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Au procès de l’ex-prêtre Preynat, « il parle de caresses ; il me touchait comme un sauvage » &

Face à ses victimes, Bernard Preynat, comme depuis le début de son procès, reconnaît partiellement les faits et leur demande pardon.

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Face à ses victimes, Bernard Preynat, comme depuis le début de son procès, reconnaît partiellement les faits et leur demande pardon. PHILIPPE DESMAZES / AFP


Au lendemain de l’ouverture du procès de l’ancien prêtre, jugé à Lyon pour de multiples agressions sexuelles sur des enfants, dix victimes, mineures au moment des faits, de Bernard Preynat ont été entendues par le tribunal, mercredi 15 janvier.

« Il parle de caresses. Ma femme me caresse. Lui, c’était de la masturbation ; il me touchait comme un sauvage », s’indigne à la barre Stéphane Hoarau, 8 ans à l’époque des faits. « Il me baissait mon short, me touchait le sexe, me masturbait, m’obligeait à me masturber et m’a demandé parfois de le masturber, de caresser son sexe… Il me retournait pour se frotter contre moi », explique-t-il, ajoutant que ces abus s’étaient déroulés plusieurs fois dans la chambre de l’ancien homme d’Eglise.

« C’étaient des gestes sans violence, des gestes de tendresse par lesquels je trouvais un certain plaisir. Il m’a fallu du temps pour découvrir que c’était mal et condamné vu l’âge des enfants », avait déclaré la veille Bernard Preynat.Sur le premier jour du procès : Le père Preynat, jugé pour agressions sexuelles sur mineurs, face à la douleur de ses victimes

« Je ne suis pas né sous une bonne étoile »

Selon Stéphane Hoarau, les jeunes proies de Preynat se succédaient parfois dans un même local. Appelé par le prêtre sous le prétexte de l’aider à quelque chose, il se rappelle avoir croisé en arrivant un petit garçon, regard fuyant, tête basse, qui sortait d’une pièce où se trouvait Preynat. « J’ai vraiment eu l’impression qu’il lui avait fait subir la même chose qu’à moi », dit-il. « Moi, j’avais confiance ». Au début. Mais « je ne suis pas né sous une bonne étoile », souligne M. Hoarau, placé à l’âge de 4 ans en famille d’accueil après avoir été déjà victime d’un prédateur sexuel dans son entourage familial.

Il avait été inscrit par sa famille d’accueil chez les scouts du groupe de Preynat pour « le recadrer ». Ce qu’il récolte ce sont des attouchements, des agressions sexuelles répétées. Il portera plainte en avril 2016 après de longues années de silence. Après les scouts, s’en suivront d’autres galères, familles d’accueil, foyer, foyer de jeunes travailleurs et « mise à la rue » à 18 ans à peine. Depuis, « je me suis marié ». « J’ai des enfants mais j’ai beaucoup de mal à les toucher », reconnaît-il, attribuant ses difficultés à les câliner au traumatisme vécu dans son enfance, sous l’emprise du « père Bernard ». « Ces réticences, il y a un lien de cause à effet avec ce qui m’est arrivé. »Lire aussi Le livre « Abusés », qui contient les témoignages des victimes du père Preynat, est retiré de la vente

Une autre victime témoigne d’horribles « flashes » quand elle change les couches de ses jumeaux, des petits garçons de 2 ans. « Parfois, quand je suis amené à les changer, des visions me reviennent. Des craintes me reviennent », raconte la voix étranglée Stéphane Sylvestre, qui a déposé plainte en 2015. « Alors que changer un enfant, c’est très loin des caresses sur le sexe » de Preynat. Mais « j’avais peur de devenir moi-même un agresseur ».

Il se souvient des attouchements de l’ex-prêtre sur son sexe, notamment dans les bureaux du premier étage de l’église Saint-Luc. Quand Preynat l’agressait, « il pouvait parler de scoutisme, complètement en décalage avec ce qu’il me faisait. Je dis ça maintenant avec ma vision d’adulte », relève M. Sylvestre. « J’ai voulu quitter les scouts et quand j’ai pu enfin en partir, je me suis adossé et écroulé le long du mur. » Ses parents s’en étonnent et Stéphane parle enfin : « “Un homme m’a caressé ; il a mis sa main dans mon short.” Heureusement, mes parents m’ont cru aussitôt et ça m’a beaucoup aidé. A l’époque, j’avais l’impression d’être la seule victime. » Quand on est abusé, « on est un pantin dans un corps qui ne nous appartient plus », dit-il, la gorge serrée.

Preynat révèle avoir lui-même avoir été abusé enfant

L’ex-prêtre a révélé mercredi avoir lui-même été victimes d’abus dans sa jeunesse. A la barre, l’ancien curé de Sainte-Foy-les-Lyon a indiqué en avoir fait état dans une lettre adressée à l’administrateur apostolique Michel Dubost, qui remplace le cardinal Philippe Barbarin dans la gestion du diocèse de Lyon depuis sa condamnation en mars pour ses silences sur le cas Preynat.

Dans ce courrier, écrit l’été dernier au moment de son procès apostolique – à l’issue duquel il a été expulsé de l’Eglise – Preynat raconte avoir été « victime d’un prêtre au séminaire, d’un moniteur qui (l)e caressait sous la douche ». Il y explique avoir été successivement agressé sexuellement par un sacristain de sa paroisse, un séminariste et un prêtre au petit séminaire entre sa sixième et sa quatrième.

Interrogé peu après en marge de l’audience, son conseil Frédéric Doyez a confié avoir été pris de court par ces révélations. « Il ne m’en avait jamais vraiment parlé. Quand on subit des agressions de ce type, il y a une honte », a déclaré l’avocat. « Je ne dirais pas que je suis étonné. C’est ce qui se passe lors d’une audience. Mais s’il n’en avait pas parlé, c’est peut-être par crainte que l’on pense que c’est en quelque sorte pour se dédouaner », a-t-il ajouté. Bernard Preynat a précisé devant les juges qu’il n’avait jamais évoqué ces faits avant d’être interrogé par une inspectrice de police début 2016.

« On m’a laissé devenir prêtre »

Face à ses victimes, Bernard Preynat, comme depuis le début de son procès, reconnaît partiellement les faits et leur demande pardon. « Je regrette de l’avoir rendu malheureux », dit l’ancien prêtre de 74 ans après le témoignage poignant de M. Sylvestre. « J’étais très loin de tous les agresser, Dieu merci ! », s’était-il exclamé un peu plus tôt, en réponse à la présidente du tribunal qui soulignait de sa part « une multiplicité d’actes sur une multiplicité d’enfants pendant une vingtaine d’années ».

L’ex-prêtre a aussi pointé la responsabilité de sa hiérarchie qui, plusieurs fois alertée de ses pulsions, n’a pas exigé qu’il se fasse soigner : « Déjà, à 14 ans, au petit séminaire, je savais déjà [que j’étais attiré par les petits garçons]. On m’a dit, “tu es un malade”, mais on s’est débarrassé de moi. On m’a envoyé dans un autre séminaire », raconte Preynat à la barre.

L’ancien curé de Sainte-Foy-lès-Lyon, dans la banlieue de Lyon, explique que ses penchants n’ont pas empêché son ordination en 1971. « On aurait dû m’aider… On m’a laissé devenir prêtre », a-t-il expliqué, alors qu’il avait suivi une thérapie à l’hôpital psychiatrique du Vinatier, près de Lyon, en 1967 et 1968.Article réservé à nos abonnés Lire aussi François Ozon : « L’Eglise est en train de prendre conscience du problème » de la pédophilie

Au fil des années, il a expliqué avoir bien présenté « comme un péché », pendant la confession, certains de ses actes et pulsions. Mais « le prêtre me donnait des encouragements pour que je ne recommence pas, et l’absolution ». « On m’a parlé plusieurs fois de maladie sans me donner de chemin pour en sortir », résume-t-il, tout en prenant soin de tempérer : « Je n’accuse pas l’Eglise, je ne m’en sers pas comme excuse. »

Dix parties civiles, sur trente-cinq victimes entendues pendant l’enquête, sont constituées au procès, beaucoup de faits étant frappés de prescription. Mercredi soir, l’audition d’un expert psychologue chargé de sonder la personnalité de l’ancien curé de 74 ans, prêtre adulé et pervers sexuel, devait débuter. L’ex-prêtre encourt jusqu’à dix ans d’emprisonnement.

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