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« Est-ce qu’on va être séparés ? » : plus de 1 400 migrants évacués de la porte d’Auberv

Les policiers inspectent les tentes pendant l’évacuation du campement de la Porte d’Aubervillers, à Paris, le 28 janvier 2020.

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Les policiers inspectent les tentes pendant l’évacuation du campement de la Porte d’Aubervillers, à Paris, le 28 janvier 2020. GONZALO FUENTES / REUTERS


Une file d’hommes s’est formée porte d’Aubervilliers, au nord de Paris, alors qu’il ne fait pas encore jour. L’air affiche une température d’à peine quelques degrés. En rang d’oignons, ils sont plusieurs centaines à patienter. Certains attendent depuis une heure déjà, lorsque les premiers bus arrivent. Un sac sur le dos, une couverture sous le bras ou les mains vides, ils s’avancent alors, guidés par des policiers équipés de masques d’hygiène. La plupart seront dispatchés vers une quinzaine de gymnases en Ile-de-France. Un peu plus loin, au même moment, ce sont des familles, avec 93 enfants, qui sont évacuées.

Au total, la préfecture de région a mis à l’abri 1 436 personnes, mardi 28 janvier, à l’occasion de la soixantième opération de démantèlement d’un campement de migrants à Paris, depuis 2015. Selon les estimations de France terre d’asile (FTDA), effectuées la veille, entre 900 et 1 850 personnes – des demandeurs d’asile en majorité – se trouvaient Porte d’Aubervilliers dans des conditions indignes, en bordure du périphérique, sous des tentes ou dans des cabanes de fortune, parfois depuis plus d’un an.

« Je vais à l’école alors que je dors dehors. Je ne peux pas me doucher le matin, je mets le même pantalon depuis trois mois et hier soir, on m’a volé mon téléphone »

Kamel (tous les prénoms ont été modifiés) dit n’avoir connu quasiment que la rue depuis son arrivée en France, début 2018. Alors qu’il s’apprête à monter dans un bus, ce jeune Soudanais tend le récépissé de la préfecture, qui atteste de son statut de réfugié, obtenu il y a neuf mois. Kamel montre aussi les cours de français qu’il a rangés dans un classeur. Avec le statut de réfugié, il a droit à 200 heures de langue. « Je vais à l’école alors que je dors dehors. Je ne peux pas me doucher le matin, je mets le même pantalon depuis trois mois et hier soir, on m’a volé mon téléphone », énumère-t-il.

Un réfugié soudanais explique vivre à la rue depuis deux ans. Des demandeurs d’asile afghans s’inquiètent d’être en… https://t.co/bYqdXPA8RN — JuliaPascualita (@Julia Pascual) Lire notre décryptage : A Paris, un projet pilote pour les réfugiés : « La rue, c’est fini. Maintenant, on construit quelque chose »

« Une place jusqu’à la fin de l’hiver »

A côté de Kamel, un groupe de Tibétains s’inquiète : « Est-ce qu’on va être séparés ? », demandent-ils. L’un d’eux, Yang, dit être arrivé en France il y a environ un an, mais il dort depuis quelques semaines seulement Porte d’Aubervilliers. Il était auparavant dans un campement des Yvelines, près de Conflans-Sainte-Honorine, un lieu connu pour abriter régulièrement des demandeurs d’asile tibétains. « On est venu ici pour essayer d’avoir un endroit où dormir », explique Yang.

L’opération d’évacuation a débuté Porte d’Aubervilliers. Entre 900 et 1800 personnes vivent sous tente pour la plup… https://t.co/48f0f4FrJQ — JuliaPascualita (@Julia Pascual)

L’appréhension est palpable parmi les personnes migrantes, ce matin-là. Un groupe d’Afghans cherche à savoir s’ils seront amenés loin de Paris. Certains ont des rendez-vous en préfecture à honorer pour faire enregistrer leur demande d’asile. « Vous aurez un nouveau rendez-vous », les rassure une membre de l’équipe de FTDA, présente. Farat est plus embêté. Selon le règlement Dublin II, un réfugié a l’obligation de demander l’asile dans le premier pays où il a été contrôlé. Or, Farat est « dubliné » en Finlande et il veut savoir ce qu’il risque en montant dans un bus. Il redoute d’être transféré dans ce pays, où il a été pour la première fois enregistré en Europe. « On va vérifier vos papiers mais je pense que vous aurez une place jusqu’à la fin de l’hiver », lui confie la responsable associative.

Stratégie de « libération complète des espaces »

Début novembre, 1 600 personnes avaient déjà été évacuées et mises à l’abri porte de la Chapelle et à Saint-Denis. Parmi elles, 1 200 étaient en demande d’asile et « 300 ont quitté volontairement les gymnases dans lequel ils avaient été mis à l’abri », a précisé le préfet de région Michel Cadot, suggérant qu’il s’agissait de personnes n’ayant pas droit à une prise en charge.Lire aussi Au nord de Paris, les campements de migrants deviennent des bidonvilles

Le préfet de région a dit son souhait de voir, à terme, les personnes évacuées redirigées vers des dispositifs d’hébergement adaptés, « dans un délai de deux mois et demi, pas davantage ». Il entend que 60 % d’entre elles soient orientées en dehors de l’Ile-de-France. Le préfet de police de Paris, Didier Lallement, a pour sa part défendu sa stratégie de « libération complète des espaces » et de maintien d’une présence policière pour empêcher toute réinstallation.

« Vous pourrez constater qu’à porte de la Chapelle, les terrains sont tout à fait vacants », a déclaré M. Lallement à la presse, tout en reconnaissant des phénomènes de « déports ». Un nouveau campement s’est en effet reconstitué porte de la Villette, qui compte aujourd’hui entre 300 et plus de 500 personnes, selon les estimations de FTDA. « Il manque des places d’accueil pour demandeurs d’asile, répète Dominique Versini, adjointe à la maire de Paris Anne Hidalgo, en charge notamment de la lutte contre l’exclusion. Il y a une volonté de montrer qu’on n’est pas une terre d’accueil. Ça abîme les gens ».Lire notre récit : que deviennent les migrants mis à l’abri ?

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