« Personne n’est pur. Politiquement, c’est le rêve le plus létal qui soit. » Emmanuel Macron s’empare de la question identitaire et de l’assimilation dans la société française, conformément à ce que dessinaient ses conseillers ces dernières semaines. Assis dans la salle de réunion à l’avant de l’avion qui le ramène, jeudi 23 janvier, d’Israël vers la France, le président de la République a abandonné les formalités de représentation. Il porte un sweat affichant l’inscription I love French Tech et un chèche noué autour du cou. Le chef de l’Etat reçoit trois journalistes, représentant Le Monde, Le Figaro et Radio J.
Quelques heures plus tôt, il a pris la parole au centre Yad Vashem, à l’occasion du 75e anniversaire de la fin du camp d’extermination d’Auschwitz-Birkenau. A bord de l’appareil, après cette première visite en Israël, le chef de l’Etat se penche sur les tensions identitaires qui traversent la société française, en tentant de concilier le respect de l’altérité avec la nécessité de mettre des mots sur la réalité. « Il faut accepter qu’il y a, dans notre République aujourd’hui, ce que j’appellerais un séparatisme. » Il prend pour illustration la situation dans les quartiers Nord de Marseille. « Les grands-mères ou les mères de ces jeunes filles qui sont communautarisées, elles sont arrivées à Marseille en aimant la France, et en n’ayant pas le voile. »Article réservé à nos abonnés Lire aussi « L’antisémitisme revient », alerte Emmanuel Macron depuis Jérusalem
Emmanuel Macron ne mise ni sur la solennité d’un discours présidentiel, ni sur une mesure miracle pour répondre à ce constat. « Les gens me disent : “Vous n’êtes pas à l’aise avec ces sujets.” Ce n’est pas vrai ! Je suis très à l’aise avec eux », assure-t-il. Le chef de l’Etat reste au stade du diagnostic, pour ne pas se laisser imposer les termes d’un débat identitaire dans lequel son parti se tient en retrait. M. Macron dénonce « l’espèce de fantasme, de narcissisme de la petite différence », qui entraîne la fracturation de la société, au lieu de consolider « l’identité narrative » nationale, soit une identité en constante mue qui se nourrit de récits successifs, théorisée par le philosophe Paul Ricœur.
« Une transformation de l’islam, qu’il faut regarder en face »
Le président français souligne l’existence d’un « phénomène mondial, d’un islam radical qui se tend, et d’une transformation de l’islam, qu’il faut regarder en face. (…) Des pays qui sont de tradition musulmane, dirais-je, vivent ça. La Tunisie d’aujourd’hui n’est pas celle de Bourguiba, force est de le constater, y compris dans la rue. Et donc on l’a chez nous aussi. Mais ça s’est greffé sur des fractures mémorielles, des échecs que nous-mêmes on a eus sur le plan économique et social… Et ça devient une contre-culture ! Ça devient tout à la fois l’importation d’un islam qui vit une crise mondialement – et qui revisite des signes de religiosité qu’il n’avait pas forcément il y a vingt ou trente ans. [Cela] vient s’agréger à une crise qui est, chez nous, très profonde. »
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