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L’Iran humilié en plein duel avec Trump – Le Figaro

À Washington

La chute du vol d’Ukraine International Airlines à Téhéran est venue provisoirement occulter l’affrontement entre les États-Unis et l’Iran. Comme si un fil invisible reliait l’Ukraine avec sa présidence, Trump voit de nouveau l’ex-République soviétique faire irruption dans la politique américaine. Accidentelle cette fois-ci, l’intrusion semble plutôt tourner à son avantage. La catastrophe a, au moins temporairement, mis en sourdine le débat sur l’opportunité et les conséquences de l’élimination du général Qassem Soleimani.

Téhéran, en revanche se retrouve dans la position inconfortable de devoir justifier ce qui ressemble de plus en plus à une tragique erreur militaire. Après avoir fait preuve de retenue dans leurs représailles contre les États-Unis, les forces iraniennes se voient mises en cause dans un développement imprévu de la crise.

Des sources américaines ont été les premières à laisser entendre que l’accident, qui a fait 176 morts mercredi matin après la chute de l’appareil dans une banlieue de Téhéran, avait été causé par un tir involontaire de la défense anti-aérienne iranienne. Révélées jeudi par l’hebdomadaire Newsweek, ces informations ont été reprises et confirmées par le premier ministre canadien, Justin Trudeau. 57 passagers détenaient la nationalité canadienne.

Un terrible enchaînement de circonstances.

Donald Trump a commencé par ne pas démentir cette version. «J’ai mes doutes », a dit le président à des reporters, «l’avion volait dans un secteur dangereux… quelqu’un a pu commettre une erreur de l’autre côté.»

Le secrétaire d’État américain, Mike Pompeo, a confirmé vendredi cette hypothèse. «Nous croyons qu’il est probable que cet avion ait été abattu par un missile iranien», a-t-il déclaré, ajoutant que les États-Unis allaient «laisser l’enquête se dérouler avant de tirer toute conclusion définitive».

Selon les éléments connus, la chute du vol d’Ukraine International Airlines ressemble à un terrible enchaînement de circonstances.

Lorsque le vol 752 décolle mercredi à l’aube à destination de Kiev depuis l’aéroport Iman-Khomeyni à Téhéran, l’espace aérien iranien est une zone de guerre. L’Iran vient de tirer quelques heures plus tôt deux douzaines de missiles balistiques contre des bases américaines en Irak. On s’attend à des représailles de la part des États-Unis. La défense anti-aérienne iranienne est en alerte maximum.

Vidéo amateur

Deux minutes à peine après son décollage, le contact est perdu avec le Boeing ukrainien. Les Américains, qui surveillent l’Iran grâce à différents systèmes, sont eux aussi en alerte. Des satellites équipés de capteurs infrarouges et de caméras à haute-résolution enregistrent tous les départs de missiles, afin de calculer leur trajectoire et leur cible potentielle. Les communications radio iraniennes sont écoutées, et les radars américains déployés en Irak balayent le ciel iranien.

Selon des sources citées par les médias américains, deux missiles auraient été tirés peu après le décollage du Boeing par une batterie de défense anti-aérienne Tor-M1. De fabrication russe, aussi appelé dans la classification de l’Otan, «SA-15 Gauntlet», ce système de batteries mobiles a été acheté par l’Iran en 2007. Il sert à abattre des cibles à basse ou à moyenne altitude, comme des missiles de croisière notamment. Le vol d’Ukraine International Airlines aurait été frappé alors qu’il se trouvait en pleine montée, à environ 2500 mètres d’altitude.

Cette hypothèse semble corroborée par une vidéo amateur tournée la nuit même à Téhéran, et reprise par la chaîne CNN, où l’on voit une explosion dans le ciel obscur. L’appareil, en flammes, aurait ensuite tenté de faire demi-tour vers l’aéroport, avant de s’écraser dans la banlieue de la capitale iranienne.

L’hypothèse d’un tir accidentel est tout sauf invraisemblable. Les spécialistes rappellent que les systèmes de défense anti-aériens, qui doivent intercepter des cibles volant à grande vitesse ou à basse altitude, demandent des décisions rapides. Un opérateur peut facilement commettre une erreur lors de l’acquisition de la cible, surtout lorsque l’alerte est maximale.

Nouvelle série de sanctions

Plusieurs appareils civils ont déjà été abattus par méprise alors qu’ils survolaient une zone de guerre. En 1988, un Airbus d’Iran Air avait été touché au-dessus du Golfe par un missile tiré par le croiseur américain USS Vincennes, qui l’avait pris pour un avion de combat iranien. La catastrophe avait fait 290 morts, et est toujours considérée par les autorités iraniennes comme un acte de terrorisme. En juillet 2014, le vol MH17 de Malaysia Airlines avait été abattu dans l’est de l’Ukraine par un missile tiré par les forces séparatistes pro-russes du Donbass, causant la mort de 298 personnes.

La parenthèse ouverte par cette nouvelle tragédie dans l’affrontement entre l’Iran et les États-Unis devrait être vite refermée. Téhéran, qui nie vigoureusement toute responsabilité dans la destruction du Boeing ukrainien, a accusé les Américains et les Occidentaux de «répandre des mensonges».

De leur côté, les autorités américaines ont annoncé une nouvelle série de sanctions économiques contre l’Iran. Elles prennent pour cible huit responsables sécuritaires iraniens, qui, selon les Américains, seraient impliqués dans les tirs de missiles balistiques contre leurs bases en Irak. Ces sanctions, qui touchent de nouveaux secteurs, comme la sidérurgie, visent à resserrer encore un peu plus le carcan qui étouffe l’économie iranienne. Elles sont aussi à effet secondaire, puisqu’elles visent aussi des entités étrangères qui entretiendraient des liens commerciaux avec les institutions ou les individus visés.

En revanche, le secrétaire d’État américain, Mike Pompeo, a contredit les raisons invoquées pour l’élimination de Qassem Soleimani, en admettant dans un entretien à la chaîne de télévision Fox News, que s’il «n’y avait aucun doute qu’une série d’attaques imminentes était en préparation», «nous ne savons pas exactement quand ni avec précision où» elles devaient avoir lieu.

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