SVOD ou AVOD ?
Alors que les études sur le consentement à payer des consommateurs indiquent clairement qu’il y a une limite à souscrire des services de SVOD payants et qu’une majorité serait prête à accepter de payer moins cher en contrepartie de messages publicitaires, les streamers adoptent des stratégies qui ouvrent la porte à des offres de AVOD (Advertising Video On Demand), c’est-à-dire de la vidéo à la demande avec de la publicité. Pour preuve, la dernière étude de Parks Associates révèle que 25% des foyers américains ont regardé des vidéos sur un service OTT gratuit avec de la publicité au cours des 30 derniers jours comme The Roku Channels, Pluto TV ou Crackle. Le cabinet d’analyse Ampere s’attend à ce que les revenus du marché mondial de l’AVOD dépassent 62 milliards de dollars d’ici 2024, soit près du double des 33,8 milliards de dollars générés en 2018. Des revenus indispensables pour les plateformes qui dépensent plusieurs dizaines de milliards de dollars dans la fabrication des programmes chaque année. Dans un marché américain où les offres payantes vont se livrer une bataille sans pitié, les offres de AVOD jouent habilement la complémentarité.
Les annonceurs suivront ou pas ?
Alors que le nouveau service de SVOD sur mobile Quibi déclare avoir vendu 100% de son inventaire publicitaire annuel avant son lancement, la question se pose sur la capacité des annonceurs à confier des campagnes publicitaires à toutes ces nouvelles plateformes. Du côté de Peacock, le marché publicitaire américain semble globalement réceptif et enthousiaste. Le site Digiday passe en revue les atouts et les freins de Peacock et considère que la puissance de NBCUniversal sur le marché traditionnel de la pub TV lui permet de sécuriser la vente d’espace pour Peacock. Avec le repli des audiences de la TV traditionnelle, les annonceurs ont besoin d’aller chercher les consommateurs sur les plateformes de streaming : Peacock apparaît donc comme une opportunité de toucher ces consommateurs avec des messages personnalisés. Pour l’instant, Peacock s’est concentré sur ses plus gros annonceurs, en leur proposant des forfaits allant de 15 à 25 millions de dollars d’engagements sur une période de 18 mois. Reste à savoir quelle sera l’efficacité publicitaire de ces nouvelles plateformes et si le retour sur investissement des annonceurs s’avère payant.
Source : THR – D.R.
La migration des catalogues
Pour Ampere Analysis, la montée en puissance de l’AVOD sera soutenue par la stratégie des services de SVOD qui abandonnent progressivement les catalogues les plus anciens pour investir dans leurs propres productions exclusives : Ampere Analysis cite le cas de Netflix où la proportion de son catalogue de plus de cinq ans est passée de 50 % en septembre 2015 à 35 % en septembre 2019 aux Etats-Unis. Toujours selon le cabinet d’études, les services d’AVOD ont une offre de programmes pour laquelle 80% des catalogues ont en moyenne cinq ans d’âge ; et dans le cas de Crackle, 70 % des contenus ont plus de dix ans. Ce qui fait dire à Comcast que le marché de l’AVOD se décompose en deux catégories : les offres AVOD non premium et les offres AVOD premium sur laquelle Peacock se positionne.
Source : NBCU/Comcast – D.R.
La satisfaction des consommateurs
L’AVOD pourrait profiter de ce que les Américains appellent la « SVOD fatigue » c’est-à-dire le fait que les foyers ne savent plus à quoi s’abonner en raison du nombre exponentiel de sites de streaming payants présents et annoncés. Une tendance qui se confirme dans le dernier rapport de Tivo : le niveau de satisfaction des abonnés à la SVOD a baissé en 2019 (33,1%) alors que celui de l’AVOD a augmenté (37,5%). Des consommateurs prêts à payer, mais prêts aussi à visionner des programmes avec de la publicité, histoire d’alléger la facture.
Source : TIVO – D.R.
Embouteillage de services
C’est aux Etats-Unis, comme souvent, que le phénomène de l’AVOD est en train d’accélérer. Comme l’explique Jacinto Roca, le patron de Rakuten TV : « Il y a une tendance claire des annonceurs à s’éloigner de la télévision linéaire et à se tourner vers la vidéo à la demande. Aux États-Unis, l’AVOD est en croissance forte mais encore en Europe. Il est donc temps de se positionner. » Plusieurs services sont présents aux Etats-Unis et cumulent plusieurs dizaines de millions d’utilisateurs comme Tubi, Pluto TV, Hulu, The Roku Channel, Freedive de IMDbTV. Quant à Rakuten TV, l’objectif est d’être présent dans plus de 40 pays, dont la France, où l’offre gratuite avec publicité est déjà disponible. Youtube est présent sur ce segment depuis toujours, Facebook lui a emboité le pas plus récemment.
Source : TIVO – D.R.
En France, l’AVOD c’est du Replay
La vidéo à la demande gratuite en France s’est principalement développée à travers les sites de replay des chaînes de télévision. Avec un grand absent : le cinéma. A de rares exceptions près (sur myCanal compte tenu de la spécificité du service qui est payant et sur Arte), aucun site de replay de chaînes en clair ne propose du cinéma. En effet, la majorité du replay se fait à J+7 de la diffusion linéaire. Or, la chronologie des médias a positionné la VOD gratuite du cinéma à 42 mois après la sortie en salles, trop loin pour en faire un produit d’appel pour les consommateurs et les annonceurs. Une situation qui pourrait ne pas durer selon les Echos, qui en novembre dernier, mentionnaient les avancées de France Télévisions sur le sujet, en passe de signer un accord avec les organisations professionnelles du cinéma.
Si on exclut les sites de replay des chaînes, l’offre actuelle d’AVOD française est famélique, voire inexistante, en dehors de Youtube et Rakuten qui vient de lancer son offre. Toutefois, la rumeur concernant le lancement prochain de la version française de Hulu enfle, suite à un tweet de Manuel Alduy le 18 janvier dernier.
Une chose est sûre, si 2019 a consacré la SVOD comme la killer application de la vidéo à domicile, 2020 déroule le tapis rouge à l’AVOD.
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