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<img src="https://i1.wp.com/www.ultimatepocket.com/wp-content/uploads/2020/01/guide-michelin-kei-kobayashi-premier-chef-japonais-a-recevoir-trois-etoiles-en-france-le-monde.jpg?w=640&ssl=1" data-recalc-dims="1"><br />
Le chef japonais Kei Kobayashi décroche la troisième étoile. Christophe Ena / AP
« Yes ! Yes ! Yes, Keiii ! », une voix anonyme s’élève dans le public quand Gwendal Poullennec, directeur du guide Michelin, annonce que Kei Kobayashi accède aux trois étoiles. Le chef monte sur scène, légèrement décontenancé : « J’ai pas préparé de discours, c’est une grosse surprise. » Avant de conclure, dans un français un peu hésitant : « Il y a peu de chefs étrangers. Vous avez accepté notre place. Merci beaucoup, merci la France. »
Accéder aux trois étoiles fait partie des épreuves les plus ardues d’une carrière de cuisinier. Et quand le chef est un étranger en France, à en juger par les chiffres, la quête du Graal semble encore plus complexe. Pendant longtemps, le seul « étranger » triplement étoilé en France était… Alain Ducasse, le Gascon devenu Monégasque. En 2019, il a été rejoint par l’Italo-Argentin Mauro Colagreco. Le palmarès 2020 consacre, lui, Kei Kobayashi, 42 ans, premier chef japonais à recevoir cette distinction en France.
« Globalement, tout est plus difficile pour les cuisiniers étrangers en France », atteste Kei Kobayashi, que l’on a rencontré dans son restaurant Kei, près des Halles à Paris, au début du mois de janvier. « Les grands chefs français connaissent les édiles, ça facilite l’obtention de papiers pour leurs employés, par exemple. Moi, j’ai les poubelles qui traînent devant le resto malgré mes demandes répétées pour qu’elles soient déplacées. Si la requête venait d’Alain Ducasse, ce serait différent… », soupire-t-il en désignant les trois bacs verts alignés devant l’entrée immaculée de son enseigne.
« La cuisine, c’est comme la musique, elle alterne les moments agréables et exigeants », Kei Kobayashi, chef de Kei
A vrai dire, la difficulté n’a pas l’air de déranger Kei Kobayashi, dont le parcours dénote d’une certaine endurance. Ce Japonais de Nagano s’est installé en France en 1999. Sans parler la langue, il a intégré des brigades étoilées dans l’Aude (chez Gilles Goujon), le Vaucluse, en Alsace. Entre 2003 et 2010, il a travaillé au Plaza Athénée sous les ordres d’Alain Ducasse, réputé exigeant, sinon intransigeant. « C’est vrai qu’il demande toujours plus », reconnaît Kei Kobayashi, qui, comme son mentor, rêve « d’excellence ».
Persévérant, mais surtout ambitieux, Kei Kobayashi voulait s’installer à son compte. En 2011, il fait la rencontre du chef parisien Gérard Besson, qui prend sa retraite et veut céder son établissement historique à un cuisinier désireux de préserver l’esprit du lieu. En le convaincant qu’il est l’homme de la situation, Kei Kobayashi attise les jalousies. « Les autres chefs se demandaient pourquoi un meilleur ouvrier de France doublement étoilé cédait son enseigne à un Japonais », se souvient le cuisinier, qui ne semble pas pour autant éprouver d’amertume.
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