Deux jours après le crash du Boeing 737 ukrainien en Iran, de nombreuses questions restent à élucider. S’il est toujours impossible d’établir à ce stade de l’enquête l’origine exacte de la catastrophe aérienne qui a coûté la vie à 176 passagers et membres de l’équipage, le contexte et le scénario qui se dessinent progressivement évoquent en de nombreux points l’accident du MH17, à l’été 2014.
Un scénario et une conjoncture similaires
Le 17 juillet 2014, un avion de la Malaysia Airlines parti d’Amsterdam en direction de Kuala Lumpur s’écrasait dans le Dombass, en Ukraine, une zone sous contrôle des rebelles séparatistes pro-russes en lutte avec le gouvernement pro-européen de Kiev, tuant 298 personnes.
Le jour même, le président ukrainien de l’époque, Petro Porochenko, évoquait un “acte terroriste” et l’ex-président des États-Unis Barack Obama affirmait que l’avion avait été touché par un missile tiré d’une zone contrôlée par les séparatistes, et ce grâce au “soutien de la Russie”.
Dans la soirée, Vladimir Poutine s’exprimait depuis le Kremlin. “À plusieurs reprises, nous avons demandé aux parties d’arrêter et de négocier. On peut être sûr que si, le 28 juin, les opérations militaires à l’est de l’Ukraine n’avaient pas recommencé, cette tragédie n’aurait pas eu lieu“, déclarait-il alors.
Quelques jours plus tard, l’Union européenne adoptait de lourdes sanctions économiques contre la Russie. Mais malgré les soupçons qui pèsent sur Moscou, le gouvernement russe a toujours nié une quelconque implication dans l’accident.
Plus de cinq ans plus tard, ce mercredi, le Boeing 737-800 de la compagnie Ukraine International Airlines décollait de Téhéran en direction de Kiev à 6h12, heure locale, avec 176 personnes à bord. À peine deux minutes plus tard, alors qu’il mettait le cap à l’ouest et volait à une altitude de 8000 pieds, soit environ 2400 mètres, l’appareil disparaissait des radars. Des images capturées par des témoins montrent l’appareil exploser avant de s’écraser. Comme en Ukraine, aucun passager et membre d’équipage n’a survécu à la catastrophe.
Sur fond de tensions diplomatiques entre l’Iran et les États-Unis, plusieurs pays, dont le Canada, ont déclaré que l’avion avait été touché par un tir de missile iranien, peut être accidentel. Même si une vidéo semble montrer que le Boeing a bel et bien été frappé par un engin qui ressemble à un missile, le gouvernement iranien réfute ces allégations. Lors d’une conférence de presse ce vendredi à Téhéran, le président de l’Organisation de l’aviation civile iranienne (CAO) a ainsi déclaré: “Une chose est sûre, cet avion n’a pas été touché par un missile. “
Une enquête sur fond de tensions diplomatiques
Durant les mois qui avaient suivi le crash du MH17, l’enquête a longuement piétiné, le dossier ayant fait l’objet d’une bataille diplomatique. Plusieurs pays (Australie, Belgique, Pays-Bas, Ukraine, Malaisie) ont constitué un groupe pour mener l’enquête sous le patronage des Pays-Bas, dont 193 ressortissants ont péri dans l’accident. En septembre 2014, un rapport écartait l’erreur technique et humaine. A ce moment-là, il est désormais établi que l’appareil a été touché “par un grand nombre d’objets de haute énergie”.
Le 17 juillet 2014, à l’heure exacte où le MH17 était passé sur le territoire pro-russe, le chef militaire des rebelles indiquait sur les réseaux sociaux que son armée venait d’abattre un avion militaire ukrainien AN-26. Le message avait été effacé, mais relayé par les médias russes. Deux ans plus tard, les autorités obtiennent finalement des “preuves irréfutables” que le vol MH17 a été abattu par un missile BUK, un système de missiles antiaérien fabriqué par Moscou, acheminé depuis la Russie.
Il faudra attendre mai 2018 pour établir que ce missile provenait de la 53e brigade antiaérienne russe basée à Koursk, dans l’ouest du pays, près de la frontière ukrainienne. Selon les enquêteurs, trois Russes et un Ukrainien seraient les responsables du tir de missile à l’origine du crash MH17. Igor Guirkine, Sergueï Doubinski, Oleg Poulatov et Leonid Karchenko, hauts gradés des séparatistes, sont poursuivis pour meurtre par le parquet néerlandais. Leur procès s’ouvrira le 9 mars 2020, au tribunal de Schipol, en banlieue d’Amsterdam, près de l’aéroport d’où avait décollé l’avion de la Malaysia Airline.
En Iran, l’enquête s’annonce tout autant compliquée
En Iran, les investigations débutent tout juste. Les premiers éléments tendent à montrer que les conditions météo, bonnes lors du décollage de l’avion, n’ont pas joué de rôle dans la catastrophe. Le contrôle technique de l’appareil effectué quelques jours plus tôt n’avait pas permis de relever de problème particulier sur l’avion. La thèse d’un problème technique semble donc s’éloigner. D’autant que la nuit du crash, le système anti-aérien iranien était en alerte, après l’envoi de missiles sur des bases américaines en Irak.
Le crash ayant eu lieu en Iran, la responsabilité de l’enquête incombe aux autorités iraniennes selon la convention de Chicago sur l’Organisation de l’aviation civile internationale. Cette dernière stipule que le pays constructeur de l’avion et le pays exploitant l’appareil “ont chacun la faculté de désigner un représentant accrédité qui participera à l’enquête.”
Malgré des relations irano-américaines très tendues, les autorités aériennes civiles de l’Iran ont également invité les États-Unis à se joindre à l’équipe d’experts mandatés via son agence en charge de la sécurité des transports, la NTSB. Outre les boîtes noires qui vont bientôt être analysées, les enquêteurs vont maintenant devoir inspecter minutieusement les débris de l’avion.
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