L’opérateur de gros alternatif Kosc, qui devait s’imposer lors de sa création en 2016 comme la réponse au quasi-duopole d’Orange et de SFR sur le marché des télécoms d’entreprise, est sur la sellette. Auditionné début octobre par le Sénat, son président, Yann de Prince, a confirmé qu’il ne reste plus que quelques semaines à sa direction pour trouver une issue à ses problèmes financiers. Faute de quoi, l’opérateur de gros alternatif pourrait être cédé ou purement et simplement liquidé.
“L’entreprise n’ayant pas encore atteint l’équilibre d’exploitation, ne pouvant donc en principe pas convaincre le tribunal de sa capacité à poursuivre son activité, la logique commandait en effet que nous procédions, non à une cessation de paiement, mais à la liquidation pure et simple”, a expliqué le président de l’opérateur wholesale-only, indiquant avoir “pris seul l’initiative d’un schéma différent, permettant de préserver l’intérêt social de l’entreprise en nous inscrivant dans un cadre légal”.
“Le processus que j’ai engagé ouvre à l’entreprise un délai fort bref, de deux mois, pour essayer de surmonter ses difficultés”, a fait savoir le dirigeant, qui a mandaté début septembre la banque d’affaires Rothschild afin de “trouver des investisseurs ou tout partenaire qui pourraient contribuer à sauver ou reprendre l’entreprise”.
“L’issue du processus initié au début du mois de septembre est fixée à fin octobre 2019. Il pourra être prorogé de deux mois. Sa condition principale tient au paiement des prochains salaires. Ce paiement dépend lui-même d’un nouvel engagement des actionnaires ou de la levée des saisies de SFR. Si l’un ou l’autre ne se réalise pas, nous n’éviterons probablement plus l’écueil de la liquidation”, a précisé le président de Kosc.
SFR réclame 21 millions d’euros à Kosc
L’opérateur, qui a enregistré un chiffre d’affaires de 18 millions d’euros en 2018 et tablait encore récemment sur des revenus de l’ordre de 100 millions d’euros en 2021, est en effet en proie à de graves problèmes de trésorerie et a vu son horizon s’obscurcir considérablement ces dernières semaines.
De fait l’incertitude pèse sur l’opérateur après une décision défavorable de l’Autorité de la Concurrence concernant la reprise du réseau DSL de Completel, auparavant détenu par SFR, et le retrait de l’un de ses investisseurs majeurs (en-dehors d’OVH), la Banque des territoires, une branche de la Caisse des dépôts.
Pour rappel, SFR conteste désormais les modalités de l’opération de cession de son réseau Completel à Kosc, qui faisait pour l’Autorité de la concurrence figure de condition sine qua none pour le rachat entre SFR et Altice-Numéricable en octobre 2014. L’opérateur présidé par Alain Weill réclamerait aujourd’hui 21 millions d’euros à Kosc, qui conteste cette somme et estime de son côté son préjudice à 65 millions d’euros.
“KOSC se trouve à cette heure dans une situation de blocage”
“KOSC se trouve à cette heure dans une situation de blocage. Le 27 septembre 2019, instrumentalisant la décision de l’ADLC en plein processus de discussion avec les créanciers, SFR a en effet procédé à une saisie conservatoire des comptes et de l’ensemble des créances clients de l’entreprise. KOSC ne dispose ainsi plus d’aucune liquidité.
Des huissiers se présentent régulièrement dans nos locaux. Dès la fin du mois d’octobre, elle sera confrontée au problème du paiement des salaires sauf intervention supplémentaire de nos actionnaires”, a ainsi fait savoir Denis Basque, le directeur du contrôle financier et des affaires réglementaires de l’opérateur.
Bouygues Telecom et Iliad candidats au rachat de Kosc ?
L’heure est désormais à l’urgence pour l’état-major de Kosc. “La situation de Kosc est aujourd’hui simple : soit dans les prochaines semaines, les actionnaires seront suffisamment convaincus et décideront d’apporter les fonds suffisants permettant à l’entreprise de retrouver une certaine marge de manoeuvre, nécessaire à la mise en place d’une solution pérenne, soit l’entreprise sera liquidée ou cédée”, a en effet fait savoir son président, lors d’une audition tenue le 8 octobre dernier devant la délégation aux entreprises du Sénat.
D’autant que l’un de ses investisseurs historiques, OVH, pour qui les activités télécoms ne font plus office de priorité, pourrait bien jouer la fille de l’air. Une mauvaise affaire pour l’opérateur, alors que la société roubaisienne détient 40 % du capital de l’entreprise, estimé par Yann de Prince à 23 millions d’euros, mais représente aujourd’hui 90 % du chiffre d’affaires de Kosc.
Reste que l’opérateur ne manque pas de prétendants à sa reprise. “En dépit d’une situation des plus défavorables, malgré l’urgence dans laquelle il est demandé à ces possibles partenaires de se positionner, seize [candidats] se sont d’ores et déjà manifestés”, a ainsi fait savoir le président de l’opérateur. Et de préciser qu’il s’agit majoritairement de partenaires industriels.
Deux opérateurs ont des vues sur ce marché juteux
Six d’entre eux, parmi les opérateurs les plus connus à l’exception d’Orange et de SFR, ont avancé des offres de principe, dont certains en valorisant l’entreprise de manière significative”.
Bouygues Telecom et Iliad pourraient donc être candidats à la reprise de l’opérateur de gros alternatif, qui détient 2 % des parts du marché des télécoms d’entreprise.
Si cette information est encore à prendre au conditionnel, elle pourrait sembler plausible alors que les deux opérateurs ont des vues sur ce marché juteux, dont le chiffre d’affaires global s’élevait en 2017 à 9,2 milliards d’euros selon l’Arcep et qui fait encore figure de chasse gardée au profit quasi-exclusif d’Orange, qui a la main sur environ 70 % des parts de ce marché, contre environ 20 % pour la branche dédiée de SFR. Contactés, les deux opérateurs n’ont pas répondu à nos sollicitations à l’heure où ces lignes étaient écrites.
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