Magic Box !
La bonne nouvelle est tombée : les audiences TV vont augmenter en 2020 ! Alors que les sites de SVOD se déploient à coup de budgets en milliards de dollars et bousculent le petit monde ronronnant de la TV linéaire, Médiamétrie sort de son chapeau une innovation majeure qui redonne le sourire à tous les patrons de chaînes : le lancement d’un audimètre qui va gonfler les audiences TV. Selon Médiamétrie : « cette audience additionnelle représente environ 5% d’audience complémentaire à l’audience réalisée sur le téléviseur à domicile. » Soit environ 10 minutes de DEI (Durée d’Ecoute Individuelle). Ce petit boitier magique permettra de mesurer dès le 30 mars 2020 les audiences TV hors-domicile : 4500 panélistes seront équipés de cet appareil pour «tracker » les écoutes de la télévision en dehors du foyer : « vacances, hôtels, aéroports, lieux publics, et cela sur tous les écrans. »
TV is watching you ! Il faut avouer qu’il y a urgence : face à la vague de la SVOD à laquelle succèdera celle de l’AVOD, les chaînes TV ont tout intérêt de consolider au mieux leurs audiences. Pour financer cette innovation, le tarif du Médiamat va même augmenter de 8%. C’est dire si l’enjeu est vital pour les chaînes linéaires. Il faut également avouer qu’avec le développement des applications et de la mobilité, les occasions de regarder la télévision en dehors du foyer ont explosé ces dernières années.
Peur sur la pub
Mais il ne faut pas être dupes : la bataille des audiences masque une inquiétude bien plus importante dans les principaux groupes média : le retournement du marché publicitaire. En effet, la publicité digitale augmente plus rapidement que le marché publicitaire de la TV : au premier semestre 2019 la publicité digitale affichait une croissance de 13% à 2,8 milliards d’euros alors que la publicité TV stagnait à 1,7 milliard d’euros de recettes (+0,2%). Si les audiences venaient à baisser de manière trop importante, l’écart pourrait s’accentuer. Une tendance que devrait aider à combattre la nouvelle loi audiovisuelle avec des dispositions en faveur des chaînes : suppression des jours interdits de cinéma, autorisation de la publicité pour le cinéma, déploiement de la publicité adressée. Mais c’est surtout du côté de Médiamétrie que tout se joue : si la nouvelle mesure permet de gagner 10 minutes de DEI, cela pourrait permettre de présenter des chiffres d’audience 2020 stables, voire même en progression.
Un média puissant, mais fragile
En 2019, les Français ont regardé la télévision 6 minutes de moins qu’en 2018 : la durée d’écoute individuelle tombe à 3h30 sur le téléviseur et se situe à 3h40 en moyenne par jour et par personne dans tous les lieux, sur tous les écrans et par tous les modes de consommation (live, différé et replay). Pour Médiamétrie, ce nouveau repli de l’audience est à mettre à l’actif de la météo (il fait trop beau en hiver) et de l’actualité (pas de Coupe du monde de foot cette année). Mais en réalité, l’évolution de l’audience TV est touchée par un phénomène de lente érosion depuis 2012, son point culminant de la décennie à 3h50 de DEI. Cette année Médiamétrie a décidé de ne pas faire de zoom sur les cibles, pourtant les 15-34 ans voient leur DEI reculer de 13 minutes à 1h43. Les femmes RDA-50 ans, les femmes responsables des achats de moins de 50 ans, cible privilégiée des publicitaires et des annonceurs, ont elles aussi moins regardé la TV qu’en 2018 : 3h08, en repli de 14 minutes.
Chahutée, la télé reste le média le plus puissant avec ses 41,3 millions de Français qui la regardent chaque jour et qui se transforment en moyenne en 23 millions de téléspectateurs le soir venu. Mais même si le preview et le replay sont venus densifier les occasions de consommer les programmes, cela ne suffit pas à rassurer le marché. Pour preuve, Le Figaro : « La télé va craquer. Les fissures ne sont pas encore apparentes. Le dernier bilan des audiences de l’année 2019 dressé par Médiamétrie se veut même rassurant (…) En clair, l’apparente stabilité du média masque une réalité plus inquiétante. La télévision est attaquée sur ce qu’elle a de plus précieux : sa puissance, c’est-à-dire sa capacité à rassembler au même moment un grand nombre d’individus, grâce à la diffusion en direct. »
La TV casse ses grilles
Pour riposter à la montée en puissance du streaming, les chaînes de télévision ont misé sur deux modes complémentaires d’exploitation des programmes : le preview et le replay. Avec au rendez-vous des scores impressionnants qui témoignent de l’évolution de la manière de consommer les programmes TV. 7,8 millions de Français s’adonnent au replay tous les jours, soit une hausse de 13% en deux ans et qui regardent leurs films et séries préférés en rattrapage pendant 1h11 par jour. Une durée de consommation qui ne concerne que les utilisateurs, à la différence de l’audience moyenne de la télévision qui elle est rapportée à l’ensemble de la population ; rapportée à la DEI le Replay est estimé à 10 minutes par jour. Ce sont les séries qui réalisent les meilleures performances en replay. En 2019, c’est le Bazar de la Charité qui avec 1,6 million de téléspectateurs en replay se classe en tête des émissions les plus regardées, soit 23,2% d’audience supplémentaire pour le premier épisode de la série.
Quant aux diffusions de certains programmes avant leur diffusion sur une chaîne, elles rassemblent de plus en plus de monde. Médiamétrie a comptabilisé plus de 2 millions de personnes qui ont consulté un programme en preview en novembre 2019 avec parfois des scores impressionnants comme Les Sauvages (Canal +) qui ont réalisé 54% de leur audience en preview.
La SVOD se fait une place au royaume du Prime Time
Médiamétrie estime que la SVOD emprunte les codes de la TV mais souligne par ailleurs que la TV emboîte le pas à la SVOD en mettant le cap sur la fiction et précise que l’offre de fictions des chaînes s’est étoffée en 2019 : 750 heures de fictions supplémentaires en 2019 avec de beaux succès pour les séries françaises qui représentent 53% des meilleurs prime de l’année contre 13% en 2009. L’appétence pour les séries sur les plateformes SVOD a donc incité les chaînes à revoir leur stratégie et à privilégier les séries françaises qui occupent 53 places dans le top 100 des fictions 2019.
Au-delà du fait qu’une partie du marché minimise l’impact de la SVOD afin de se rassurer sur la capacité de résistance de la télévision traditionnelle, deux chiffres viennent compléter le bilan de Médiamétrie : le chiffre d’affaires de la SVOD dépasse 800 millions d’euros en 2019 et Netflix a déclaré finir l’année à 6,7 millions d’abonnés. Et c’est loin d’être fini puisque Disney+ sera lancée le 24 mars prochain et que pour l’instant l’impact d’AppleTV+ reste marginal.
Médiamétrie nous apprend que la SVOD a 4,5 millions d’utilisateurs quotidiens (chiffres arrêtés en fin de premier semestre 2019) qui passent 2h51 à regarder des programmes à la demande tous les jours. Rapportée à l’ensemble de la population la DEI de la SVOD s’établit à 13 minutes par jour, soit 3 minutes de plus que la DEI du replay. De plus, et sans surprise, la SVOD ne se consomme pas aux heures creuses d’utilisation de la télévision. Au contraire, la SVOD est en concurrence directe avec la télévision dans la soirée : à 22 heures, 2,2 millions de personnes regardent un programme en SVOD tandis que 23 millions de téléspectateurs regardent la télévision à 21h30. Et comme un problème n’arrive pas seul, c’est le plus grand écran de la maison qui est préféré pour regarder la SVOD : le téléviseur est utilisé à 73% par les SVODistes.
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