Croquis du procès du président américain Andrew Johnson, en 1868. — CONGRES
Au procès de Donald Trump, la plaidoirie des démocrates se termine ce vendredi.
Inscrit dans la constitution américaine, l’impeachment vise à empêcher qu’un président se conduise comme un monarque.
Dans l’histoire américaine, seuls trois présidents ont été mis en accusation, et aucun n’a été destitué.
C’est le pouvoir le plus important du Congrès américain après celui de déclarer la guerre. Inscrit dans la constitution, l’impeachment donne à la Chambre le pouvoir de mettre en accusation un président, vice-président ou un juge, et au Sénat celui de les destituer.
Alors que le procès de Donald Trump bat son plein, retour sur les origines – et les traditions parfois exotiques – de la procédure.
1. Etymologie
« Impeach » ressemble beaucoup au français « empêcher », et ce n’est pas un hasard. L’origine du terme remonte au XIIe siècle, et emprunte à l’ancien français « empeechier », ou « empecier », dérivé du latin « impedicare » (entraver les pieds). Attention, en anglais, on ne parle pas de « destitution » (un faux ami qui signifie « extrême pauvreté ») mais de « removal (ou dismissal) from office » (démis de ses fonctions). L’impeachment correspond à la mise en accusation à la Chambre, qui est suivie d’un procès au Sénat pouvant aboutir à une condamnation synonyme de destitution.
2. Origine
L’impeachment a été inscrit dans le marbre de la Constitution (article II) avant même que le système électoral ne soit complètement établi. C’est parce que Madison, Jefferson, Hamilton et les autres pères fondateurs ont voulu « qu’un président ne puisse jamais agir comme le roi George et utiliser son autorité exécutive pour devenir de facto un monarque de la nouvelle république », explique Bruce Ackerman, professeur de droit constitutionnel à Harvard.
Dérivé du droit britannique et de la théorie de la séparation des pouvoirs de Locke et Montesquieu, l’impeachment est la pierre angulaire du système de « checks and balances ». Ces « poids et contrepoids » donnent à chaque branche du pouvoir (exécutif, législatif et judiciaire) des moyens de contrôle sur les deux autres.
3. Fonctionnement
Les présidents, vice-présidents et juges peuvent être démis de leurs fonctions par le Congrès pour « trahison, corruption » et autres « crimes et délits majeurs ». Ces derniers ne sont pas définis et laissés à l’appréciation des élus. Pour Alexandre Hamilton, il s’agissait « de délits violant l’intérêt public ». Les démocrates estiment qu’en demandant à l’Ukraine d’enquêter sur Joe Biden, Donald Trump a utilisé son autorité présidentielle pour son gain personnel et pas celui des Etats-Unis. Ce qui correspond, selon eux, à un « abus de pouvoir. »
Pour mettre en accusation un président, il suffit d’un vote de la Chambre à la majorité simple. Mais pour éviter les actions partisanes, une destitution au Sénat nécessite la majorité des deux tiers (67 sénateurs sur 100). Seulement trois présidents ont été impeached dans l’histoire américaine : Andrew Johnson, Bill Clinton et Donald Trump. Aucun n’a été destitué – Richard Nixon, lors du Watergate, avait démissionné avant pour éviter une humiliation publique. En revanche, huit juges fédéraux ont été démis de leurs fonctions par le Sénat.
4. Prison
Même en cas de « trahison », l’impeachment ne peut pas aboutir à une peine de prison. C’est en effet un processus purement politique et pas judiciaire. Un président peut-il toutefois être inculpé par le département de la Justice ? Pendant son mandat, la question de l’immunité fait débat chez les juristes – Robert Mueller a, par exemple, considéré que mettre en examen Donald Trump n’était pas une option. Mais un président peut parfaitement faire face à la justice après avoir quitté ses fonctions. C’est pour éviter ce scénario que Gerald Ford a gracié Richard Nixon.
5. Inéligibilité
Contrairement à une croyance répandue, une destitution n’est pas automatiquement synonyme d’inéligibilité. En revanche, le Sénat peut décider, après avoir voté pour démettre un président de ses fonctions, de présenter une seconde résolution le disqualifiant pour tout futur scrutin. Ce second vote ne nécessite qu’une simple majorité. Sur les huit juges destitués, seulement trois ont également écopé de cette double peine.
6. Silence absolu
Chaque journée du procès de Donald Trump démarre de la même façon. Les élus prêtent allégeance au drapeau puis le sergent d’arme du Sénat (le membre le plus haut gradé de la police du Capitole) lit cette déclaration : « Hear ye ! Hear ye ! Hear ye ! Par cet ordre, chaque personne doit garder le silence, sous peine d’emprisonnement. »
U.S. Senate Sergeant at Arms announces the opening of the Impeachment Trial of Donald John Trump. pic.twitter.com/3EtQEUPw3z — Oliver Willis (@owillis) January 21, 2020
Cette directive s’adresse aux sénateurs, jurés qui doivent écouter en silence les plaidoiries des « managers de la Chambre » (sept élus démocrates qui jouent le rôle des procureurs) et des avocats du président américain. Si un sénateur a une question à poser, il le fait par écrit et c’est le chef de la Cour suprême, qui préside les débats, qui la lit. Dans les faits, un sénateur n’a jamais été jeté en prison.
7. Civilité
Après une journée d’ouverture marathon, mardi, où chaque camp a accusé l’autre de mentir, le chef de la Cour suprême a rappelé tout le monde à l’ordre à 2h du matin : « Les managers de la Chambre et la défense feraient bien de garder à l’esprit qu’ils s’adressent à la plus prestigieuse assemblée délibérante du monde. Ses membres doivent s’exprimer d’une façon qui permette des échanges civils. »
WATCH: Chief Justice John Roberts admonishes House impeachment managers and president’s counsel for “speaking in a manner and using language that is not conducive to civil discourse.” “I do think those addressing the Senate should remember where they are” https://t.co/TVuArFZFGD pic.twitter.com/smOHfyqufd — ABC News (@ABC) January 22, 2020
8. Smartphones interdits
Selon les règles du procès, « aucun téléphone ou appareil électronique n’est autorisé » dans l’enceinte du Sénat, même éteint. Les sénateurs doivent laisser leur smartphone dans un casier. Mais plusieurs ont été aperçus portant au poignet… une Apple watch. On ne sait pas s’il s’agissait d’une version LTE leur permettant d’accéder à leurs SMS et à Twitter. « Venez le chercher », a tweeté en pleine audience le Texan Ted Cruz avec un dessin d’iPhone, mais il a assuré par la suite que le message humoristique avait été publié par son community manager.
https://t.co/FNTogu1IUt pic.twitter.com/cuO8Sz5Vls — Ted Cruz (@tedcruz) January 21, 2020
9. Verre de lait
Très soucieux des apparences, Thomas Jefferson a publié une longue liste des règles d’étiquette du Sénat. Etaient interdits dans la salle : les bébés (ça a changé), boisson et nourriture, chapeaux et capuches, porter un pantalon sans veste, fumer ou encore cracher pendant un discours. Si les sénateurs ont soif, ils doivent envoyer un assistant leur chercher un verre d’eau. Mais les discours durent parfois des heures. En 1966, un élu affamé a demandé s’il pouvait avoir un verre de lait « car au bout d’un moment, l’eau manque de consistance ». Sa requête a été exaucée, et depuis, boire un verre de lait est devenu une tradition.
Mercredi, Elizabeth Warren s’est même vantée d’avoir mangé un « yaourt de contrebande ». Dans l’enceinte du Sénat, le café est en revanche toujours interdit – ce qui explique sans doute que des sénateurs sont régulièrement pris en flagrant délit de sieste. Avec des plaidoiries se déroulant cette semaine de 13h à 22h, les sénateurs ont le droit à une pause dîner d’une demi-heure et à quelques breaks de dix minutes entre deux témoignages.
Only two drinks are allowed for lawmakers on the Senate floor during the impeachment trial: water and milk. The latter dates back to January 1966 — when Everett Dirksen of Illinois asked if a Senate page could fetch him a glass of milk. https://t.co/o9h1UfESEB — NPR Politics (@nprpolitics) January 23, 2020
10. Tiroir à bonbons
Il y a une exception à l’interdiction de nourriture : les bonbons. Dans les années 1960, le sénateur George Murphy avait l’habitude de cacher des sucreries dans le tiroir de son bureau et d’en offrir à ses collègues, qui renflouaient régulièrement son stock. Le candy drawer est né. La tradition continue, et le sénateur qui hérite du bureau situé à côté de l’entrée est du Sénat devient le gardien du trésor.
One of the 100 desks in the U.S. Senate has a drawer full of candy! https://t.co/X6QBi79kxX pic.twitter.com/ucWNj3YaY6 — Atlas Obscura (@atlasobscura) August 30, 2016
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