Le système que le gouvernement appelle “âge d’équilibre” n’est pas retiré du projet. Son application est suspendue et sa date d’entrée en vigueur dépendra de l’issue de la conférence de financement.
L’âge pivot est-il réellement retiré de l’avant-projet de loi sur les retraites ? La réponse est simple : non. L'”âge d’équilibre”, comme l’appelle l’exécutif, figure toujours dans le texte. Le Premier ministre Edouard Philippe a seulement annoncé, samedi 11 janvier, aux syndicats le retrait à titre provisoire de la mesure de court terme, destinée à renflouer l’équilibre des caisses de retraite à l’horizon 2027. Cette mesure devait commencer à s’appliquer en 2022 et portait progressivement à 64 ans l’âge du départ à taux plein en 2027. Temporairement suspendue, elle pourrait être rétablie et l’âge d’équilibre doit de toute manière est mis en œuvre en 2037. Vous avez du mal à suivre ? C’est normal. On vous explique, étape par étape.
Age pivot, âge d’équilibre, âge du taux plein
Premier élément de compréhension : les journalistes parlent d’“âge pivot“, mais l’exécutif préfère les termes d‘”âge d’équilibre” ou d’“âge du taux plein”. Ces expressions sont synonymes. Cet âge pivot doit remplacer la durée de cotisation, dans le futur système de retraites voulu par le gouvernement. Dans son rapport rendu en juillet 2019 sur le système universel à points, l’ancien Haut-Commissaire aux retraites Jean-Paul Delevoye préconisait de fixer cet âge “à 64 ans au démarrage de la réforme, en 2025”.
Sauf exceptions (carrières longues, métiers régaliens…), tout départ à la retraite avant d’avoir atteint l’âge requis entraînera une décote, qui serait de 5% a priori. Si un assuré part à l’âge légal minimal de 62 ans, alors que l’âge pivot est de 64 ans, sa pension sera amputée de 10% (il part deux ans plus tôt, donc il a un malus de 2 x 5% =10%).
L’âge pivot ne sera pas mis en place dès 2022…
Qu’a annoncé le Premier ministre Edouard Philippe dans sa lettre aux syndicats publiée samedi 11 janvier ? Il s’est dit prêt, comme l’avait demandé le secrétaire général de la CFDT Laurent Berger, à renoncer à la mesure d’âge pivot à court terme. En clair : il ne renonce pas à l’“âge d’équilibre” inscrit dans la réforme et prévu dans le futur système. Il suspend provisoirement son application à partir de 2022.
Jusque-là, l’âge pivot devait toucher des personnes qui ne seront pas concernées par le système par points : celles partant à la retraite entre 2022 et 2027, dont la pension aurait donc dû être calculée en combinant l’âge pivot et le système actuel. Cette mise en place progressive est sortie de l’avant-projet de loi.
Sauf si la conférence de financement échoue
Edouard Philippe a toutefois posé une condition. A l’occasion d’une conférence de financement, proposée par la CFDT, les partenaires sociaux doivent proposer, d’ici fin avril, des moyens de renflouer les caisses de retraite à l’horizon 2027 (environ 12 milliards d’euros). Pour cela, ils ne doivent recourir “ni à la baisse des pensions, ni à la hausse du coût du travail”. Impossible de proposer une hausse des cotisations, donc.
Les partenaires sociaux pourront piocher dans un arsenal de mesures (dont l’âge pivot). L’exécutif a notamment proposé d’autres pistes, dont la possibilité de modifier “l’âge d’ouverture des droits” à la retraite pour certains salariés. En dernier lieu, le gouvernement tranchera par ordonnance. Si les partenaires échouent à trouver un accord, “le gouvernement, éclairé par les travaux de la conférence, prendra par ordonnance les mesures nécessaires”. L’âge pivot n’est par conséquent pas totalement écarté pour 2022.
L’âge pivot prévu pour 2037
A long terme, le futur système universel à points comportera bien “un âge d’équilibre”, a rappelé Edouard Philippe. Il constituera “un des leviers de pilotage du système collectif dans la durée”. La future Caisse nationale de retraite universelle, qui gérera le système, décidera des bonus-malus appliqués. “A défaut, lors de l’entrée en application du système universel de retraite, ils seront fixés par décret à 5% par an”, précise le texte de loi.
Cet âge d’équilibre concernera les générations nées à partir de 1975, qui basculent dans le système à points. Si l’âge légal minimal de départ à la retraite est maintenu à 62 ans, elles pourront partir en 2037 au plus tôt. Mais l’“âge d’équilibre” les incitera financièrement à partir plus tard, en 2039 (à 64 ans), voire en 2040 (à 65 ans).
Demeure une inconnue, soulignée par Libération : “Si on sait que [l’âge pivot] sera de toute façon mis en place à partir de 2037, rien ne permet de savoir ce qu’il en sera pour la période allant de 2027 à 2037.” Les personnes nées entre 1965 et 1975, qui partiront théoriquement en retraite avant 2037 ne peuvent pas savoir, à ce jour, comment leurs pensions seront calculées.A lire aussi Sujets associés
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