Entre eux, tout avait – presque – bien commencé. En septembre 2014, quand Emmanuel Macron est nommé ministre de l’Économie de François Hollande, il fait la connaissance de Ségolène Royal, son homologue à l’Environnement qui a signé son grand retour en politique six mois plus tôt.
« La mayonnaise a rapidement pris entre les deux. Elle était séduite par le talent et l’entregent de ce jeune ministre ambitieux. Et lui a toujours aimé la liberté de ton et la volonté de transgression de Ségolène », raconte un ami commun.
À tel point que le futur candidat à la présidentielle multiplie les clins d’œil à la socialiste. Même référence à Jeanne d’Arc lors d’un déplacement aux fêtes johanniques d’Orléans en mai 2016 ; même volonté de démocratie participative quand il fonde En marche ! pour contourner les partis traditionnels… ce qui n’est pas sans rappeler le mouvement Désir d’avenir de Royal lors de la présidentielle de 2007.
Ultime parallèle, même fortuit : le 16 novembre 2016, quand Macron annonce sa candidature à la fonction suprême, il le fait dix ans jour pour jour après la victoire de Ségolène Royal à la primaire PS de 2006.
Pas de ministère, Royal touchée dans son orgueil
« Ils se voyaient à intervalles réguliers et s’appelaient souvent. Une relation en direct, privilégiée et sans intermédiaires. En retour, elle a toujours eu des mots bienveillants à son encontre », se souvient un marcheur engagé pendant la campagne.
Puis patatras… Macron est élu président de la République. Et Royal, qui pensait sûrement entrer au gouvernement, n’est pas traitée comme elle l’espérait « Ça a été l’erreur originelle. Ségolène s’est sentie touchée dans son orgueil », décrypte un baron du gouvernement. Depuis, entre les deux, c’est le chaud et le froid perpétuel. Une succession de coups de griffes et de caresses, malgré sa nomination en septembre 2017 au poste d’ambassadrice des pôles.
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Comme pendant la crise des Gilets jaunes, où l’ancienne ministre n’est guère tendre avec Macron : « une mauvaise réforme, et une crise mal gérée », tonne-t-elle en novembre 2018.
Quelques mois plus tard, alors que les Européennes approchent, changement de ton. Certains lui prêtent des intentions pour conduire la liste du parti présidentiel ou pour briguer une nomination à la Commission de Bruxelles. Alors Royal applaudit l’ambition européenne du président, notamment sa proposition de créer une banque du climat ou encore l’idée d’un revenu minimum européen. Mais rien après, une fois de plus.
Résultat, la voilà qui tire désormais à boulet rouge contre la réforme des retraites. « Le problème de Ségolène Royal ? C’est la femme que tu invites chez toi, mais qui va critiquer ce qu’il y a dans l’assiette et la manière dont tu l’as servie. On ne peut pas lui faire confiance », assène un conseiller ministériel. « Elle souffle le chaud et le froid en fonction des postes qu’elle vise. Tout est calculé en fonction de son propre intérêt », enchaîne un membre du gouvernement.
« Le lien est totalement rompu entre les deux »
Et Macron ? « À ma connaissance, le lien est totalement rompu entre les deux. Il n’y a plus aucun échange, pas le moindre texto », avance une figure de LREM. D’autant que le président garde en travers de la gorge d’autres épisodes.
Comme en mars 2018, quand il l’invite dans sa délégation pour un déplacement en Inde. « Elle a joué les ministres pendant tout le séjour, elle a fait sa star, se souvient un collaborateur. Jusqu’à organiser une rencontre off avec les journalistes. Ça ne se fait pas. À l’étranger, il n’y a que l’autorité la plus élevée qui prend la parole : le président de la République. Il en a été très agacé. »
D’autant qu’en privé, « la Mère sup’», comme l’appellent ses pourfendeurs, ne manque jamais l’occasion d’étriller ses successeurs à l’hôtel de Roquelaure. « À peine Hulot était nommé à l’Écologie qu’elle lui tapait déjà dessus. Et pareil maintenant avec Borne », tacle un conseiller de l’Elysée qui conclut : « Elle a épuisé tout son capital auprès de Macron. Pour elle, c’est game over ».
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