Il y a quelques semaines, Anthony Attia, CEO d’Euronext Paris, dévoilait ses ambitions dans la blockchain et la tokenisation des actifs financiers. Il a une attention particulière sur les évolutions de cette technologie, notamment au regard de sa fonction notariale. Dans cette démarche, Euronext est l’un des principaux actionnaires de LiquidShare, une fintech qui souhaite simplifier le traitement post-négociation des titres de PME cotées et non cotées, mais aussi de Tokeny Solutions, une startup luxembourgeoise à l’origine d’une plateforme d’émission, de gestion et d’échange de security tokens.
Il n’en reste pas moins, qu’à ce jour, le potentiel de la blockchain est loin d’être reconnu à sa juste valeur. Elle semble en effet encore trop peu utilisée dans le domaine boursier, là où elle pourrait pourtant apporter beaucoup, que ce soit en termes de gain de temps, ou bien de fiabilité.
On entend d’ailleurs souvent dire que cette technologie ne peut tout simplement pas supporter les millions de transactions qui transitent chaque jour chez Euronext ou Euroclear, ou bien que le fait de ne pas pouvoir être payé en euros sur une blockchain est un frein, ou encore que la capacité à connecter les acteurs type teneurs de comptes-conservateurs pour qu’ils puissent opérer les virements des titres de compte à compte est limitée… Alors, rêve ou réalité, la blockchain peut-elle supporter des données de transactions boursières ?
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Des freins inhérents au système bancaire traditionnel
Il faut savoir que s’il ne s’agit que d’une modification de registre par jour, la technologie de registre distribué est tout à fait en mesure de gérer le “règlement-livraison”, à savoir la procédure par laquelle les titres sont livrés, généralement contre paiement pour remplir les obligations contractuelles nées de la négociation d’une opération.
La blockchain permettrait alors un gain de temps considérable aux dépositaires centraux de titres et aux acteurs qui œuvrent dans la réconciliation de ces opérations. Le volume traité annuellement serait ainsi bien plus faible que l’actuel flux de transactions en bourse et la blockchain tout à fait à même de traiter ce volume réduit à quelques opérations tout au mieux chaque jour par entreprise.
Sauf que des contraintes pèsent actuellement sur le potentiel des avancées technologiques. Par exemple, pour pouvoir s’appuyer sur les capacités offertes par la blockchain, il faudrait pouvoir y effectuer des transactions en devises ayant cours légal. Une situation qui reste encore une utopie à ce jour puisqu’aucune crypto-monnaie avec une valeur légale n’est reconnue en Europe.
Au-delà de cette problématique monétaire, se pose la question de la complexité des systèmes informatiques. L’échange de titres via la blockchain entre les acteurs majeurs de la Bourse semble aujourd’hui irréalisable. Non pas par manque de volonté, mais par une trop grande complexité du système bancaire traditionnel dont le fonctionnement est aux antipodes de celui de la blockchain, que ce soit en termes de technologies utilisées ou d’organisation de la gouvernance issue de la réglementation en vigueur.
Avec l’empilement des réglementations, les systèmes de traitement des opérations boursières sont devenus très fragmentés. Une situation qui est la conséquence de la volonté légitime de renforcer la stabilité du système financier. Il serait cependant intéressant d’analyser la pertinence de cette fragmentation des systèmes au regard de la valeur ajoutée d’une technologie qui garantit le “règlement-livraison” en une seule opération.
Des projets qui se concrétisent
Pour l’ensemble des parties prenantes, il s’agit désormais de prendre enfin la mesure du potentiel de la blockchain au coeur des rouages boursiers. Le bénéfice serait plus que conséquent : l’identification en temps réel des bénéficiaires effectifs, le calcul fiscal et un reporting instantanés. Déjà, certains acteurs ont franchi le pas. Par exemple la plateforme Marco Polo cherche à faciliter les interactions et créer de la valeur que ce soit pour des entreprises et des institutions financières, tandis que Consensys a créé Codefi, une synergie d’outils sur l’espace d’exécution partagé d’Ethereum.
L’ASX (Australian Securities Exchange) avait annoncé, quant à elle, le remplacement de son système CHESS (Clearing House Electronic Sub-register System) par une solution fondée sur la blockchain, en collaboration avec BNP Paribas. L’objectif : mettre en place le tout premier système de ce type à échelle industrielle d’ici avril 2021.
Avec en plus des projets de “stable coin”, sans risque de volatilité, comme celui de la Turquie qui devrait avoir finalisé sa propre crypto-monnaie nationale d’ici fin 2020, ou celui de la République Populaire de Chine qui compte mettre en circulation très prochainement sa monnaie numérique, nous aurons à disposition les éléments d’infrastructure qui vont permettre la mise en œuvre du “règlement-livraison” en une opération (règlement des titres et livraison des titres en une opération).
Tous les éléments commencent donc à se mettre en place pour rendre possible l’usage de la Blockchain comme la technologie de la Bourse. Il faudra cependant encore du temps pour que celle-ci soit utilisée à son plein potentiel sur le Vieux Continent…
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