Il est temps que les parties prenantes cessent de camper sur des positions sans issue et s’allient autour de la transition vers IPv6. Une telle démarche n’a rien d’inédit : Internet est né dans un esprit communautaire, sans rapport de force, où tous les acteurs comptent les uns sur les autres. En ravivant l’état d’esprit originel d’Internet, un dialogue apaisé devient possible pour orchestrer un passage en douceur vers IPv6.
La communauté Internet doit en effet se donner les moyens de faire cohabiter les deux protocoles temporairement, condition pour qu’IPv6 s’installe sans faire de casse chez ceux qui n’y sont pas encore prêts. Opérateurs, constructeurs, hébergeurs, ingénieurs réseau, régulateurs ont un réel intérêt à jouer le jeu. Les responsabilités, mais aussi les coûts, peuvent ainsi être partagés autour d’une stratégie collective pour répondre à la fin d’IPv4.
De plus, dans un contexte coopératif, les autorités du secteur – l’Arcep en France, la Commission en charge du numérique au plan européen – peuvent proposer un plan d’action pour fédérer les parties prenantes autour d’une configuration dans les règles de l’art. C’est aussi l’occasion de montrer la voie, voire mettre en œuvre une stratégie qui servira de référence à plus grande échelle.
Tout est question de volonté. À la communauté d’Internet d’enclencher la démarche.
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