Jeudi, les psychiatres ont tenté de sonder l’esprit de Bernard Preynat. — Konrad / Sipa
Au troisième jour du procès de Bernard Preynat, les experts psychiatres ont été appelés à témoigner pour cerner sa personnalité.
L’ancien prêtre, jugé pour agressions sexuelles sur mineurs, est décrit comme un homme « double ».
Il a affirmé n’avoir jamais fait le lien entre les agressions qu’il a lui-même subies et celles qu’il imposait à ses victimes.
Maintes fois, il a répété à la barre ne pas avoir « conscience de la gravité » de ses actes. Il savait qu’ils étaient « interdits », « condamnables » mais il n’a pu s’empêcher de les commettre, guidé par ses pulsions incontrôlables. Il n’a jamais pu les expliquer non plus. Si ce n’est dire qu’il ne mesurait pas « les conséquences pour (ses) victimes ». Le procès de l’ancien prêtre Bernard Preynat, jugé pour agressions sexuelles sur mineurs, s’achèvera ce vendredi devant le tribunal correctionnel de Lyon. Sans permettre d’apporter de réponses claires à cette question.
Les psychiatres, appelés à livrer leur analyse, ont tenté de sonder l’esprit de cet homme « double », à la fois adulé par ses paroissiens mais redoutable prédateur. « Il a une face obscure, du côté du mal, et une autre face lumineuse, qui faisait l’admiration de tous », soulève Liliane Daligand, mandatée par la défense. « Sa personnalité relève du pervers sexuel », affirme de son côté, Michel Debout estimant qu’une « partie de lui n’accède pas à la souffrance de l’autre ». « L’autre est utilisé pour répondre à ses besoins pulsionnels », poursuit l’expert, ajoutant que l’ancien prêtre n’a pas prononcé une seule fois le mot « victime » lors de leurs trois rencontres.
Victime lui-même d’agressions sexuelles
« Il est resté un enfant sur le plan sexuel », ajoute-t-il. Un enfant, qui a échangé ses premières caresses avec son frère à l’âge de 7-8 ans. « On dormait dans le même lit. On s’est touché le zizi deux ou trois fois. C’est comme ça », répond le prévenu, un peu penaud, interrogé à ce sujet par l’une des avocates des parties civiles. Un enfant, abusé durant plusieurs années par quatre personnes différentes. Un sacristain lorsqu’il était enfant de chœur à Saint-Etienne, puis un séminariste, qui soulevait le rideau des douches afin de lui « caresser les cuisses » lors d’un camp d’été.
Bernard Preynat a également subi les agressions sexuelles de deux prêtres pendant ses études. Dont celles de l’un de ses professeurs, qui enseignait au petit séminaire. Pendant trois ans. Entre 11 et 14 ans, précisément. L’homme, un prêtre de la Loire, l’invitait à le rejoindre dans son bureau pour « lui laver le sexe avec un gant de toilette ». Quand il ne passait pas derrière lui en cours pour faufiler sa main sous sa chemise et lui caresser le dos ou les épaules. Le futur curé commettra ses premières agressions deux ans plus tard, à 16 ans.
« Toutes les victimes ne deviennent pas des agresseurs »
« Vous n’avez pas jamais fait le lien entre ces gestes et ceux que vous imposiez à vos victimes ? » l’interroge Anne-Sophie Martinet, présidente du tribunal. « Non, je n’ai pas pensé à ça », répond l’intéressé, presque surpris par la question. « Il y a un système d’identification qui est produit et qui est relève des faits subis », confirme pour sa part Liliane Daligand.
« Tous les violeurs ou agresseurs sexuels que j’ai rencontrés ont d’abord été des victimes, expose-t-elle. Evidemment, ça ne veut pas dire que les toutes victimes deviennent des agresseurs ». Michel Debout, se dit lui, surpris par ces révélations : « Il n’en a jamais parlé au cours de nos entretiens ». Mais confirme la dualité du prévenu qu’il qualifie de « mi-prêtre, mi-traître ». « Si je dis cela, c’est qu’en ne maîtrisant pas ses pulsions, il trahissait son vœu de chasteté et son engagement de prêtre », analyse-t-il.
« Il se shootait aux corps d’enfants »
Si Bernard Preynat se « shootait aux corps d’enfants », il ne présenterait toutefois pas le profil d’un « pédo prédateur », avance Liliane Daligand. « On est du côté de la tendresse. C’est l’enveloppe de peau qui l’intéresse et non la pénétration ». Des propos qui font tiquer les victimes, le prévenu ayant lui-même reconnu avoir violé trois enfants (pour lesquels les faits sont aujourd’hui prescrits). Mais les experts s’accordent à dire que l’ancien prêtre est dans le « déni ». « Il n’a cessé de raconter que les enfants avaient l’air satisfaits et qu’ils étaient consentants », appuie Michel Debout. « Il est clair qu’il se ment à lui-même car les gestes qu’il a commis sont de l’ordre des abus sexuels, ajoute sa consœur mais il a pu changer. Il semble être dans une culpabilité majeure, très tourmenté parce qu’il a fait subir à ces enfants ».
« Vous nous dites qu’il culpabilise mais pas une seule fois depuis le début de la semaine, il n’a demandé aux victimes comment il pouvait réparer », relève dubitative Dominique Sauves, procureure, dont les réquisitions sont attendues ce vendredi.
Une faute ? 0 partage
コメント