Bernard Preynat, ancien curé de Sainte-Foy-les-Lyon doit être jugé à partir du 13 janvier pour agressions sexuelles sur mineurs, pour des faits remontant aux années 80 et 90. — Pierre-Emmanuel Germain
L’ancien prêtre Bernard Preynat, réduit à l’état laïc, doit être jugé à partir de lundi devant le tribunal de grande instance de Lyon.
Il est poursuivi pour agressions sexuelles sur mineurs pour des faits commis il y a 30 ans.
Si près d’une centaine de victimes ont été identifiées, neuf pour lesquelles les faits ne sont pas prescrits, seront présentes lundi.
Son haleine empestant l’odeur de cigare est encore dans leurs esprits. Ses gestes déplacés aussi, ainsi que la peur qu’il leur inspirait. Ce lundi, l’ancien prêtreBernard Preynat, âgé de 74 ans, ( réduit désormais à l’état laïc) va se retrouver face à neuf de ses anciennes victimes présumées devant le tribunal de grande instance de Lyon. Si le procès n’est pas renvoyé en raison de la grève des avocats (lire l’encadré), l’homme devrait y être jugé toute la semaine pour agressions sexuelles sur mineurs. Trente ans après les faits qui lui sont reprochés.
Les victimes potentielles recensées sont toutes d’anciens scouts que le prêtre encadrait lorsqu’il officiait à Sainte-Foy-les-Lyon à la fin des années 80 et au début des années 90. Si neuf se présentent à la barre ce lundi, des dizaines d’autres (on évoque une centaine de victimes) n’obtiendront jamais de procès puisque les faits reprochés sont désormais couverts par la prescription.
« Tourner la page »
« J’attends que la vérité soit dite pour tourner la page », confie à l’aube du procèsPierre-Emmanuel Germain-Thill, l’une de ces victimes présumées. « Nous avons le devoir citoyen d’informer les gens sur ce qui s’est passé », ajoute-t-il. Lui se dit « serein » quant à la confrontation à venir. « Je n’ai plus d’appréhension. J’ai beaucoup avancé depuis quatre ans ». Depuis ce jour où il s’est retrouvé pour la première fois face à Preynat dans les locaux de la police, le jeune homme a entrepris de libérer sa parole, de témoigner inlassablement pour faire éveiller les consciences. Au prix parfois de souffrances.
Pour d’autres, en revanche, le chemin sera encore long. « Mon client est encore tout à sa douleur. Il est avide de comprendre. Il n’attend pas seulement d’être reconnu comme victime. Il souhaiterait comprendre comment le père Preynat a pu agir ainsi, a pu agresser autant d’enfants en toute impunité. Il cherche des réponses pour parvenir à exorciser ses démons », lâche Martine Bouchet, avocate de Jean-François, 41 ans. Un homme qu’elle décrit comme « brisé », « abîmé par cette affaire ». Un « écorché vif ».
« Il a l’espoir de cicatriser ses blessures. Il a entamé une thérapie, il est parvenu à arrêter le cannabis mais il reste encore très inhibé. Il a du mal à aller de l’avant », précise-t-elle. Selon son témoignage, en 1986, le petit garçon, âgé de 8 ans, est devenu l’une des proies du père Preynat, qui lui impose des séances de masturbation et le force à l’embrasser sur la bouche. Un calvaire qui va durer 4 ans. L’enfant décroche à l’école. Il redouble son CE2 puis enchaîne un parcours chaotique avant d’être déscolarisé.
« Une agression sexuelle n’est pas “pas grave” »
« Son salut, il le doit à son épouse rencontrée lorsqu’il avait 14 ans. Elle ne l’a jamais quitté. Sans elle, il ne serait pas là », poursuit l’avocate. En 2006, l’homme porte plainte et livre pour la première fois son terrible secret à son entourage. « Sa mère ne l’a pas cru, elle a cherché à minimiser les faits. Ça a été terrible pour lui. Cela a créé des tensions et l’a encore plus éloigné de sa famille », raconte Martine Bouchet, précisant que son client aborde le procès « sans haine, ni soif de vengeance ». A l’instar de Matthieu, dépeint comme « un garçon très équilibré », par son avocat Jean Boudot.
« Ce n’est pas celui qui s’en tire le plus mal, observe-t-il. Certains sont sortis fracassés. Mais l’on sait qu’un bisou sur les lèvres peut être aussi traumatisant que des caresses dites superficielles ou des mains dans la culotte. Les victimes sont dans le même état que si elles avaient été violées. Une agression sur mineur n’est pas “pas grave”. Elle génère des choses effrayantes dans la construction d’un individu ».
Agé de 39 ans, Jean-François a eu dû mal à briser l’omerta. Il a choisi de « préserver sa mère », aujourd’hui décédée, qui « idolâtrait » le curé. Il ne lui a jamais parlé des agressions. « Il s’est sacrifié. Aujourd’hui, ses relations amoureuses restent compliquées, il a du mal à construire quelque chose et il reste dans le questionnement permanent », poursuit Jean Boudot pour lequel le procès va engendrer « une vraie réflexion sur le sens de la peine ».
Bernard Preynat a reconnu les faits
« On sait que le Bernard Preynat postule à l’une des plus hautes marches du podium en termes de nombre de victimes sauf que le tribunal est saisi de dix infractions. Cela pose question : doit-on s’affranchir de la partie immergée de l’iceberg au moment de rendre une décision ?, interroge-t-il. Par ailleurs, cet homme va être jugé pour des faits qui se sont déroulés il y a 30 ans. Et il semble avoir modifié son comportement depuis. Est-ce que cela peut lui éviter l’incarcération ? A quel degré cela peut avoir un impact sur les faits commis » ?
« C’est un dossier rendu complexe par le temps qui s’est écoulé, répond Frédéric Doyez, l’avocat du père Preynat. L’enjeu sera de prononcer la juste peine. La culpabilité ne pose pas question : il est coupable des faits. Il les a reconnus. La question est de savoir quelle peine lui infliger. Et serait-elle la même si les faits étaient commis aujourd’hui ? »
Bernard Preynat encourt 10 ans de prison. En décembre 2018, le tribunal de Saint-Etienne avait condamné le père Régis Peyrard à six mois de prison ferme pour les mêmes faits. « Une peine avec sursis ne serait pas audible. Plus de 90 personnes se sont manifestées dans ce dossier. Des hommes se sont suicidés depuis. Une peine de sursis reviendrait à dire qu’il n’y a pas eu de justice », conclut Pierre-Emmanuel Germain-Thill.
Le procès reporté?
L’incertitude plane. Le procès de Bernard Preynat pourrait être reporté en raison de la grève des avocats. Le barreau de Lyon a voté vendredi la « grève totale » jusqu’au 19 janvier pour protester contre la réforme des retraites. Cet appel pourrait entraîné le report du premier jour d’audience à mardi ou le renvoi du procès à une date ultérieure. Les parties civiles et Bernard Preynat seront fixés ce lundi matin.
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