Le début de l’année est la période des tendances. S’y intéresser permet de regarder loin devant et de mieux orienter, le peu de temps disponible de nos agendas, dans la bonne direction.
Mais l’autre actualité du numérique en janvier c’est le CES de Las Vegas. Il vient de fermer ses portes cette semaine et tout le monde pense avoir détecté la prochaine innovation qui va révolutionner la société et plusieurs soirée “back from CES” sont organisées un peu partout en France pour ceux qui n’étaient pas sur place. Cependant, dites vous quand même, que ce qui est le plus grand salon de technologies et d’innovations, expose tellement de nouveautés qu’il est difficile d’en déchiffrer l’avenir. D’autant plus que les éditions précédentes montrent que 80% de ce qui y a été présenté n’a tout simplement pas d’avenir au delà du CES.
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D’ailleurs, pour GreenSI, la transformation digitale est un processus lent sur un dizaine d’années, comme nous le montre Netflix, qui s’est réinventé tous les 10 ans depuis sa création en 1998 (VOD: bonne chance Disney+).
Donc pour tout changer en 10 ans, chaque année 90% de ce qui est essentiel se trouve derrière nous et seulement 10% change devant nous. Ce billet propose donc, avec la rétrospective des billets de 2019, de dégager une ligne d’horizon stable pour éviter de se perdre dans ces tendances, de les appliquer au seul contexte de la DSI et du SI, afin de mieux apprécier ces nouveaux signaux faibles à l’horizon.
GreenSI ne cède donc pas à la tentation de la transformation numérique en rupture permanente, comme la presse, les organisateurs de salons et les investisseurs veulent parfois nous le faire croire.
Alors quels sont ces repères, points fixes à l’horizon, qui demandent une attention pour toutes les Directions des SI en 2020?
Pour GreenSI ils sont au nombre de cinq (choisir c’est renoncer !) : la gestion des talents, une nouvelle gouvernance, le SI plateforme digitale, la cyber-sécurité et l’intelligence artificielle (IA) et ce qu’elle suppose en terme de fondamentaux sur la maîtrise des données (data).
Cette démarche de transformation de la gestion des SI a commencé en 2018. Ce fut une année charnière quand la technologie est apparue moins déterminante que la conduite des changements entraînés par cette technologie. Dans la transformation digitale la transformation a pris le dessus sur le digital ou le numérique.
Certes il faudra déployer le SI dans le cloud, et la maîtrise des nouvelles technologies reste importante, mais les usages reprennent le dessus (Une DSI dans le nuage, mais aussi dans les usages) et parfois, comme avec la blockchain où le seul usage attendu massivement est la cybermonnaie, le manque d’usages retarde la mise en place de la technologie (et elle devient vite obsolète).
Cette bascule de la technologie vers la transformation s’est poursuivie en 2019 avec plusieurs billets qui ont traités chacun de ces repères et mis en avant le rôle du SI et de la DSI, souvent écartés au bénéfice “d’entités digitales” les années précédentes. En voici une synthèse avec les liens vers ces billets.
La plateforme digitale Depuis quelques années GreenSI a sur son radar le sujet de la transformation du SI en plateformes technologiques (2017 – L’empire des mille plateformes, 2018 – Passer des applications aux plateformes, 2019 – Quatre plateformes pour un SI) et l’avènement à la DSI d’un modèle de gouvernance plus agile et orienté clients pour les gérer.
L’ERP interne est bien l’une des quatre plateformes à transformer et ouvrir, dans un contexte de rapprochement entre CRM et SCM (Une stratégie ERP tirée par la valeur). D’ailleurs en 2019 les grands fournisseurs ERP eux-mêmes continuent de se transformer (SAP se transforme avec l’ERP,
CRM: mais pourquoi Salesforce rachète Tableau ?), parfois sur le dos de leurs grands clients qui doivent gérer leurs anciennes versions…
La plateforme est porteuse de l’alignement stratégique entre le métier et le SI, car ces plateformes déploient les nouveaux business modèle du digital centrés sur la valorisation de la mise en relation au sein d’un écosystème, et le traitement massif des données pour organiser ces rencontres, que ce soit en B2B ou B2C. Signe des temps pour les DSI, le Cigref, réseau des DSI des grandes entreprises et administrations, en a fait un thème de travail en 2019 et publié une synthèse qui aborde les sujets non techniques des plateformes, dont le business modèle : Nouvelles stratégies de plateformes business
Dans le secteur public la stratégie de plateforme se retrouve dans les modèles de villes intelligentes qui, comme Dijon Métropole ou Angers-Loire Métropole, mettent en place des hyperviseurs de l’espace urbain pour améliorer le multi-services entre opérateurs et la transversalité au sein de la collectivité : Gouverner les nouvelles infrastructures numériques des villes et métropoles. D’autres comme la métropole de Saint-Etienne, citée dans le rapport du Cigref, mettent en place des plateformes ouvertes open-API pour faciliter ces collaborations entre acteurs, avec la métropole au centre des données et des échanges. La modélisation de la ville en 3D pour consolider et donner du sens aux données pour les non-initiées est également une fonctionnalité de ces plateformes urbaines, comme encore à Angers mais aussi à Antibes Juan-les-pins ou à Rennes.
Enfin la vision de la plateforme ne serait pas complète sans prendre en compte la tendance de fond de l’open data. Cette démarche d’exposition libre des données a commencé dans le public mais a aussi ses implications dans le privé pour coordonner des chaînes logistiques complexes, dans un contexte de contraintes réglementaires et de meilleure gestion des données personnelles : Open data, une perspective européenne et surtout De l’Open data à la stratégie de données
L’intelligence artificielle et la data
Ces plateformes concentrent donc les données pour mieux les ouvrir, créer de nouvelles relations mais aussi les valoriser notamment avec de l’intelligence artificielle. Mais la réalité dans l’entreprise “pre-plateforme” n’est pas si simple. La maîtrise des données est loin d’y être assurée. Elle résiste peu au départ des salariés moteurs qui savent où aller les chercher, aux changements d’outils ou au vol des données par des personnels mal intentionnés, voire leur fuite en externe quand il s’agit de données personnelles.
GreenSI pointe un coupable, non pas en tant qu’outil, mais en tant que mode de pensée du fichier de données individuel que l’on a du mal à quitter : Et si on abandonnait tous Excel? Le titre de ce billet résume à lui seul, la difficulté de la tâche de transformation (malheureusement personne ne veut lâcher Excel !) qui n’est donc pas technique : La compétence SI la plus critique à l’ère de l’IA? Conduire le changement!
Ainsi, avant d’aborder l’intelligence artificielle qui demande énormément de données qualifiées pour permettre des apprentissages pertinents, la maîtrise de la donnée reste un fondamentale à maîtriser. Sinon l’alternative pour développer de l’IA sera d’utiliser les données des autres, par exemple en achetant sur étagère des services intelligents déjà entraînés qui s’intègrent au SI, ce qui a aussi un coût et développe une dépendance pas toujours compatible avec le développement d’un avantage compétitif.
Mais un plus grand travers de cette dernière approche serait de tomber dans la “hype” autour du sujet IA et se laisser berner par de la prétendue IA, car certaines “solutions” sont parfois proches de la supercherie comme l’a montré une étude européenne : Startups IA -n’oubliez pas de soulever le capot !
La cybersécurité concerne tous le monde
La sécurité a toujours été l’apanage du DSI, mais dans un monde où le SI est nécessairement ouvert pour permettre à l’entreprise d’opérer avec ses clients, ses fournisseurs et tout son écosystème, via l’internet ou les clouds publics et privés, c’est une toute autre affaire. De plus, les raisons d’être ciblées par une cyberattaque sont en train de basculer dans l’arbitraire, avec des attaques virales qui ne visent pas au départ une société en particulier, mais ceux qui tombent par malchance dans le filet, et d’autres plus politiques, dans lesquelles vous êtes embarqués à cause de votre activité ou de votre nationalité.
Tous le monde est concerné et dans l’entreprise la protection demande autant de la technologie et une organisation sans faille à la DSI, que l’accompagnement au quotidien des utilisateurs dans les nouveaux usages et dans l’apprentissage des “bons gestes”.
Enfin à l’horizon, les infrastructures continuent d’évoluer à grand vitesse avec la bataille que se livrent les opérateurs de Cloud, le développement du Edge amenée par l’augmentation phénoménale des données de l’IoT et de la 3D quand elles se déploient dans l’entreprise.
2019 aura montré comment gérer à grande échelle la communication de crise, en interne et avec ses clients, avec le cas de Norsk Hydro (La communication virale de Norsk Hydro)
La gestion des talents
Le repère qui s’est révélé le plus différenciant en 2019 est certainement la gestion des talents.
Le DSI est passé en première ligne et change change de rôle (Animer, le nouveau rôle du DSI) pour aligner le système d’information avec la transformation digitale de son entreprise, en faire un atout et plus un boulet.
Mais pour réussir, c’est toute la filière qui doit être mobilisés, ce qui implique un vaste programme de formation et de développement des compétences (Les compétences de l’informaticien de demain).
La nouvelle gouvernance
GreenSI pense que les DSI ont un rôle clef à jouer dans la transformation digitale, mais si ils ne changent rien il y a peu de chance qu’ils deviennent par magie les hommes de la situation. Le modèle de gouvernance est donc appelé à évoluer (Gouvernance du SI, ne ratez pas la Saison #3).
Les deux sujets critiques à traiter sont la diversité des équipes pour, dans un contexte de pénurie des ressources, ne pas passer à côté du potentiel féminin qui commence à vouloir se diriger vers ces métiers, mais surtout de dépoussiérer un modèle opérationnel issue du mainframe et des relations MOA-MOA dans l’industrie de la Construction.
Place à l’agilité (Le modèle opérationnel agile de la DSI) à une gestion des usages et des utilisateurs de façon individuelle, comme l’illustre le challenge de la gestion du poste de travail (Un poste de travail un peu trop verrouillé pour innover)
Et pourquoi pas reprendre la main en passant d’une gouvernance, normative et réactive à une gouvernance proactive qui entraîne toute l’entreprise comme dans la grande distribution où l’impact du digital touche également tous les lieux physiques et la logistique. Se fixer une cible, même lointaine, permet à tous de s’y préparer et d’avancer, en l’occurrence ici le magasin sans caisse qui stimule la transformation de la distribution avec Amazon comme aiguillon.
2019, était une opportunité unique d’agir pour la DSI digitale. En 2020, cette transformation se poursuit avec un profond changement de posture et de culture pour tous les managers, le/la Directeur des SI en premier chef, sur le vaste terrain du numérique et bien au-delà des murs de sa Direction.
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