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Comment les géants de la tech ont tourné à leur avantage l’open source

C’est un critique véhément des abus de la Silicon Valley, un inlassable dénonciateur des pratiques de Facebook, Google et consorts, sans être le moins du monde technophobe ni anti-business: Roger McNamee est un investisseur depuis plus de trois décennies dans la tech, un univers qu’il connaît très bien. Il a entre autres conseillé Mark Zuckerberg en 2006 (le jeune PDG de 22 ans hésitait alors devant une offre de rachat d’un milliard de dollars par Yahoo). Pourtant, l’évolution des géants du numérique et le refus des dirigeants de Facebook d’écouter ses avertissements l’ont progressivement amené à en devenir un opposant farouche.


Couverture du livre de Roger McNamee / éditions Quanto

McNamee est ainsi devenu un de ces «hérétiques de la Silicon Valley» horrifiés par ce qu’est devenu le numérique. Avec l’ex-designer chez Google Tristan Harris, il a cofondé le Center for Humane Technology, un think tank contre les effets délétères des services numériques sur l’attention et le débat public.

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“Conçus par des ingénieurs pour des ingénieurs”

Il a publié cette année – et c’est une lecture que je vous recommande pour clore cette décennie mouvementée – un livre, en VO «Zucked. Waking up to the Facebook catastrophe», sorti en français sous le titre «Facebook. La catastrophe annoncée» (éditions Quanto). Ce livre captivant raconte son itinéraire dans la tech et la finance, et ses désillusions ces dernières années.

Dans son second chapitre, «La Silicon Valley avant Facebook», McNamee revient sur la vision utopique d’Internet qui a prévalu longtemps, où l’on pensait souvent, dans le milieu des années 1990, «qu’Internet et le World Wide Web rendraient le monde, plus démocratique, plus juste et plus libre».

«Mais la plupart des gens avaient besoin d’outils pour construire des sites web, de serveurs pour les applications, etc. La communauté ‘open source’ n’a pas tardé à s’engouffrer dans cette brèche. Ce réseau distribué de programmeurs collaborait sur des projets qui ont abouti à la création de l’infrastructure d’Internet. Andreessen [cofondateur de Netscape devenu investisseur, NDLR] est issu de cette communauté. L’open source présentait de grands avantages, notamment l’excellente fonctionnalité de ses produits, leur évolution rapide et leur gratuité.

Hélas, et c’était chose grave, le web et les produits open source avaient un point commun: ils n’étaient ni faciles ni agréables à utiliser. Les bénévoles de la communauté open source ne poursuivaient qu’un objectif: construire le web ouvert. Ils concentraient leurs efforts sur la performance et la fonctionnalité, pas sur la maniabilité ou l’ergonomie. Si cette démarche s’est révélée utile pour construire l’infrastructure constituant le noyau d’Internet, elle n’a pas fait ses preuves dans le développement d’applications grand public.»

«Les outils open source n’appartenaient à personne, et il n’y avait donc aucune incitation financière à les rendre attrayants aux yeux des consommateurs. Ils étaient conçus par des ingénieurs pour des ingénieurs, ce qui pouvait se révéler frustrant pour les profanes.»

Google “a supplanté une énorme part” du Web ouvert

McNamee décrit ensuite la façon dont Google s’est appuyé là-dessus pour «créer ou acquérir des produits attrayants pour le public: Gmail, en 2004, puis cartes et plans, outils pour les photos et les vidéos, et applications de productivité. (…) Chacune de ces applications adorées des consommateurs collectait des données dont Google pouvait tirer parti. Dans son ensemble, la famille d’applications Google a supplanté une énorme part du World Wide Web ouvert. C’était comme si le géant avait unilatéralement planté une palissade autour de la moitié d’un parking public et avait commencé à faire commerce des places ainsi accaparées.»

Présentant les transformations des années 2000 (Facebook est créé en 2004), l’ancien capital-risqueur souligne:

«Le premier grand changement au sein de la Silicon Valley est lié à l’économie des start-up. Les obstacles qui entravaient depuis longtemps les jeunes entreprises ont soudainement disparu. Les ingénieurs pouvaient désormais créer des produits de classe mondiale rapidement grâce à une mine d’outils logiciels complémentaires, comme le serveur Apache et le navigateur Mozilla [Firefox, NDLR], issus de la communauté open source. En s’appuyant sur les nombreuses applications open source disponibles, les ingénieurs ont pu concentrer tous leurs efforts sur les fonctionnalités valorisables de leurs applications, plutôt que de construire une infrastructure à partir de zéro, ce qui représentait un gain de temps et d’argent.»

Devenu un observateur (très) critique de ce que sont devenus des Facebook ou Google, après les scandales comme Cambridge Analytica, Roger McNamee était de passage à Paris cet automne. Et pour les encadrer, il déclarait notamment que «5 milliards d’euros d’amende, ça ne marche pas, il faudrait 50 milliards.» De même que pour responsabiliser les dirigeants, qu’ils encourent un risque de prison serait utile, estime l’ancien mentor de Zuckerberg.

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